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Je commence un jour éternel.

Comme un cèdre aux vastes ombrages,
Mon nom croissant avec les âges

Règne sur la postérité.

Siècles! vous êtes ma conquête :

Et la palme qui ceint ma tète
Rayonne d'immortalité “.

4. Cette pièce de Lebrun suffit à le faire connaître. On retrouve les mêmes efforts pour atteindre le sublime, la même tension du style, les mêmes qualités d'harmonie savante, dans les odes à Buffon, à Voltaire, au petit-fils de Racine, et dans les odes patriotiques. Quant à la poésie lyrique de l'Empire, elle est tout entière dans quelques odes emphatiques vainement demandées à la lyre d'Horace: on refait sur tous les tons l'ode ad Augustum Cæsarem. Le vrai, le seul poëte lyrique était l'Empereur lui-même, dans ses proclamations et sur les champs de bataille.

LAMARTINE 1.

INVOCATION.

(HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES 2.)

Toi qui donnas sa voix à l'oiseau de l'aurore,
Pour chanter dans le ciel l'hymne naissant du jour;
Toi qui donnas son âme et son gosier sonore

A l'oiseau que le soir entend gémi" d'amour;

1. Ce livre manquerait de conclusion, si la poésie lyrique de notre temps n'en occupait la dernière page. La vraie poésie lyrique, qui n'a produit, durant les deux grands siècles de notre littérature, que des inspirations éparses, incomplètes, parmi beaucoup de vers éclatants et pompeux, fruit d'une imitation savante, ou d'un laborieux effort, semble être née, il y a trente ans, au sortir des plus étonnants événements de l'histoire moderne. Au XVIe siècle, la poésie était un corps sans åme; au lieu d'être la révélation des sentiments intimes du poéte, elle se perdait dans la sécheresse et l'abstraction, ou rimait pauvrement des riens futiles. La poésie ressuscita du milieu des orages politiques; elle nous revint avec le spiritualisme, avec les déceptions, avec les vagues tristesses de l'âme, avec le sentiment profond de nos misères, et les inquiétudes de notre destinée. Les Premières Méditations poétiques de M. de Lamartine parurent en 1820.

2. On lit dans l'avertissement des Harmonies poétiques (1830): Voici quatre livres de poésies écrites comme elles ont été senties, sans liaison, sans suite, sans transition apparente....., poésies réelles et non feintes, qui sentent moins le poëte que l'homme même, révélation intime et involontaire de ses impressions de chaque jour, pages de sa vie intérieure, inspirées tantôt par la tristesse, tantôt par la joie, par la solitude ou par le monde par le désespoir ou l'espérance, dans ses henres de sécheresse ou d'enthou siasme, de poésie ou d'aridité. ■

Toi qui dis aux forêts : Répondez au zéphire.
Aux ruisseaux: Murmurez d'harmonieux accords!
Aux torrents: Mugissez; à la brise : Soupire ¦

A l'Océan Gémis en mourant sur tes bords!

:

Et moi, Seigneur, aussi, pour chanter teş merveilles,
Tu m'as donné dans l'âme une seconde voix

Plus pure que la voix qui parle à nos oreilles,
Plus forte que les vents, les ondes et les bois!

Les cieux l'appellent Grâce, et les hommes Génie;
C'est un souffle affaibli des bardes d'Israël,
Un écho dans mon sein, qui change en harmonie
Le retentissement de ce monde mortel!"

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Mais c'est surtout ton nom, ô roi de la nature,
Qui fait vibrer en moi cet instrument divin;

Quand j'invoque ce nom, mon cœur plein de murmure
Résonne comme un temple où l'on chante sans fin !

Comme un temple rempli de voix et de prières,
Où d'échos en échos le son roule aux autels;

Eh quoi! Seigneur, ce bronze, et ce marbre, et ces pierres
Retentiraient-ils mieux que le cœur des mortels?

Non, mon Dieu, non, mon Dieu, grâce à mon saint partage,
Je n'ai point entendu monter jamais vers toi

D'accords plus pénétrants, de plus divin langage,
Que ces concerts muets qui s'élèvent en moi !

Mais la parole manque à ce brûlant délire;
Pour contenir ce feu tous les mots sont glacés;
Eh! qu'importe, Seigneur, la parole à ma lyre?
Je l'entends, il suffit; tu réponds, c'est assez !

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Hélas! et j'en rougis encore,
Ingrat au plus beau de ses dons,
Harpe que l'ange même adore,
Je profanai tes premiers sons;
Je fis ce que ferait l'impie,
Si ses mains, sur l'autel de vie,
Abusaient des vases divins,
Et s'il couronnait le calice,
Le calice du sacrifice,
Avec les roses des festins 3!

Mais, j'en jure par cette honte
Dont rougit mon front confondu,
Et par cet hymne qui remonte
Au ciel dont il est descendu;
J'en jure par ce nom sublime
Qui ferme et qui rouvre l'abime
Par l'œil qui lit au fond des cœurs,
Par ce feu sacré qui m'embrase
Et par ces tranports de l'extase

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Qui trempent tes cordes de pleurs!

