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faudra réduire tout à la généralité de l'amour de » Dieu & du prochain, en quelque forte qu'on l'applique & qu'on le tourne après cela.... Čombien ont dogmatifé les Anabaptistes & autres »Enthoufiaftes fur les fermens, fur les châtiments', » fur la maniere de prier, fur les mariages, fur la magiftrature, fur le gouvernement? Les Soci>niens combien ne fe font-ils pas mis au large »en ne foumettant aux peines de la damnation * que les habitudes vicieuses? La plupart de ces articles regardent autant la Religion naturelle que la Religion révélée. Or fi, malgré leur refpect pour la révélation, les Hérétiques ont varié fur tout cela, que fera - ce d'un homme qui n'aura plus d'autres régles que fa raifon? On a vu le plus fenfé de nos Incrédules établir & renverfer les J. J. Rout mêmes fyftêmes avec un zèle égal; raisonner pour & contre le duel; faire l'apologie du suicide, & condamner cette frénéfie; affoiblir le crime de l'adultere, & établir les raifons les plus fortes pour en faire fentir l'horreur; déclamer contre les Philofophes irréligieux, & favoriser leurs fentiments; attaquer l'existence de Dieu par des fophifmes, & confondre les Athées par des arguments invincibles; combattre la Religion Chrétienne par des objections captieufes, & la célébrer par les plus fublimes éloges.... Il est prouvé

que

les adverfaires de la révélation ne peuvent fe fixer à rien, & que leurs principes les conduisent directement à l'Athéifme; que le Déifte & le Théiste ne peuvent fe diffimuler leur inconféquence; un Athée zélé a démontré tout cela, & nous aurons occafion de l'obferver plus d'une fois. Quand l'homme a fermé les yeux à la lumiere de la Religion, quelques talents qu'il puisse avoir,

Сеац.

fes efforts n'aboutiffent à rien; il ne fait lui-même ce qu'il veut établir: il eft favant, profond, éloquent à pure perte (a).

4. Quand même ils s'accorderoient & demeureroient fermes dans leurs principes, ne feroit-on pas en droit de leur demander les titres de leur enfeignement? Ou bien leur autorité feroit infaillible, ou elle ne le feroit pas : dans le premier cas, il faut un bon nombre de preuves & de preuves du premier ordre, pour conftater cette infaillibilité; dans le fecond, il fera libre de les croire, ou de ne les croire pas; le plus fou fera celui qui croira fur la parole d'un homme faillible comme lui. S'ils difent qu'ils n'enfeignent que la raifon: je la pofféde comme eux, & n'ai pas besoin de leur enfeignement. « Quand on auroit recueilli, Christ. rai- » dit Locke, tous les préceptes de Solon, de Bias, fonn. T. 1, » de Zénon, de Cicéron & de Séneque, & que, pour rendre l'ouvrage plus complet, nous irions jufques dans la Chine confulter Confucius & le fage Anacharfis en Scythie, comment un tel Recueil auroit-il pu devenir une régle fixe & une véritable copie de la loi fous laquelle nous vivons? Seroit-ce d'Ariftippe ou de Confucius qu'il auroit tiré fon autorité? Zénon avoit-il le droit » de faire des loix au genre humain? S'il ne l'avoit pas, tout ce que lui ou quelqu'autre Philofophe pouvoit dire n'étoit compté que pour le fenti»ment d'un fimple homme, que les autres peuvent recevoir ou rejetter, autrement il faudroit ad

5. 14.

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(a)

Oculos ubi languida preffit
Notte quies, necquidquam avidos extendere curfus
Velle videmur, & in mediis conatibus ægri
Succidimus. En, L. 12.

mettre également tout ce qu'a enseigné cet autre Philofophe, &c. »

D. Des vues pures & un grand zèle pour la vé rité ne fuffifent-ils pas pour autorifer l'enseignement des Peuples?... Les Philofophes se contredifent, mais les Théologiens font-ils toujours d'accord?

