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utile. Je pense même qu'il faut avoir une certaine élévation dans l'ame pour peindre la grandeur d'une maniere convenable. Car fi l'on paffe les bornes de la vérité dans les endroits où l'on veut être majestueux, on ne parvient qu'à fe rendre ridi cule. Un homme ne paroît jamais fi petit que lorfqu'on le voit fur des échâffes.

LA Co- Il semble que jusqu'ici je n'aye MEDIE. parlé que du Tragique. Mais je ne doute pas, Madame, que vous ne voyez combien tout ce que j'ai dit est convenable au Comique autant qu'à la Tragédie. Ces deux espéces de représentations se reffemblent par mille endroits. L'on ne met point de plaifant dans la Tragédie, mais les plus grands mouvemens du tragique font du reffort de la Comédie. Toutes les paffions, toutes les fituations

y

lui font propres, & le fentiment peut être porté au plus haut degré. La Comédie a fouvent des perfonnages nobles, il eft chez elle des inftans où la majesté même est néceffaire. La feule différence que l'on puiffe mettre entre l'un & l'autre genre, c'est que la Comédie parcourt tous les tons, & que la Tragédie se restraint à un plus petic nombre. On feroit plus aifément convaincu de ce que j'avance, fi l'on avoit coutume de voir jouer le tra gique fans outrer la voix & le geste,

LES

AMANS

Venons donc à la Comédie en Les particulier, c'est-à-dire, aux points qui lui appartiennent uniquement. Parlons de l'art d'infpirer la joye. C'est ce qu'il y a de plus difficile au Théâtre. Je ne parle ici que des perfonnages nobles du comique, c'està-dire, ceux qui font obligés de

faire rire fans grimace & fans baffeffe.

A moins qu'on ne foit agité d'une violente paffion, auquel cas on eft du ton tragique, on doit dans la Comédie avoir un air joyeux & tranquille. Un vifage content dif pofe le Spectateur à rire dans la suite. Les Acteurs comiques ne doivent parvenir à la trifteffe, lorfqu'elle devient indispensable, que lentement, par degrés & comme des gens qui s'y refusent. Si leur rôle ne doit pas faire rire, il ne faut pas qu'ils s'oppofent par un air fombre ou ennuyé à l'impreffion comique, qui peut naître des perfonnages avec lefquels ils font en fcène. Mais fi eux-mêmes ont à dire des chofes rifibles ils doivent employer tout leur art pour ne rien ôter à l'expreffion fans rien perdre de la nobleffe. Voilà ce qui convient aux rôles d'Amant, ce font

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ceux que l'on doit jouer tant qu'on eft jeune, parce qu'ils ne font pas de la plus grande difficulté, & qu'ils habituent le Comédien à cet air aifé qui caractérise l'homme du monde.

CARAC

Lorfqu'on a perdu cette premiére Les fraîcheur qui fied fi bien à l'amour, TERES, & que l'habitude nous a donné de l'affurance dans le jeu, nous devons passer à un emploi plus important, & le plus difficile du Théâtre, ce font les rôles de caractère. Plus un rôle eft marqué, plus il eft mal aifé de le bien rendre. On peut, en lifant, apprendre comment penfent les hommes fuivant leurs différens caractères, mais ce n'eft qu'en les voyant que l'on peut connoître la maniére dont ils expriment leurs penfées. Il faut, pour fe former en ce genre, beaucoup d'étude du monde. Il faut encore être doué du ta

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lent d'imiter aisément ce que l'on voit en autrui. Le caractère influe fi fort fur toute la perfonne, qu'il donne à celui qui en est dominé, une phyfionomie particuliere, une contenance qui lui eft propre, un gefte dont fa façon de penfer a formé chez lui l'habitude, une voix fur tout dont le ton ne fçauroit convenir à un caractère différent. Ce font des obfervations bien délicates, & pour lefquelles il faut avoir le coup d'œil fin & jufte. Je dis que chaque caractère a une voix particuliere; c'eft un des plus fûrs moyens de le marquer dans fa plus grande perfection. La timidité donne une voix foible & entrecoupée, la fatuité a le ton dominant & d'une affurance choquante, l'homme groffier a la voix pleine & l'articulation lourde; l'avare qui paffe la nuit à compter fon or doit avoir la voix rauque. Tous les

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