De tes accents mortels j'ai perdu la mémoire;
Nous ne chanterons plus qu'une éternelle gloire

Au seul digne, au seul saint, au seul grand, au seul bon;
Mes jours ne seront plus qu'un éternel délire,

Mon âme qu'un cantique, et mon cœur qu'une lyre,

Et chaque souffle enfin que j'exhale ou j'aspire,
Un accord à ton nom!

Élevez-vous, voix de mon âme,
Avec l'aurore, avec la nuit!
Élancez-vous comme la flamme,
Répandez-vous comme le bruit !
Flottez sur l'aile des nuages,
Mélez-vous aux vents, aux orages,
Au tonnerre, au fracas des flots;
L'homme en vain ferme sa paupière;

L'hymne éternel de la prière

Trouvera partout des échos!

3. Cette langue à laquelle on nous avait si peu accoutumés, qui exprime si simplement les pensées les plus hautes, sans recherche, sans antithèse ; qui coule de source et va toujours au cœur, ne pent appartenir qu'à une âme transportée dans les régions sublimes où elle nous appelle. A la noble pureté de votre style, à l'harmonie enchanteresse et continue de vos vers, on sent que votre esprit a entendu ces concerts d'un monde idéal dont vous parlez, et qui font paraître la réalité si petite et si méprisable. » CUVIER, Discours Académiques, réponse à M. de Lamartine.

D

Ne craignez pas que le murmure
De tous ces astres à la fois,
Ces mille voix de la nature
Étouffent votre faible voix !
Tandis que les sphères mugissent,
Et que les sept cieux retentissent
Des bruits roulants en son honneur,
L'humble écho que l'âme réveille
Porte en mourant à son oreille
La moindre voix qui dit : Seigneur !

Élevez-vous dans le silence

A l'heure où dans l'ombre du soir
La lampe des nuits se balance,
Quand le prètre éteint l'encensoir;
Élevez-vous aux bords des ondes
Dans ces solitudes profondes
Où Dieu se révèle à la foi !

Chantez dans mes heures funèbres :
Amour, il n'est point de ténèbres,
Point de solitude avec toi!

Je ne suis plus qu'une pensée,
L'univers est mort dans mon cœur,
Et sous cette cendre glacée
Je n'ai trouvé que le Seigneur.
Qu'il éclaire ou trouble ma voie,
Mon cœur, dans les pleurs ou la joie,
Porte celui dont il est plein;
Ainsi le flot roule une image,
Et des nuits le dernier nuage
Porte l'aurore dans son sein.

Qu'il est doux de voir sa pensée,
Avant de chercher ses accents,
En mètres divins cadencée,
Monter soudain comme l'encens;
De voir ses timides louanges,
Comme sur la harpe des anges,
Éclore en sons dignes des cieux,
Et jusqu'aux portes éternelles
S'élever sur leurs propres ailes
Avec un vol harmonieux !

Un jour cependant, ô ma lyre,
Un jour assoupira ta voix!

Tu regretteras ce délire

Dont tu t'enivrais sous mes doigts;
Les ans terniront cette glace
Où la nature te retrace

Les merveilles du saint des saints!
Le temps, qui flétrit ce qu'il touche,
Ravira les sons sur ma bouche,
Et les images sous mes mains.

Tu ne répandras plus mon âme
En flots d'harmonie et d'amour,
Mais le sentiment qui m'enflamme
Survivra jusqu'au dernier jour;
Semblable à ces sommets arides
Dont l'âge a dépouillé les rides
De leur ombre et de leurs échos,
Mais qui dans leurs flancs sans verdure
Gardent une onde qui murmure,

Et dont le ciel nourrit les flots.

Ah! quand ma fragile mémoire
Comme une urne dont l'onde a fui,
Aura perdu ces chants de gloire
Que ton Dieu t'inspire aujourd'hui,
De ta défaillante harmonie
Ne rougis pas, ô mon génie!
Quand ta corde n'aurait qu'un son
Harpe fidèle, chante encore
Le Dieu que ma jeunesse adore,

Car c'est un hymne que son nom"!

4. Est-il nécessaire de montrer tout ce qui sépare cette poésie de celle de l'âge précédent? Lamartine, dans un mouvement de juste et légitime orgueil, a dit lui-même qu'il avait tout renouvelé: « En ce temps-là, aucun poëte ne se serait permis d'appeler les choses par leur nom. Il fallait avoir un dictionnaire mythologique sous son chevet, si l'on voulait rêver des vers. Je suis le premier qui ai fait descendre la poésie du Parnasse, et qui ai donné à ce qu'on nommait la muse, au lieu d'une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du cœur de l'homme..... »

LE CHRÉTIEN MOURANT'.

Qu'entends-je? autour de moi l'airain sacré résonne!
Quelle foule pieuse en pleurant m'environne?

1. Voyez les Premières Méditations poétiques. Le peu d'étendue de cette pièce nous a seul engagé à la citer ici; car les morceaux admirables abondent dans les Méditations, et nous étions borné dans notre choix.

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