autres cara&ères font à peu près dans le même cas & ils exigent chacun un ton de voix qui leur convienne uniquement.

Il ne faut jamais perdre de vûë le caractère de fon rôle. Quoique nous ayons à dire les chofes les plus indifférentes, nous devons fonger ne jamais les dire comme pourroit faire celui qui ne représente pas le même caractère que nous. Par-là on foutient bien fon perfonnage, & quelquefois on le fait briller dans les momens où l'Auteur fembleroit l'avoir oublié. Une continuelle attention à la scène eft la qualité la plus avantageuse que puiffe avoir un Acteur. Elle rend fon jeu fi plein & fi lié, qu'elle feule foutenue d'une médiocre intelligence, a fait quelquefois une grande réputation à des Comédiens très défectueux d'ailleurs. La diftraction au contraire eft

eft un fi grand défaut, que le feul air défoccupé rend un A&teur infupportable.

Ce que je viens de dire fur les rôles de caractère vous doit faire ju ger, Madame, que pour tenir cet emploi, il faut avoir un talent par ticulier. Il n'eft pas donné à tout le monde de pouvoir se métamorpho fer & de changer de contenance, de voix & de phifionomie toutes les fois qu'on change d'habit. Il ne fuffit pas en ce genre de n'exprimer que foiblement. Il faut dans les caractères n'employer que des traits décidés & fermes, ce qu'on ne fait pas aifément lorfqu'on ne veut point outrer la nature. C'eft quelque chofe de plus étonnant qu'on ne penfe, que les Acteurs, qui pour peu qu'ils ayent de raison, tremblent en mettant le pied fur la scène, puiffent. prendre affez fur eux pour montrer

toute

toute l'audace dont il faut fe revêtir en pareille occafion. Le genre dont je viens de parler s'appelle le haut Comique, parce qu'il réunit à la fois le plaifant & la noblesse.

LE

BAS CO

Les Valets, les Payfans, les Vieillards ridicules, les Niais & ces per- MIQUE. fonnages bouffons qui ne s'employent ordinairement que dans des fcènes épifodiques, compofent le comique de la feconde claffe. Il n'eft pas néceffaire de dire combien ces emplois font plus faciles à remplir que ceux dont je viens de parler. Tout le monde le voit & en convient. La raison en eft fimple. Moins on eft obligé d'avoir de nobleffe & de grace dans la figure, de justesse & de flexibilité dans la voix, plus le jeu devient facile. Ce font même des qualités dont il faut fe défaire quand on joue le bas Comique. Un

E

Vieillard doit être campé en homme dont les jambes ont peine à le porter, fa voix ne doit pas être pleine & fonore, son geste doit être Îent, foible & peu développé : car les bras d'un homme dont l'âge a courbé le dos & rapproché les épaules, ont de la peine à s'élever. Le Valet plus jeune & plus alerte doit montrer plus de vigueur, mais non pas plus de grace, & toute fa perfonne doit fe fentir du manque d'éducation. Le Payfan eft encore plus groffier & plus lourd. Sa voix doit être plus dure & fa maniere de gefticuler doit peindre la rufticité de fon état. Vous me demanderez peutêtre fi pour être approuvés ces Acteurs doivent fe rendre difgracieux. Je répondrai à cette queftion, en fixant les bornes dans lefquelles ils doivent fe renfermer. L'Acteur du bas Comique doit s'éloigner de tou

tes les parties de la bonne grace que l'on peut acquerir par l'éducation & l'ufage du monde. Il ne doit tout au plus montrer que ce qu'on nomme une bonne façon naturelle. Il ne doit pas non plus pour s'éloigner des mouvemens gracieux, qui ne s'employent que dans les rôles nobles, prendre des geftes rompus & contortionés, ni affecter de ces tournures outrées de corps & d'épaules que la nature ne peut donner à perfonne, & qui n'ont pris leur fource dans la mauvaise plaifanterie dés parades. Il ne doit jamais defcendre jufqu'à un degré de baffeffe qui l'aviliffe trop aux yeux des Spectateurs ; mais il doit bien fe garder d'être noble. Un de ces Sophiftes à la mode, pourroit dire que les caractères les plus bas ont leur efpéce de grace & de nobleffe; mais ce ne font que des mots dont on fent la futilité, quand

que