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Fus toujours sourd à ma doctrine,
Et, malgré mes secours puissants,
Rejetant toute discipline 18,
N'as pris conseil que de tes sens?

Si tu voyais un adultère,
C'était lui que tu consultais;
Tu respirais le caractère 19
Du voleur que tu fréquentais.
Ta bouche abondait en malice;
Et ton cœur, pétri d'artifice,
Contre ton frère encouragé,
S'applaudissait du précipice
Où ta fraude l'avait plongé.

Contre une impiété si noire
Mes foudres furent sans emploi 20;
Et voilà ce qui t'a fait croire
Que ton Dieu pensait comme toi :
Mais apprends, homme détestable,
Que ma justice formidable
Ne se laisse point prévenir,
Et n'en est pas moins redoutable
Pour être tardive à punir.

Pensez-y donc, âmes grossières;
Commencez par régler vos mœurs.
Moins de faste dans vos prières,
Plus d'innocence dans vos cœurs.
Sans une âme légitimée 21

18. Rejetant toute discipline. » « Expression faible et même un peu bizarre.» LEBRUN. La strophe est dure. « Toi qui, courant à ta... »

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19. « Tu respirais le caractère. » Hardiesse qu'on ne peut guère admirer; le mot caractère rappelle trop son origine et son vrai sens d'empreinte, pour s'allier heureusement avec le verbe respirer. Toute cette strophe est lourde, pénible, dure; elle n'est pas d'un poëte.

20. « Vers plus que faible. » LEBRUN. plorable pauvreté.»

- Toute cette strophe est d'une dé

21. On ne sait ce que c'est qu'une âme légitimée; c'est une expression

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Par la pratique confirmée

De mes préceptes immortels,
Votre encens n'est qu'une fumée

Qui déshonore mes autels.

inintelligible.» LAHARPE. - « C'est tout à la fois du pesant et du plaisant lyrique. LEBRUN.-Les deux derniers vers ont quelque force; mais quelle ode! quelle faiblesse! quels vains efforts pour trouver l'inspiration qui fuit toujours!

TEXTE DU PSAUME XLIX.

Deus Deorum Dominus locutus est: et vocavit terram.

Numquid manducabo carnes taurorum? aut sanguinem hircorum po

A solis ortu usque ad occasum: Ex tabo?
Sion species decoris ejus.
Deus manifesté veniet: Deus noster redde Altissimo vota tua.
et non silebit.

Immola Deo sacrificium laudis : et

Ignis in conspectu ejus exardescet: et in circuitu ejus tempestas valida. Advocabit cœlum desursùm, et terram, discernere populum suum. Congregate illi sanctos ejus, qui ordinant testamentum ejus super sacrificia.

Et annuntiabunt cæli justitiam ejus : quoniam Deus judex est.

Audi, populus meus, et loquar: Israel, et testificabor tibi: Deus, Deus tuus ego sum.

Non in sacrificiis tuis arguam te: Holocausta autem tua in conspectu meo sunt semper.

Non accipiam de domo tuâ vitulos: neque de gregibus tuis hircos.

Quoniam meæ sunt omnes feræ silvarum, jumenta in montibus et bo

ves.

Cognovi omnia volatilia cœli : et pulchritudo agri mecum est.

Si esuriero, non dicam tibi: meus est enim orbis terræ, et plenitudo ejus.

Et invoca me in die tribulationis : eruam te, et honorificabis me.

Peccatori autem dixit Deus: Quare tu enarras justitias meas, et assumis testamentum meum per os tuum?

Tu verò odisti disciplinam : et projecisti sermones meos retrorsùm.

Si videbas furem, currebas cum eo et cum adulteris portionem tuam ponebas.

Os tuum abundavit malitia: et lingua tua concinnabat dolos.

Sedens adversùs fratrem tuum loquebaris, et adversùs filium matris tuæ ponehas scandalum : hæc fecisti,

et tacui.

Existimasti iniquè, quòd ero tur similis arguam te, et statuam contrà faciem tuam.

Intelligite hæc, qui obliviscimini Deum ne quandò rapiat, et non sit qui eripiat.

Sacrificium laudis honorificabit me: et illic iter, quo ostendam illi salutare Dei.

ODE XII.

TIRÉE DU PSAUME LXXII '.

INQUIÉTUDES DE L'AME SUR LES VOIES DE LA PROVIDENCE.

Que la simplicité d'une vertu paisible 2

Est sûre d'être heureuse en suivant le Seigneur !
Dessillez-vous, mes yeux; console-toi, mon cœur :
Les voiles sont levés; sa conduite est visible
Sur le juste et sur le pécheur.

Pardonne, Dieu puissant, pardonne à ma faiblesse !
A l'aspect des méchants, confus, épouvanté,
Le trouble m'a saisi, mes pas ont hésité :
Mon zèle m'a trahi, Seigneur, je le confesse,
En voyant leur prospérité 3.

Cette mer d'abondance où leur ame se noie

ODE XII. 1. Psaume d'Asaph. Herder accompagne la traduction de ce psaume, de la note suivante: «Dans les psaumes didactiques, Asaph a surpassé David; car si son âme n'était pas aussi tendre, elle se possédait mieux elle-même, et s'abandonnait moins à sa passion. Ses plans sont toujours sages, et l'exécution en est très-belle. Les hébraïsants trouvent dans les psaumes d'Asaph plus de sublime, mais aussi de plus grandes obscurités que dans ceux de David, J.-B. Rousseau a su être parfaitement clair. La clarté est un privilége du génie moderne, le caractère spécial du génie français, le mérite particulier du talent poétique de Rousseau.

