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il vaut mieux, lorfqu'on eft gêné par l'habit, ne baiffer que la tête, qui eft toujours la plus remarquable, & ne pencher que foiblement le corps; dans cette position l'on eft en mêmetems agréable à la vûe, & convenable à la fituation. Au moins dans la Comédie les hommes ne pourront jamais trouver une excufe dans la gêne de l'habillement.

On doit marcher d'un pas affuré, mais égal, modéré & fans fecouffe. Quelques Acteurs tragiques, croyant fe donner un air plus grand, mar. chent d'un pied fi fortement ap puyé, que tout leur corps en reçoit un ébranlement, & que l'on voit à chaque pas danfer leur tonnelet. Bien loin que cette démarche extraordinaire puiffe rien ajoûter à la nobleffe, elle fait tort à l'illufion & découvre le Comédien apprêté, lorsqu'on devroit n'appercevoir que la liberté du Héros.

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Enfin, on eft fouvent en peine de fes deux bras. Le chapeau en employe ordinairement un. Mais fi l'Acteur eft obligé de fe couvrir, vous le voyez le plus fouvent décontenancé. Dans l'habit à la Françoise, une main dans la poche & l'autre fur la poitrine, font encore une reffource; pour les tragiques ils ne peuvent que porter une main derriere le dos, & quelquefois toutes les deux pour se tirer d'embarras.

Si l'on vouloit faire attention à la maniere dont un homme eft conftruit, on verroit qu'il n'eft jamais plus aifément campé, & plus fûrement bien deffiné, que dans le tems où pofant également fur fes deux pieds, peu diftans l'un de l'autre, il laiffe tomber fes bras & fes mains où leur propre poids les porte naturellement; c'eft ce qu'on appelle, en terme de danfe, être à la feconde

pofition, les mains fur les poches C'eft la fituation la plus naturelle & la plus fimple; cependant on a toujours une peine infinie à y bien pofer quelqu'un qui apprend à danter. Il femble que la nature s'oppose perpétuellement à elle-même. Pour le raisonnement comme il est rare

ment jufte, il cherche à éviter fans. ceffe les beautés fimples, & nous le voyons dans tous les arts où le recherché le plus extraordinaire eft au jourd'hui un peu trop à la mode.

Quand on parle, il faut que les bras agiffent. Voici le point que vous attendiez, Madame, & vous trouvez peut-être que je n'y fuis arrivé que bien tard. Je ne crois pourtant pas avoir encore dit beaucoup de chofes inutiles; de plus, je m'attacherai à expliquer les parties les plus méchaniques avec des détails fcrupuleux, parce que les mauvaises ha

bitudes une fois contractées font in

corrigibles.

On ne parvient à la grace des bras qu'avec beaucoup d'étude; & quelque bonnes que puiffent être nos difpofitions naturelles, le point de perfection dépend de l'art. Pour que le mouvement du bras foit doux, voici la regle que l'on doit obferver. Lorsqu'on veut en élever un, il faut que la partie fupérieure, c'est-à-dire, celle qui prend de l'épaule au coude, fe détache du corps la premiére, & qu'elle entraîne les deux autres qui ne doivent prendre force pour se mouvoir que fucceffivement, & fans trop de précipitation. La main ne doit donc agir que la derniere. Elle doit être tournée en bas jufqu'à ce que l'avant-bras l'ait portée à la hau teur du coude; alors elle fe tourne en haut, tandis que le bras continue fon mouvement pour s'élever juf

qu'au point où il doit s'arrêter. St tout cela fe fait fans effort, l'action eft parfaitement agréable. Pour redefcendre, la main doit tomber la premiére, & les autres parties du bras la fuivre dans leur ordre. On doit encore faire attention à ne jamais tenir les bras trop roides, & à faire toujours fentir le pli du coude & du poignet. Les doigts ne doivent point être absolument étendus, il faut les arrondir avec douceur, & obferver entr'eux la gradation naturelle, qu'il est aisé de remarquer dans une main médiocrement pliée. On doit éviter, autant qu'il eft poffible, d'avoir le poing totalement fermé, & fur tout de le présenter directement à l'Acteur auquel on parle, dans les inftans même de la plus grande fureur. Ce gefte par lui-même eft ignoble, devant une femme il eft impoli, & vis-à-vis d'un homme il de

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