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duction finguliere: Ils s'affemblent & dreffent un placet qu'ils préfentent au Roi, pour le fupplier de condamner ce Livre comme contraire à la pureté & à la netteté de la langue Espagnole.

Le placet parut digne d'attention à Sa Majesté, qui nomma trois Commiffaires pour examiner l'ouvrage. Ils eftimerent que le ftile en étoit effectivement répréhenfible; & d'autant plus dange reux qu'il étoit plus brillant. Sur leur rapport, voici de quelle maniere le Roi a décidé : Il a ordonné, fous peine de défobéiffance, que ceux des Académiciens de Toléde qui écrivent dans le goût de ce Licencié, ne compoferont plus de Livres à l'avenir; & que même pour mieux conferver la pureté de la Langue Caftillane,ces Académiciens ne pourront être

remplacés après leur mort, que par des perfonnes de la premiere qualité.

Cette décifion eft merveilleufe, s'écria Zambullo en riant. Les partifans du langage ordinaire n'ont plus rien à craindre. Pardonnez-moi, repartit le Démon. Les Auteurs ennemis de cette noble fimplicité qui fait le charme des Lecteurs fenfés, ne font pas tous de l'Académie de Toléde.

Don Cléofas fut curieux d'apprendre qui étoit le Cavalier habillé de velours gris-blanc qu'il voyoit en converfation avec le Licencié. C'eft, lui dit le Boiteux, un cadet Catalan, Officier de la Garde Efpagnole. Je vous affure que c'est un garçon très-spirituel. Je veux, pour vous faire juger de fon efprit; vous citer une repartie qu'il fit hier à une Dame

en

en fort bonne compagnie. Mais pour l'intelligence de ce bon mot, il faut fçavoir qu'il a un frere, nommé Don André de Prada, qui étoit il y a quelques années Officier comme lui dans le même corps.

Il arriva qu'un jour un gros Fermier des Domaines du Roi aborda ce Don André, & lui dit : Seigneur de Prada, je porte même nom que vous, mais nos familles font différentes. Je fçai que vous êtes d'une des meilleurs maifons de Catalogne, & en même-temps que vous n'êtes pas riche. Moi, je fuis riche & d'une naissance peu illuftre. N'y auroitil pas moyen de nous faire part mutuellement de ce que nous avons de bon l'un & l'autre ? Avez-vous vos titres de Nobleffe? Don André répondit qu'oui, Cela Tom. II, Sec. Part.

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étant, repliqua le Fermier, fi vous voulez me les communiquer, je les mettrai entre les mains d'un habile Généalogifte qui travaillera là-deffus & nous rendra parens en dépit de nos ayeux. De mon côté, par reconnoiffance, je vous ferai préfent de trente mille piftoles. Sommes-nous d'accord? Don André fut ébloui de la fomme. Il accepta la propofition, confia fes pancartes au Fermier, & de l'argent qu'il en reçut acheta un terre confidérable en Catalogne, où il vit depuis ce temps-là.

Or fon cadet qui n'a rien gagné à ce marché, étoit hier à une table où l'on parla par hafard du Seigneur de Prada, Fermier des Domaines du Roi, & là-deffus une Dame de la compagnie, adreffant la parole à ce jeune Officier, lui demanda s'il n'étoit

pas parent de ce Fermier? Non, Madame, lui répondit-il, je n'ai pas cet honneur-là. C'eft mon frere.

L'Ecolier fit un éclat de rire à cette repartie, qui lui parut des plus plaifantes, Puis appercevant tout-à-coup un petit homme qui fuivoit un Courtifan, il s'écria: Hé, bon Dieu! Que ce petit homme qui fuit ce Seigneur lui fait de révérences ! il a fans doute quelque grace à lui demander. Ce que vous remarquez-là, reprit le Diable, vaut bien la peine que je vous dife la caufe de ces civilités. Ce petit homme est un honnête Bourgeois qui a une affez belle maison de campagne aux environs de Madrid, dans un endroit où il y a des Eaux Minérales qui font en réputation. Il a prêté fans intérêt cette maifon pour trois mois

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