2. Que la simplicité d'une vertu paisible... Ce rhythme est bien choisi: il convient à l'expression poétique d'un sentiment réfléchi; quatre alexandrins croisés, suivis d'un vers de huit syllabes, marquent convenablement le développement d'une pensée philosophique dont la conclusion ne se fait pas attendre.

3. En voyant leur prospérité. » Ces vers rappellent le début des éloquentes invectives de Claudien contre Rufin (lib. 1) :

Sæpe mihi dubiam traxit sententia mentem...

Souvent mon esprit incertain s'est demandé, etc. » Et particulièrement ce passage:

Sed quum res hominum tanta caligine volvi
Adspicerem, lætosque diu florere nocentes,
Vexarique pios, rursus labefacta cadebat
Relligio, etc.

Mais lorsque je voyais les affaires de ce monde enveloppées de si épaisses ténèbres, le méchant vivre longtemps au sein du bonheur, la vertu souffrir, alors ma foi vaincue de nouveau succombait, etc..

Ne craint ni les écueils ni les vents rigoureux;
Ils ne partagent point nos fléaux douloureux;
Ils marchent sur les fleurs, ils nagent dans la joie *:
Le sort n'ose changer pour eux.

Voilà donc d'où leur vient cette audace intrépide
Qui n'a jamais connu craintes ni repentirs!
Enveloppés d'orgueil, engraissés de plaisirs 5,
Enivrés de bonheur, ils ne prennent pour guides
Que leurs plus insensés désirs.

Leur bouche ne vomit qu'injures, que blasphèmes",
Et leur cœur ne nourrit que pensers vicieux;

Ils affrontent la terre, ils attaquent les cieux,
Et n'élèvent leur voix que pour vanter eux-mêmes
Leurs forfaits les plus odieux.

De là, je l'avouerai, naissait ma défiance.

Si sur tous les mortels Dieu tient les yeux ouverts, Comment, sans les punir, voit-il ces cœurs pervers? Et, s'il ne les voit point, comment peut sa science Embrasser tout cet univers 7 ?

Tandis qu'un peuple entier les suit et les adore,
Prêt à sacrifier ses jours mêmes aux leurs,
Accablé de mépris, consumé de douleurs,

4. Cette mer d'abondance... ne craint... etc. » Qu'est-ce qu'une mer qui ne craint pas des écueils, ni des vents rigoureux? et est-ce une expression heureuse que cette mer d'abondance, qui ne craint pas les écueils?-«Ils ne partagent... Pariage-t-on des fléaux? - a Ils marchent sur les fleurs, ils nagent dans la joie... » Marcher, nager, double opération dont le rapprochement déplait; les fleurs, la joie, mot concret, mot abstrait, qui correspondent mal. Les deux premières strophes promettaient mieux.

5. Engraissés de plaisirs est trivial. - Enveloppés, engraissés, enivrés, coup sur coup, n'est pas heureux.

D

6. « Lear bonche ne vomit qu'injures... » « Une prose un peu soutenne n'admettrait pas la familiarité d'un pareil ton. » AMAR. Fausse délicatesse. Le vers qui suit est faible.

7. Strophe trop prosaïquement raisonnée. Il fant qu'en poésie le sens commun même ait sa langne.

«Je l'avouerai,» parenthèse bien froide.

Je n'ouvre plus mes yeux aux rayons de l'aurore
Que pour faire place à mes pleurs.

Ah! c'est donc vainement qu'à ces ames parjures
J'ai toujours refusé l'encens que je te doi !

C'est donc en vain, Seigneur, que, m'attachant à toi,
Je n'ai jamais lavé mes mains simples et pures
Qu'avec ceux qui suivent ta loi !

C'était en ces discours que s'exhalait ma plainte :
Mais, ô coupable erreur! ô transports indiscrets!
Quand je parlais ainsi, j'ignorais tes secrets,
J'offensais tes élus, et je portais atteinte
A l'équité de tes décrets.

Je croyais pénétrer tes jugements augustes;
Mais, grand Dieu, mes efforts ont toujours été vains,
Jusqu'à ce qu'éclairé du flambeau de tes saints,
J'ai reconnu la fin qu'à ces hommes injustes
Réservent tes puissantes mains.

J'ai vu que leurs honneurs, leur gloire, leur richesse,
Ne sont que des filets tendus à leur orgueil;
Que le port n'est pour eux qu'un véritable écueil;
Et que ces lits pompeux où s'endort leur mollesse
Ne couvrent qu'un affreux cercueil.

Comment tant de grandeur s'est-elle évanouie ?
Qu'est devenu l'éclat de ce vaste appareil ?
Quoi ! leur clarté s'éteint aux clartés du soleil !
Dans un sonimeil profond ils ont passé leur vie,
Et la mort a fait leur réveil 9.

8. Cette strophe est supérieure aux cinq précédentes, parce que l'image biblique, qui la termine, est exprimée avec noblesse et simplicité. Celles qui suivent ont de belles parties.

9. Strophe énergique, heureusement amenée par celles qui précèdent. Ces

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