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vient infultant. Il ne faut point gefticuler avec vîteffe; au contraire, plus le gefte a de lenteur & de moleffe, plus il eft agréable. Si l'on s'écarte de ces régles, & que par exemple on faffe agir la main & l'avant-bras les premiers, le gefte eft gauche; fi le bras s'étend trop vîte & avec trop de force, le gefte eft dur; mais lorfqu'on gesticule de la moitié du bras, & que les coudes demeurent attachés au corps, c'est le comble de la mauvaise grace. Cependant il faut éviter d'avoir les deux bras également étendus, & de les porter tous deux à la même hauteur, car ce gefte en croix dont les Muficiens accompagnent ordinairement la cadence à la fin d'un air, n'est point un modèle à fuivre. C'est une régle affez connue, que pour l'ordinaire la main ne doit pas s'élever au-deffus de l'oeil. Mais quand une violente paffion le trans

LAVOIX.

porte, l'Acteur peut oublier toutes les régles; il peut fe mouvoir avec promptitude, & porter fes bras jufqu'au-deffus de fa tête. Cependant s'il a pris l'habitude d'être doux & gracieux, fes mouvemens les plus vifs fe fentiront toujours des bons principes. Au refte, gardez-vous bien, Madame, de déclamer devant un miroir pour étudier vos geftes; cette méthode eft la mere de l'affectation: il faut fentir fes mouvemens & les juger fans les voir.

Le moyen de faire fortir la voix avec un fon plein, flateur & naturel, eft une des études les plus néceffaires pour le Théâtre. Nous devons d'abord fentir en parlant haut, quels font les tons de notre voix qui peuvent avoir de l'aigreur ou du grêle, & remarquer s'il y en a d'autres qui deviennent fourds, & s'éteignent

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dans notre bouche, lorsque nous cherchons à les proférer. On peut, à force d'exercice, adoucir les premiers, donner du corps aux autres, enfin rendre à peu près égaux tous les fons que nous fommes en état de parcourir. Un travail obstiné parvient à donner au gofier beaucoup plus de fléxibilité, qu'il ne femble en en avoir naturellement.

Pour éviter les fons grêles ou glapiffans, il faut que la poitrine agiffe toujours avec une égale fermeté, & que le gofier ne fe rétréciffe point trop dans le paffage des fons. On doit foigneufement ménager son haleine, & n'en fournir qu'autant que la voix en exige. Quand l'haleine fort en trop grande abondance, elle offufque le fon, parce qu'elle embarraffe le gofier, & c'est pour lors qu'elle produit ce qu'on appelle une voix fépulchrale. Il ne faut jamais

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excéder fa poitrine pour donner de la force à l'expreffion; car au lieu d'augmenter fa vigueur, on la diminue, & l'on fe met dans la néceffité d'employer ces violentes afpirations que l'on entend du fond de la Salle, & qui font fouffrir le spectateur.

Chacun doit fe fervir de la voix que la nature lui a donnée, & ne jamais chercher à lui fubftituer un fon qui n'eft pas le fien propre. Je vais, Madame, expliquer par un exemple ce que j'entends par une voix contrefaite, & vous en faire connoître la méchanique. Quelques-uns veulent fe faire une groffe voix, voici comme ils s'y prennent. Après avoir raffemblé dans leur poitrine toute l'haleine qu'elle peut contenir, ils ont foin, en faifant fortir les fons avec force, d'ouvrir extrêmement le gofier, d'élever le palais & de retirer la langue plus en dedans qu'à

l'ordinaire.

L'ordinaire. Alors la bouche formant un vuide, & les lévres ne pouvant parfaitement s'ouvrir, cela produit une efpece de porte- voix qui groffit le fon de la parole. Quoique ce fon de voix ait au premier abord quelque chofe de féduifant, il eft emprunté, & par conféquent mauvais. Beaucoup de Chanteurs ont recours à cet artifice, & j'ai entendu des Muficiens qui en connoiffoient le défaut, appeller cela des fons voûtés, apparemment à caufe de la voûte que forme le palais en ce momentlà.

On fait encore plus mal en s'efforçant d'imiter la voix personnelle d'un autre Acteur. L'imitation de ceux qui nous ont précédés eft funefte. Ceft d'abord un fort petit mérite de jouer comme un autre, & rien ne peut être digne de louanges que celui qui fe montre original. Mais le

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