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fions, & contribue à l'expreffion au2 tant que le visage; mais il faut beaucoup modérer les mouvemens dans le Jeu muet. Non-feulement des geftes trop marqués & trop fréquents, font ridicules dans l'Acteur qui ne parle pas; mais ils peuvent faire tort à l'attention du Spectateur pour celui qui parle, ce qui nuit au cours de la Scène;c'eft l'attention la plus néceffaire dans ces occafions. On ne doit point paroître infenfible à ce que l'on entend dire, fur tout fi la chofe `est de nature à nous'intéreffer; mais on ne doit jamais oublier que l'Acteur qui parle eft celui qui pour lors domine fur la Scène, & que ceux qui l'écoutent n'y font que fubalternes, quelqu'important que foit le caractère qu'ils repréfentent. On voit beaucoup de Comédiens pécher contrece principe furtout ceux qui jouent les rôles du bas Comique. L'envie d'ê

tre plaifans le plus qu'ils peuvent, leur fait faire pendant qu'ils font en filence, des contorfions fouvent à contrefens & toujours déplacées, dont le ridicule amuse quelques des Spectateurs, & révolte les gens de goût.

L'EN

L'union qui doit fe trouver dans le jeu, & dans le recit de tous ceux SEMBLE. qui fe trouvent en même tems fur la Scène, eft ce qu'on appelle l'Ensemble. Cet art demande beaucoup d'oreille & de poffeffion du Théâtre. Il faut que plufieurs A&teurs, qui ordinairement ont chacun un caractère différent, & dont la fituation n'est jamais la même, confervent dans leur Jeu certain rapport qui les empêche d'être difcordans à l'oreille, ni aux yeux du Spectateur. On peut les comparer à des Muficiens qui chantent un morceau à plusieurs par ties; chacun articule des fons diffé

rens, mais tous ensemble ne forment qu'une même harmonie.

Voici de quelle maniere l'oreille conduit les Comédiens à cet Enfemble dont je veux parler. Lorsqu'um Acteur a fini ce qu'il avoit à dire, ceJui qui prend la parole après lui, doit commencer du même ton dont l'autre vient de finir. Si les Acteurs qui font en scène se trouvent également bons, ils font facilement ensemble, parce que chacun en finiffant fon couplet, amene le ton de celui qui doit fuivre. Mais fi l'on fe trouve avec quelqu'un, qui fortant du ton convenable,nous laiffe bien loin de celui d'où nous devions naturellement partir, rien ne nous dispense de prendre fon ton, quelque mauvais qu'il puiffe être; mais par des degrés imperceptibles & rapides, il faut ramener l'oreille au ton que la chofe demande. On doit trouver dans les geftes

&

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& les mouvemens de tous les Acteurs la même correfpondance, que dans les tons de leur voix. Une attention

fort naturelle rend la chofe extrêmement facile. Que chacun examine en quelle pofition il fe trouve vis-àvis des autres. Si dans fa place il doit montrer de la fupériorité ou du refpect, s'il lui convient d'envisager audacieufement celui qui parle, ou d'éviter la rencontre de fes yeux, & fuivant l'occurrence que les mouvemens de l'un produisent ceux de l'autre, & que tous fe maintiennent exactement dans la fituation où la Scène doit les mettre. Les Acteurs qui demeurent toujours immobiles quand ils font en filence, & qui n'agiffent que lorsqu'ils ont à parler; ceux qui d'un air défœuvré portent leurs regards de côté & d'autre, ne fçauroient parvenir à cet Enfemble; au contraire ils y nuifent par leur indo

F

LE JEU DETHEATRE.

lence. Tous les Acteurs doivent concourir à augmenter la force de l'expreffion de celui qui parle; & lorf qu'ils y prennent part aux yeux du Spectateur, ils aident fortement à le féduire.

Quelquefois tous les Acteurs fe taisent pour un tems, & font connoître par leurs mouvemens ce qui fe paffe au dedans d'eux-mêmes, ou le deffein qui les occupe. Voilà le jeu de Théâtre, méthode fi vantée & fi rarement mise en ufage. Elle n'a de bornes que celles qu'elle doit recevoir de la chofe même. Tant qu'on peut exprimer des choses nouvelles, & qui ne fortent point de la fituation, on peut faire durer le jeu de Théâtre fans aucun fcrupule. On peut quitter fa place pour aller chercher un Acteur bien éloigné, renverfer tout l'ordre dans lequel la scè

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