Imágenes de páginas
PDF
EPUB

principes; & fa propre expérience lui démontre que l'hypothese manichéenne eft la plus extravagante abfurdité.

On aura une jufte idée de Bayle, lorfqu'on réfléchira que c'eft en faveur de cette belle hypothefe qu'il a déployé tout fon génie (a). Oppofons à fes fophifmes le raifonnement d'un Philo fophe Païen. Le deffein de la nature, dit Chrylippe, dans fon Traité de la Providence, n'a pas » été de rendre les hommes fujets aux maladies, ce qui ne conviendroit pas à la caufe de tous les biens; mais fi du plan général du monde, qui eft très-bien ordonné & très-utile, il en réfulte quelques inconvénients, c'eft qu'ils fe font rencontrés à la fuire de l'ouvrage, fans qu'ils aient été dans le deffein primitif, & dans le but de la Providence. Par exemple, quand la nature a formé le corps humain, l'excellence, & l'utilité de l'ouvrage demandoient que la tête fût compofée d'un tiffu d'offements minces & déliés; mais par-là il en refultoit l'incommodité de ne pouvoir réfifter aux coups. Il en eft de même de la vertu; l'action directe de la nature y tend & la fait naître: mais, par une espece de

(a) Pour connoître ce fameux Sceptique, qu'on peut regarder comme le Généraliffime des Incrédules, voyez les différents portraits qu'en ont fait Ramfay, Crufaz, Le Clerc, l'Auteur d'un beau Difcours fur le danger des grands talents, quand ils ne font pas conduits par la fageffe; l'Au teur des Lettres fur les Anglois & fur les François; celui des Effais fur les Philofophes; Saurin, Sermons, troif. vol. Porée, Orat. de Credul, in Dod. &c. &c. - Voyez encore une Lettre critique fur Bayle, à la Haie, 1732.- Examen critique des Ouvrages de Bayle, 1747.- La Religion vengée, par une Société de Gens de Lettres, fix premiers Tomes.

P. 9, édit. 1965.

[ocr errors]

» concomitance, elle a produit par contre-coup la fource des vices. Un Païen ne pouvoit rien dire de plus raisonnable, fur-tout dans l'ignorance où il étoit de la chûte du premier homme. Le P. Malebranche a éclairci & développé ce principe de Chryfippe. On trouvera d'excellentes réflexions contre les fophifmes de Bayle dans un Ouvrage Anglois de M. Hutcheson, qui a paru traduit en françois en 1770: Systéme de Philofophie morale, T. 1, p. 314, 320 & fuivantes,

D. Le Fatalisme eft-il plus raisonnable que le Manichéisme?

R. Le Fatalifine n'eft qu'une conféquence évidente de l'Athéifme, auffi déraisonnable que lui. Volt. Penf. Voici la remarque d'un homme qui a préconisé toutes les erreurs, & celle-ci par prédilection: Vous ne trouvez pas que Dieu foit bon, parce que » qu'il y a du mal fur la terre; mais la néceffité qui tiendroit heu d'un Être fuprême, feroitelle quelque chofe de meilleur ? Dans le fyftême qui admet un Dieu, on n'a que des difficultés à furmonter, & dans tous les autres fyftêmes on a fes abfurdités à dévorer. » Il n'y a donc pour nous que des difficultés; pour les Athées, il y a des abfurdités de l'aveu de M. de V.; il y en a peu près autant pour les Manichéens, en faveur defquels il s'eft allié avec Bayle. Mais une obfervation à faire: 1.° c'eft que nous avons de bonnes réponses à oppofer à ces difficultés, tandis que nos adverfaires dévorent leurs abfurdités en filence, ou ne répondent que par d'autres abfurdités. 2. Nous avons de fortes raifons pour ne pas nous en laiffer impofer par ces difficultés; parce que nos principes étant démontrés & inconteftables, les difficultés doivent s'ajufter aux prim

[ocr errors]

cipes, & ces principes ne doivent point fe plier
aux difficultés. 3.o Nous parlons d'après les leçons
de la Foi & des dogmes d'une Religion divine,
démontrée telle par des arguments invincibles:
les Fataliftes & les Manichéens n'ont d'autres ga-
rants que leur imagination & le délire philofo-
phique. 4. Si après tout ce que nous répondons:
aux objections fur l'existence du mal, il refte en-
core quelques ténèbres à diffiper; fi la force des
paffions nous étonne, fi le mal moral & le mal
phyfique paroiffent avoir trop d'étendue, le do-
gme du péché originel & d'une altération génér
rale opérée dans toute la nature, explique cette
énigme. Ce dogme eft un myftere fans doute, 量
mais ce myftere eft prouvé, comme nous le fe- L. iv,
rons voir; & ce myftere une fois prouvé, en ex art. s.
plique beaucoup d'autres, qui faps lui font inex
plicables...

