Imágenes de páginas
PDF
EPUB

[blocks in formation]

OF 7

Honore la vertu du juste infortuné 9;

Celui, dis-je 10, dont les promesses
Sont un gage toujours certain;
Celui qui d'un infâme gain.

Ne sait point grossir ses richesses;
Celui qui sur les dons du coupable puissant,
N'a jamais décidé du sort de l'innocent.

Qui marchera dans cette voie,
Comblé d'un éternel bonheur,
Un jour, des élus du Seigneur
Partagera la sainte joie;

Et les frémissements de l'Enfer irrité
Ne pourront faire obstacle à sa félicité 11

3

9. Cette strophe est belle; un poëte médiocre n'eût pas su, avec un petit nombre d'expressions bien choisies, tracer un si noble tableau. Le texte latin n'offrait à Rousseau que des indications rapides.

10. a

Dis-je. Rousseau sent le besoin de respirer, dans son énumération. Dis-je n'est pas lyrique, mais le sentiment de toute cette ode est si juste et si profond, que les imperfections qu'on y trouve sont peu choquantes.

11. La pensée de ce psaume est longuement paraphrasée dans le Sermon sur le petit nombre des élus, de Massillon: le mouvement est le même: «Qui pourra se sauver?... ce seront ceux... - Qui pourra se sauver?... cette femme chrétienne... Qui pourra se sauver? ce fidèle... » etc. Nous renvoyons à ce morceau remarquable; il peut être l'objet d'une comparaison détaillée, et fournir l'occasion d'une étude sur la composition littéraire. (Voy. l'édit. classiq. de MM. Dezobry et Magdeleine, pag. 296 et suiv.).

TEXTE DU PSAUME XIV.

(N. B. Les versets et les mots en italique ont été traduits par Rousseau.)

Domine, quis habitabit in tabernaculo tuo? aut quis requiescet in monte bukero tuo?

Qui ingreditur sine maculâ, et opeatur justitiam :

Qui loquitur veritatem in corde po, qui non egit dolum in linguâ suá: Nec fecit proximo suo malum, et pprobrium non accepit adversùs proximos suos.

Ad nihilum deductus est in conspectu ejus malignus : timentes aulem Dominum glorificat.

Qui jurat proximo suo, et non decipit; qui pecuniam suam non dedit ad usuram, et munera super innocentem non accepit:

Qui facit hæc, non movebitur in æternum.

ODE II.

TIRÉE DU PSAUME XVIII 1.

MOUVEMENT D'UNE AME QUI S'ÉLÈVE A LA CONNAISSANCE DE

DIEU PAR LA CONTEMPLATION DE SES OUVRAGES.

[blocks in formation]

ODE II. 1. Ce psaume est de David. La dernière partie, depuis le huitième verset, diffère de la première, pour le ton et la pensée; quelques critiques ont attribué cette derniêue partie à Salomon.

2. « C'est beau; mais le Cæli enarrant dont il est traduit est plus fort, et sent mieux l'inspiration. » LEBRUN. — A révérer leur auteur est d'un style pénible.

3. Tout ce que leur globe enserre.» «Trop dur pour exprimer l'harmonie des cieux c'est la prose de ce que devait rendre la poésie. LEBRUN. D'ailleurs un globe n'enserre pas. Le mot enserre avait déjà vieilli du temps de Rousseau; il était fort employé dans la première partie du XVIIe siècle.

4. M. de Châteaubriand a imité le psaume xvIII, dans un chœur de lévites, au troisième acte de sa tragédie de Moïse, qu'il a toujours d'autant plus estimée, qu'on s'obstinait à la moins lire; voici la première de ces strophes :

Les cieux racontent la gloire

Du souverain Créateur;
La nuit garde la mémoire
Du sublime ordonnateur

Qui fit camper sous ses voiles

Cette milice d'étoiles
Dont les bataillons divers,
Dans leur course mesurée,
Traversent de l'empyrée
Les magnifiques déserts.

C'est de la très-médiocre poésie, de la poésie de grand prosateur.

Voilà bien longtemps que cette

5. « Voilà bien des quels! » VOLTAIRE.— «< première strophe est condamnée. » FONTANES.

6. Résulte de leurs accords. » « Les deux premiers vers sont beaux, quoiqu'ils ne vaillent pas, à mon gré, la simplicité si noble de l'original: Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l'ou vrage de ses mains. Mais tous les vers suivants sont remplis de fautes. Enserre est un mot dur et désagréable, déjà vieilli du temps de Rousseau. Le globe des cieux est une expression très-fausse. Résulte de leurs accoris termine la strophe par un vers aussi sourd que prosaïque. Jamais le mot résulte n'a di entrer que dans le raisonnement. Mais ce qu'il y a de plus vicieux, c'est

De sa puissance immortelle
Tout parle, tout nous instruit ";
Le jour au jour la révèle,

La nuit l'annonce à la nuit S.
Ce grand et superbe ouvrage

N'est point pour l'homme un langage
Obscur et mystérieux :
Son admirable structure
Est la voix de la nature,
Qui se fait entendre aux yeux 9.

