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déjà très-usée, dans Malherbe et dans Racan, de la quatrième églogue de Virgile. Il est bon sans doute d'imiter les anciens, mais cette imitation veut de l'art et du choix... Les tableaux du poëte romain convenaient à l'Italie, à son siècle, aux révolutions dont il fut le chantre et le témoin. » FONTANES. 19. Les temps prédits... » etc. Ce sont des emprunts de Virgile:

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20. « La vierge qui ramène le siècle de Saturne et une nouvelle race, les lions bondissant avec les agneaux..., toutes ces images ne passaient pas la mesure de l'exagération poétique. Elles rappelaient seulement le siècle heureux de Saturne... La mythologie et les croyances populaires étaient d'accord avec les images du poëte. Mais ce même tableau, transporté du siècle d'Auguste à celui de Louis XIV, n'a plus le même effet sur l'imagination.» FONTANES. 21. Il est dans le faux et l'emphatique. Il se bat les flancs pour arriver péniblement au plus ridicule enthousiasme. Le destin se charge presque toujours, et bien sévèrement quelquefois, de montrer combien sont téméraires les espérances que fait concevoir au poëte la naissance d'un enfant royal. Le duc de Bretagne a vécu sept ans. N'a-t-on pas recueilli en deux volumes in-80 les odes qui parurent à la naissance du roi de Rome? La louange officielle inspire mal, et tous ces vers de commande ne vivent pas même autant que ceux qu'on y célèbre.

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C'est ainsi que la main des Parques
Va nous filer ce siècle heureux,
Qui du plus sage des monarques
Doit couronner les justes vœux.
Espérons des jours plus paisibles:
Les Dieux ne sont point inflexibles,
Puisqu'ils punissent nos forfaits 25.
Dans leurs rigueurs les plus austères
Souvent leurs fléaux salutaires
Sont un gage de leurs bienfaits.

22. « Épouvantés » fait l'admiration de Lebrun. Est-ce bien le mot propre? 23. Toute cette mythologie de l'âge d'or est très-déplacée, et très-voisine du ridicule. » LA HARPE. - Cette strophe et la suivante renferment des imitations d'Isaïe (ch. LXV, v. 17 et ch. xi, v. 16 et suiv.), et d'une épître de saint Pierre (deuxième épît. II, 13).

24. «

Et le crocodile infidèle.» « On sent bien que la naissance d'un duc de Bretagne ne pouvait, en aucun seus, reformer l'univers dans les abimes du chaos, ne faisait rien aux crocodiles du Nil, et ne pouvait pas familiariser les lions avec les troupeaux : c'est de la poésie d'écolier... » LA HARPE. 25. C'est une pensée assez profonde, sous une apparence de subtilité.

Le ciel, dans une nuit profonde,
Se plaît à nous cacher ses lois.

Les rois sont les maîtres du monde;

Les Dieux sont les maîtres des rois 26,
Valeur, activité, prudence, ·
Des décrets de leur providence
Rien ne change l'ordre arrêté;
Et leur règle, constante et sûre,
Fait seule ici-bas la mesure
Des biens et de l'adversité.

Mais que fais-tu, Muse insensée 27?
Où tend ce vol ambitieux ?
Oses-tu porter ta pensée

Jusque dans le conseil des Dieux ?
Réprime une ardeur périlleuse :
Ne va point, d'une aile orgueilleuse,
Chercher ta perte dans les airs;
Et, par des routes inconnues
Suivant Icare au haut des nues,
Crains de tomber au fond des mers.

Si pourtant quelque esprit timide,
Du Pinde ignorant les détours 28,
Opposait les règles d'Euclide 29

26. Horace avait dit (od. I, 1):

Regum timendorum in proprios greges,

Reges in ipsos imperium est Jovis.

«Les rois font trembler leurs sujets, mais aux rois Jupiter commande. » 27. Encore une imitation d'Horace, qui imitait Pindare (huitième Nénéenne): quò, musa, tendis? Ronsard aussi s'écrie:

Et Maynard :

Où vas-tu, pauvre poëte?

où vais-je, pauvre rimeur?

28. Nous avons une détestable ode de La Motte sur le même sujet. (La naissance de monseigneur le duc de Bretagne, ode au roy).

29. Il s'agit ici d'Houdar de La Motte, poëte et grand ennemi de la poésie, qui sut l'en punir par toutes ses rigueurs; il voulait introduire jusque dans le premier des arts la sécheresse géométrique. Rousseau a cru bien faire en ter

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minant son ode par une épigramme contre La Motte, comme Boileau avait terminé celle de la prise de Namur par un soufflet à Perrault. Ils trahissent tous deux par là leur penchant pour la satire. J.-B. avait d'abord désigné La Motte d'une façon plus directe encore; voici cette variante :

Qu'il sache que sur le Parnasse
Le dieu dont autrefois Horace
Apprit à chanter les héros

Préfère ces fougues lyriques
A tous ces froids panégyriques
Du Pindare des jeux floraux.