[ocr errors]

Talianomed ub niem el au

Se varu plano ng slow.
amĝin n 1 esc uhovno ash c

D. De ces réflexions fur la Providence & les attributs de Dieu, peut-on conclure que tout eft! bien, & adopter le fyftême de l'Optimisme?

R. 1. L'on ne peut nier que, par rapport à Dieu, tout foit bien, parce que Dieu ne fauroit rien faire qui foit mal, quoiqu'il puiffe augmenter le bien & le perfectionner à l'infini.

2. Par rapport à l'homme confidéré dans cette vie précisément & fans l'efpérance de l'avenir, il eft certain que tout n'eft pas bien; & c'eft infulter à fes douleurs, que d'ofer lui dire le contraire..

3.o Le fyftême de POptimifime, qui, pris dans le fens de fes Partifans, n'eft qu'un rafinement. métaphyfique, né dans une imagination plus riante que vraie, fe vérifie en quelque forte dans

?

ch.

A

[ocr errors]

la perfonne de l'homme jufte, dont les vertus s'accroiffent dans le malheur, & chez qui l'attente du bien à venir eft toujours un foulagement aux maux préfents. Dans l'une & dans l'autre fortune, il jouit en paix de fon Dieu, comme il jouit de lui même; il jouit avec transport de toute la nature; il jouit fans crainte & fans envie de tout ce qu'il y a de bon dans les autres; il fupporte fans aigreur, fans amertume, le mal qui s'y rencontre, & qu'il ne peut y corriger; il prête à tout ce qu'il voit le jour le plus favorable; il embellit tout ce qu'il touche. Il fait que Dieu a placé dans les fouffrances mêmes le geime de la félicité de fes enfants. Les fentiments de patience, de paix, de confolation, d'efpérance, qui accompagnent ces connoiffances, font de cette vie même une vie heureuse. La paille eft féparée du grain fous la main du batteur. L'huile coule épurée après avoir paffé fous la meule, qui a brifé l'amande & fes enveloppes. La même main qui s'appefantit fur le jufte, l'éprouve & le purifie, tandis le pécheur fe défefpere & fe damne (a).

[ocr errors]

sque

(a) Creatura enim tibi fattori deferviens exardefcit in tormentum adversùs injuftos, & lenior fit ad benefaciendum his qui in te confidunt. Sap. 16. Diligentibus 16.Deum omnia cooperantur in bonum, Rom. 8. Una eademque vis irruens bonos probat, purificat, eliquat; malos vaftat, damnat, exterminat. Aug.

[blocks in formation]

D. L'ATHEISME ne peut tenir contre les lumieres de la raison, mais ne trouve-t-il pas fon compte dans les affections du cœur ?

R. Quiconque ne cherche que l'impunité da crime, place fa béatitude dans la jouiffance de quelques plaifirs fugitifs, & fe contente de la por-2 tion du bonheur diftribué aux animaux, peut envisager l'Athéisme fans horreur. Mais une ame qui fait étendre fes defirs, ennoblir fes prétentions, eftimer une félicité durable, prendre fon effor vers l'éternité, animer la nature par fes regards, & y découvrir la main d'un Ouvrier toutpuiffant, ne voit dans l'opinion de l'Athée que défolation & que défefpoir. Sous ce coup-d'œil, tout eft pour elle dans le défordre & dans l'at tente du néant. Non-feulement elle fe replie avec mépris & avec douleur fur elle-même, comme fur un atome de pouffiere agité par une impulfion fortuite & aveugle: mais l'univers entier n'eft qu'un cahos hideux, où il n'y a ni lien, ni reffort, ni dessein, ni intérêt (a).

(a) Toutes les penfées fublimes, les grands fentiments naiffent de l'idée d'un Dieu, de la providence, de l'immor talité. Les Livres des Athées font froids & lugubres, quel que ton que la Philofophie leur donne ; ils ne s'élevent que lorfqu'ils empruntent un langage qui combat leurs erreurs. Timor Domini exaltans animam. Eccli. 34.

« AnteriorContinuar »