Dans une éclatante voûte
Il a placé, de ses mains 10,
Ce soleil qui dans sa route
Éclaire tous les humains.
Environné de lumière,
Cet astre ouvre sa carrière
Comme un époux glorieux "'

ta redondance de tous ces mots presque synonymes, sublime cantique, concert magnifique, divine harmonie, grandeur infinie: c'est un amas de chevilles indignes d'un bon poëte. » LA HARPE. « Résulte est lourd et sans harmonie; il fait presque insulte à la poésie; il faut le renvoyer aux mathématiques. LEBRUN.

7. Emprunt fait à Racine (ive cantique):

De la sagesse immortelle

Tout parle, tout nous instruit.

8. Racine avait dit aussi dans Athalie (1, 4) :

Le jour annonce au jour sa gloire et sa puissance.

Cependant il faut louer l'élégante concision des deux vers de J.-B.

9. Racan avait déjà dit (1660):

Toi qui de l'Éternel contemples les miracles,
Les feux du firmament n'est-ce pas des oracles
Dont le silence parle et s'entend par les yeux ?

10. De ses mains. » La poésie, comme la peinture, n'a jamais hésité à représenter Dien sous une forme sensible. Les écrivains chrétiens eux-mêmes n'ont pas condamné cette liberté Bossuet a dit : « Les cieux qu'il a formés de ses doigts.» (Or. funèb. du prince de Condé.)

11. La strophe de dix vers à trois pieds et demi, l'une des plus heureuses mesures qui soient du domaine de l'ode, a deux repos où elle s'arrête successivement, et peut, dans son circuit, embrasser toutes sortes de tableány, comme elle peut s'allier à tous les tons. » LA HARPE. «Glorieux.» « Epithète assez mal choisie. » LEBRUN. Nullement, n'en déplaise à Lebrun.

[ocr errors]

Qui, dès l'aube matinale,
De sa couche nuptiale

Sort brillant et radieux 12,

L'univers, à sa présence,
Semble sortir du néant.
Il prend sa course, il s'avance
Comme un superbe géant.
Bientôt sa marche féconde
Embrasse le tour du monde
Dans le cercle qu'il décrit 13;
Et, par sa chaleur puissante,
La nature languissante
Se ranime et se nourrit 14.

O que tes œuvres sont belles,
Grand Dieu ! quels sont tes bienfaits!
Que ceux qui te sont fidèles

Sous ton joug trouvent d'attraits 15!

12. Sort brillant et radieux, adjectifs qui semblent se confondre et touchent presque au pléonasme... LEBRUN. a Brillant et radieux ont, à ia vérité, de la ressemblance; mais radieux dit quelque chose de plus que brillant. D'ailleurs, rien n'est plus commun dans les grands poëtes de l'antiquité, que deux épithètes presque analogues, quand elles développent le sens et l'harmonie.» FONTANES.

13. Dans le cercle qu'il décrit. » Lebrun a blâmé cette expression. Elle n'a rien de ridicule; quand le cercle est le tour du monde, il n'est pas indigne de la marche d'un géant. » FONTANES.

14. Massillon, qui a paraphrasé longuement, en prose élégante, mais d'une abondance un peu stérile, les trente et un premiers psaumes, développe ainsila pensée de cette strophe; c'est le seul spécimen que nous donnerons de ces paraphrases: «Le soleil, comme un époux éclatant qui sort de sa chambre nuptiale, se lève et parcourt régulièrement tout ce vaste univers: il répand partout sa chaleur et sa lumière, et recommence chaque jour sa course majestueuse; et l'homme, inconstant et ne ressemblant jamais d'un moment à l'autre à luimême, n'a point de route fixe et assurée: il se dément sans cesse dans ses a voies; tous ses jours ne sont marqués que par des changements et des inégalités qui le font perdre de vue. Sa course ressemble à celle d'un insensé qui va et revient, et retourne sans savoir où ses pas doivent le guider: il se fatigue, il s'épuise, et n'arrive jamais au but...» (Euv. diverses.)

[ocr errors]

15. Toute cette kyrielle de que, de qui, de quels, qui hérisse le début de cette strophe est bien mal sonnante pour l'oreille... » LEBRUN. « Lebrun ne remarque pas ce beau mouvement, qui a tant d'onction et de noblesse; il s'amuse à compter les que et les quels, qui, séparés par d'autres mots plus sonores, adoucissent, dans ce mélange, ce qu'ils auraient d'offensant pour l'oreille; et l'intérêt du mouvement lui échappe. » FONTANES.

[blocks in formation]

16. Ta crainte, c'est-à-dire la crainte que nous avons de toi; ellipse un peu forcée.

17. Ces quatre vers, tombant un à un, sont très-choquants. Que l'on compare la fin de cette strophe à la chute des deux strophes qui précèdent : quelle différence! L'expression d'ailleurs en est faible: une crainte qui assure une voie, une crainte qui éclaire la jeunesse, etc.

18. Encore un mouvement plein d'onction; c'est le véritable élan d'une áme religieuse; la coupe même du second vers contribue à la vivacité du tour. 19. Racine a dit aussi, dans Athalie (1, 4) :

Mais sa loi sainte, sa loi pure,

Est le plus riche don qu'il ait fait aux humains.

20. Cet emploi du verbe composer appartient à la langue du XVIIe siècle : D'un autre côté les abeilles vont recueillir avec soin le suc des fleurs odoriférantes, pour en composer leur miel...» FENELON, Traité de l'existence de Dieu.

21. Cette image est aussi juste que hardie.» FONTANES.

« AnteriorContinuar »