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dre garde de s'y tromper; ce n'eft point du malheur que nous pouvons ni rire ni pleurer, lorfqu'il nous est étranger. L'un ou l'autre de ces fentimens naît en nous de la maniere dont nous voyons fupporter l'accident qu'on nous préfente. Portons cette réflexion dans toutes les fituations, & nous fentirons la différence de l'expreffion férieufe ou comique, dans le même cas.

Il eft encore une fource de Plaisant qui ne manque jamais. C'est le Sérieux déplacé. Cette méthode bien employée fait d'autant plus d'impreffion, qu'elle nous préfente l'image d'un ridicule affez commun. En voyant un personnage pour lequel nous avons peu d'eftime, & quelquefois du mépris, fe croire extrêmement important & prendre le ton fupérieur, nous rions du faux de fes idées & de la grande attention

qu'il veut que nous prêtions à des petiteffes, de cette difparate naît le genre que l'on appelle rôles à manteau. C'eft-là qu'il faut jouer comme un Tragique, pour être tout-àfait Plaifant. Mais il eft néceffaire que l'Acteur conferve dans fa voix & dans fon gefte une défunion, qui l'empêche d'être noble. Voilà la véritable occafion d'employer la gra'vité de Scaramouche, dont parle Racine dans la Préface des Plaideurs. Le rôle à manteau eft de tous ceux du bas Comique, celui où l'on réuffit le moins aifément. L'on pourroit même le mettre dans la claffe du haut Comique, attendu fon mérite & fa difficulté.

Le Comédien doit fur tout observer que plus ce qu'il vient de dire eft plaifant, moins il doit prendre part à la plaifanterie. C'eft un grand défaut & presqu'infupportable, de rire

foi-même quand on fait rire les autres, parce que cette faute détruit l'illufion.

MUET.

La partie la plus estimable dans Le Jeu un Comédien, c'est le Jeu muet; peu de gens le poffédent bien. Il faut que toutes les paffions, tous les mouvemens de l'ame, tous les changemens de la pensée se peignent fur le visage de l'Acteur, s'il veut porter chez les Spectateurs cet intérêt vif, qui les attache au Théâtre.

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Pour arriver à ce degré d'expreffion, il eft avantageux d'avoir reçu de la nature des traits marqués, & dont les mouvemens fe faffent aifément diftinguer. Il faut que ces traits prennent à chaque inftant le caractère de deffein qui leur convient pour le moment, & que ce caractère ne foit jamais affez forcé pour devenir une grimace. Ce défaut eft très

commun, parce que tout le monde cherche à jouer de vifage, & tous les Acteurs n'ont pas ce talent. Il est cependant facile de ne pas grimacer, & la douceur des mouvemens du vifage dépend d'une habitude purement méchanique. Le haut du vifage doit jouer fans ceffe; la bouche & le menton ne doivent fe mouvoir que pour articuler. On dit avec raifon que les yeux font le miroir de l'ame. C'eft chez eux que doivent se peindre tous les mouvemens intérieurs, auffi faut-il les avoir d'une couleur marquée, & d'une vivacité qui s'apperçoive de loin, pour jouer du vifage d'une façon fenfible. Les mouvemens du front aident beaucoup celui des yeux. Un Acteur doit acquérir à force d'exercice la facilité de rider fon front en élevant le fourcil, & de froncer l'entre-deux des fourcils en les abbaiffant forte

ment. C'est le front ridé & le fourcil froncé à différens degrés, & les yeux ouverts en rond ou en long, qui marquent les différentes expreffions. La partie des joues qui eft po: fitivement fous les yeux, peut auffi en s'élevant & s'abaiffant y contribuer un peu; mais il faut être modéré dans le mouvement de cette partie, qui devient aifément forcée. Pour la bouche, elle ne doit prendre de mouvement que pour rire; car ceux qui dans les momens d'affliction baiffent les deux coins de la bouche pour pleurer, montrent un vifage fort laid, & fort ignoble. Toutes ces façons d'exprimer doivent s'employer en parlant; cependant je n'en fais mention que dans l'article du Jeu muet, parce qu'elles y tiennent la plus grande place, & qu'elles en forment la plus grande beauté. Le corps agit auffi dans ces occa

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