Rousseau et La Motte sont restés longtemps ennemis. Louis Racine a fait une ode sur leur querelle; ils les y convie honnêtement à se réconcilier. L'intention est bonne, l'ode est mauvaise.

30. Aux muses de Sicile... » (VIRG. Eglog. IV.)

Sicelides musæ, paulò majora canamus.

Muses de Sicile, élevons un peu notre chant. »

31. L'Heureux délire de Rousseau! Cette ode est une des plus mauvaises qu'il ait faites, une des plus mauvaises qui se puissent lire. L'appareil lyrique y est prodigué jusqu'au ridicule, et sans originalité; c'est le triomphe du faux enthousiasme, et de ce beau désordre, dont la théorie, par ses résultats du moins, est une des plus malencontreuses que Boileau nous ait laissées. Le sujet pourtant était loin d'être ingrat : un héritier du trône naît au petit-filsde Louis XIV, au moment où tout s'assombrit en France, où les grands hommes meurent l'un après l'autre, où les défaites s'accumulent, où les désastres commencent; il était permis à un poëte de promettre à cet enfant des jours plus heureux, et de parer d'espérances le royal héritage! mais Ronsseau n'a pas une seule inspiration française; la splendeur même du règne de Louis XIV ne lui vient pas à la pensée; là où une flatterie délicate et noble eût été si naturelle, il ne trouve qu'un plat lieu commun sur le plus sage des monarques. Au lieu de puiser des idées et des images dans les souvenirs du ̧· grand règne, il habille sa poésie des lambeaux de Virgile et d'Horace, d'Isaïe et de saint Pierre; il lui faut des autorités, comme il le dit; au lieu de souhaiter des Bossuet, des Condé, des Corneille, au nourrisson royal, et de prononcer ce nom de France, d'où toute poésie aurait découlé, il n'a que des réminiscences païennes, il ne quitte pas le Pinde; et ce règne qu'il nous annonce, c'est celui du vienx Saturne et de Janus! Mais n'accusons pas le seul Rousseau; la poésie du XVIIe siècle, l'ode dont Boileau trace la théorie, ne pouvait guère donner autre chose. Ajoutons néanmoins qu'un grand poëte prend ordinairement ses inspirations en lui-même, et non dans les poétiques; il sent que c'est d'après ses œuvres que les ouvrages didactiques doivent être tracés, et qu'il est de ceux dont l'exemple sert aux esprits de second rang å formuler les lois du goût.

ODE II.

A M. L'ABBÉ COURTIN '.

Abbé chéri des neuf Sœurs,
Qui, dans ta philosophie,
Sais faire entrer les douceurs
Du commerce de la vie :
Tandis qu'en nombres impairs
Je te trace ici les vers
Que m'a dictés mon caprice,
Que fais-tu dans ces déserts
Qu'enferme ton bénéfice 2?

Vas-tu, dès l'aube du jour,
Secondé d'un plomb rapide,
Ensanglanter le retour 3
De quelque lièvre timide 1?
Ou, chez tes moines tondus,

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ODE. II. 1. L'abbé Courtin, l'un des habitués du Temple, où le grand prieur de Vendôme, frère de l'illustre maréchal, réunissait des poëtes et des epicuriens spirituels. Il y a, dans les œuvres diverses de Chaulieu, plusieurs épitres de l'abbé Courtin, adressées à ce poëte (1703 à 1707). (Voy. aussi sur l'abbé Courtin une épître de Chaulien à Sonning, du 20 juillet 1707.) Courtin était fils d'un conseiller d'État; on ignore l'année de sa naissance et celle de sa mort. Il se brouilla quelque temps avec J.-B.

2. Bénéfice. On appelait ainsi les abbayes, prieurés, canonicats conférés à des ecclésiastiques résidents ou non résidents, pour en jouir toute leur vie, comme rétribution du service qu'ils devaient rendre à l'Eglise.

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3. Esanglanter le retour» est d'une élégance très-poétique. FONTANES. Ne serait-ce pas plutôt une savante alliance de mots? Boileau (EPIT. vi, A Lamoignon) cite également la chasse au nombre des plaisirs qu'il se per

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met:

Ou d'un plomb qui suit l'œil, et part avec l'éclair,

Je vais faire la guerre aux habitants de l'air.

4. J.-B. ne voit guère la nature plus richement que Boileau; le passage est sec, comme dans l'épître à Lamoignon; les détails rares et d'un ton assez terne. Delille, en sa qualité de poëte descriptif, entre dans plus de détails mais sa poésie n'est guère à imiter:

Aux habitants de l'air faut-il liver la guerre ?
Le chasseur prend son tube, image du tonnerre;
Il l'élève au niveau de l'oeil qui le conduit:
Le coup part, l'éclair brille et la foudre le suit.

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