Au bonheur de ses saints elle n'est point bornée : Vierge, flambeau du ciel, dont les démons farouches Craignent la sainte flamme et les rayons vainqueurs, De ces humbles accents fais retentir nos bouches, Grave-les dans nos cœurs ; Afin qu'aux légions à ton Dieu consacrées, 44 43. Cor contritum et humiliatum, Deus, non despicies.» Psalm. 50. «Respexit in orationem humilium, et non sprevit precem eorum. » Psalm. 101. 44. Victimes épurées, expression peu française. Les deux dernières strophes sont très-faibles. - L'Epode est la plus développée de toutes les pièces lyriques de Rousseau; elle a des beautés frappantes; il s'y est inspiré de Salomon plutôt qu'il ne l'a traduit ou paraphrasé. Cette pièce est, pour ainsi dire, le résumé poétique des dernières lectures du poëte, et des sentiments religieux qui agitaient son àme; c'est la profession de foi, le Credo du chrétien converti et repentant. FIN DES POÉSIES SACREES. A LIVRE II. ODE II. SUR LA NAISSANCE DE MONseigneur le DUC DE BRETAGNE 2. ODE I. 1. Voici en quels termes Rousseau s'exprime sur cette ode en l'envoyant à M. de Machy, le 28 février 1707 : « Je viens de faire pour vous ce que je n'ai pas voulu faire pour des princes; mais les devoirs de l'ami doivent aller devant ceux du courtisan. J'ai copié mon ode pour vous l'envoyer... j'espère que vous en serez content, et à mon gré, je n'ai point fait d'ouvrage où j'aye mis tant d'art que dans celui-là. Car ayant dessein de donner une idée des fougues de l'ode, que je puis dire qu'aucun Français n'a connues, et voulant opposer ce caractère à celui des odes de M. de La Motte, que j'avais condamnées publiquement, malgré les suffrages de l'Académie, je courais véritablement un grand risque... Il fallait donc m'appuyer d'autorités dans les endroits où mon enthousiasme paraissait le plus violent, c'est ce que j'ai fait en prenant mes plus hautes idées dans la Ive églogue de Virgile, dans le prophète Isaïe, et dans la seconde épitre de saint Pierre, dont vous reconnaîtrez que ma huit, neuf et dixième strophes sont tirées, etc... » Cette lettre, dont nous ne citons qu'un passage, est la plus amère critique de l'ode et des procédés ordinaires de Rousseau. - Que pourrions-nous dire qui le condamnât mieux? Cette ode fut imprimée pour la première fois dans le Mercure de février 1711. 2. Louis, duc de Bretagne, fils du duc de Bourgogne, né en 1705, mourut en 1712, quelques semaines après son père et sa mère. (Voy. Saint-Simon, Mém., t. x, p. 229.) 3. Imitation de l'ode d'Horace: « Descende cœlo, et dic, age, tibia...» liv. I, ode IV. C'est aussi le début du troisième chant des Lusiades de Camoens. (Voy. l'excellente traduction en vers de M. Ragon.) 4. Calliope, muse de l'éloquence et de la poésie héroïque. 5. Orphée, fils de Calliope et d'Æagre. (Voy. Ovide, Métamorph. X, XI, et Virg., Georg., IV.) Du milieu de Thèbes en cendres Quel Dieu propice nous ramène Peuples, voici le premier gage Verront éteindre le flambeau : 6. Pindare, le plus illustre des poëtes lyriques de la Grèce. Cette variante, moins harmonieuse, est plus conforme à la tradition historique; Alexandre avait fait inscrire sur la maison de Pindare: « Ne brûlez pas cette maison. » On dit aussi qu'il respecta les descendants du poëte. 7. Un Achille ou un Hercule. Il ne faut pas confondre cette Thétis, avec Téthys, fils d'Uranus et de la Terre. 8. Un premier duc de Bretagne était mort en 1705. Les historiens n'en font point mention. 9. Lucine présidait à la naissance des enfants. On la confond souvent avec Diane, avec Latone, avec Junon. 10. On peut comparer à cette ode, l'ode de Dubellay sur la naissance du petit duc de Beaumont, fils de monseigneur de Vandosme, roy de Navarre. Au lieu de cet étalage pindarique, où le jeune prince disparaît, comme étouffé sous les hyperboles, on voit, chez Dubellay, de douces et naïves images: Crois doncq, ô race divine, De l'humble lyre angevine; A ta petite grandeur Je donne ces fleurs sacrées 11. Et leurs conleuvres étouffées... » Souvenir ingénieux, mais un peu forcé, quant à l'expression, d'une légende relative à l'enfance d'Hercule : une nuit, Hercule et son frère Iphiclès étaient couchés dans un bouclier d'airain, dont Amphitryon avait dépouillé Ptérélas vaincu. Deux serpents envoyés par Junon s'approchent d'Hercule pour le dévorer; les enfants se réveillent, Iphiclus cherche à fuir, Hercule saisit les reptiles de ses petites mains, les presse, les étouffe, et les jette en souriant aux pieds d'Alemène accourue. On peut lire le récit charmant de cette aventure, dans la vingt-quatrième idylle de Théocrite. Voy. aussi Pindare, Nem., 1, 59, et la xe Héroïde d'Ovide, V. 21. 12. Cette strophe est un écho de celle d'Horace (od. 1, 3): Sic te diva potens Cypri, Sic fratres Helena, lucida sidera... «Puisse la déesse adorée à Chypre, puissent les frères d'Hélène, astres radieux,... » 13. Vers bien dur pour une si gracieuse image. 14. Les gémeaux, Castor et Pollux. On sait les vers d'Horace : Defluit saxis agitatus humor... etc. (1, xu.) Dès que leur blanche étoile a brillé pour les matelots, l'onde soulevée retombe au pied des rochers.» Que le Dieu qui... n'est pas harmonieux, L'onde, l'empire des flots: a espèce de pleonasme: la pensée a manqué à Rousseau; il a fallu en couvrir le vide par des mots parasites. » LEBRUN. Quel Dieu souffle en tous lieux la guerre 15, Qui préside au sort des humains 16 ? Arrête, furie implacable 17; Le ciel veut calmer ses rigueurs ! Mais quel souffle divin m'enflamme? Loin d'ici, profane vulgaire 18! 15. Quel Dieu souffle... » Imitation de Virgile (Géorg., 1, v. 509.)Comment retrouver, sous cet appareil mythologique, sous ces noms de Mégère et des Euménides, les désastres du règne de Louis XIV, et les malheurs de la France? 16 L'admiration de Lebrun descend souvent jusqu'à la puérilité, dans l'examen de cette ode, dont la fin, dit-il, pétille de beautés poétiques. « L'apre consonnance de Mégère et d'enfers fait de l'ineuphonie de ce vers sa plus belle harmonie.» LEBRUN. 17. Nous ne blâmons ni ne proscrivons absolument ces apostrophes; mais il faut qu'une émotion vive les inspire, et que l'art n'apparaisse plus que comme une des formes de l'exaltation poétique. M. V. Hugo, dans son ode sur les Vierges de Verdun (Odes et Ballades) a trouvé, dès le début, cette alliance mystérieuse de l'art et de l'inspiration: Pourquoi m'apportez-vous ma lyre, Spectres légers? que voulez-vous? Retirez-vous: rentrez dans les sombres abimes... 18. Voilà certainement des strophes harmonieuses. Loin d'ici... rend trèsbien odi profanum vulgus et arceo; mais, que produit ce souffle divin, celle horreur soudaine, etc., et la présence d'Apollon lui-même? Une imitation |