R. Plus les erreurs ont été monftrueuses, plus ceux qui les ont prêchées ont fait ufage du nom de vérité. C'est la remarque de S. Augustin en parlant des Manichéens, & cette remarque s'eft vérifiée dans tous les fiécles. Dicebant: veritas, L. 3. confeff. veritas; & multùm eam dicebant mihi, & nusquàm erat in eis. J. J. Rouffeau, qui connoît bien fes Collégues, nous donne le même avertiffement, qui peut nous fervir contre lui-même : « Fuyez Emile. T. 3. ceux qui, fous prétexte d'expliquer la nature, P. 197. » fement dans les cœurs des hommes de défo❤lantes doctrines, & dont le fcepticisme eft cent fois plus affirmatif & plus dogmatique que le ton décidé de leurs adverfaires. Sous le hautain prétexte qu'eux feuls font éclairés, vrais, de bonne foi, ils nous foumettent impérieu» fement à leurs décisions tranchantes, & préten» dent nous donner, pour les vrais principes des chofes, les inintelligibles fyftêmes qu'ils ont bâtis dans leur imagination. Du refte, renver » fant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que » les hommes refpectent, ils ôtent aux affligés la > derniere confolation de leur misere; aux puif

fants & aux riches le feul frein de leurs pafФ fions; ils arrachent du fond des cœurs, les re» mords du crime, l'efpoir de la vertu, & se van❤tent encore d'être les bienfaiteurs du genre-humain. Jamais, difent-ils, la vérité n'eft unifible

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» aux hommes; je le crois comme eux; & c'eft; » à mon avis, une preuve que ce qu'ils enfeignent, n'eft pas la vérité. Les Théologiens difputent auffi; mais ils ne difputent pas fur le fondement de leur foi, fur les articles effentiels de leur Religion; en un mot, ils ne fe contredifent pas dans l'enseignement public des Peuples: fi Pierre avoit prêché un Dieu, & Paul le Matérialisme; fi Jean avoit dit, Jefus-Chrift eft reffufcité, & que Jacques l'eût nié, il n'y auroit point aujourd'hui de Chrétiens dans le monde.

S. V I.

D. Quand on fuppoferoit la Religion naturelle fuffifante pour honorer le Créateur d'un vrai culte, pour former les vertus & pour en aflurer la récompenfe, pourroit-elle devenir la Religion des Peuples?

R. L'homme ne s'en contenteroit pas; fon efprit & fon cœur demandent effentiellement un culte cérémoniel & analogue aux fens, fondé fur une révélation vraie ou fauffe. C'est au moins ce que nos Philofophes affurent par-tout. Pourquoi donc établir une thèse dont on prêche l'im poffibilité ?

CHAPITRE II I.

La Révélation.

D. LA RÉVÉLATION eft néceffaire; mais com

ment en démontrez-vous l'existence?

R. Par fa néceffité même. Un Dieu fage & bon n'a pu refufer à fon plus bel ouvrage une

lumiere néceffaire à fa félicité & à la connoiffance des devoirs envers fon Auteur. C'eut été abandonner fa créature, comme les Tartares abandonnent un ennemi au milieu des déferts, & les autruches leur progéniture fur les fables brûlants de l'Afrique.

D. Cette multitude de cultes oppofés qu'il fe glorifient d'avoir Dieu pour auteur, & de pofféder le dépôt précieux de la révélation, ne faitelle pas un argument contre l'existence de la ré

vélation?

R. De ce qu'il y a plufieurs prétendants à une poffeffion, une dignité, un Royaume, doit-on inférer que les objets de ces prétentions font chimériques, & qu'il n'y a ni Royaume, ni possession à prétendre? La comparaison eft exacte dans toutes fes parties, & montre que cette objection est une preuve folide & naturelle en faveur de la révélation. On a toujours cru que le culte de la Divinité devoit être enfeigné par elle-même. Si c'est là un préjugé, il est d'une espece bien finguliere, auffi ancien que le monde, auffi étendu que la terre habitée, plus durable que tous les ouvrages de l'induftrie, que tous les établiffements de la politique. Un fentiment fi général & fi profondément enraciné, eft la voix même de la nature, ou le fouvenir ineffaçable d'une tradition perpétuée depuis les Auteurs du genre-humain, dans toutes les branches de leur postérité. Il n'est pas étrange que ce fentiment, qu'on trouve par-tout, ait reçu de fauffes applications; mais pour que le fond même en fût faux, il faudroit de deux chofes l'une, ou que l'homme eût été originairement formé avec une pente invincible vers l'erreur, ou du moins que la vérité, pour laquelle il étoit né, fût fortie

Crudelis qua fruthio in

deferto. Jer. Thren. iv. 3.

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