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Et fiers du haut étage où la Serre les loge, Avalent fans dégoût le plus groffier éloge. Tu ne te repais point d'encens à fi bas prix. Non que tu fois pourtant de ces rudes Efprits 15 Qui regimbent toujours, quelque main qui les flatte. Tu fouffres la louange adroite & délicate, Dont la trop forte odeur n'ébranle point les fens. Mais un Auteur, novice à répandre l'encens, Souvent à fon Héros, dans un bizarre Ouvrage, 20 Donne de l'Encenfoir au travers dû vifage;

REMARQUES.

VERS 11. Et fiers du haut étage où la Serre les loge. ] La Serre, fade Panégyrifte, qui fe flattoit d'être fort capable de compofer des Eloges, fuivant l'ufage où l'on étoit en ce temps-là de faire des Portraits en Vers ou en Profe. » Il faut accorder, dit Sorel dans fa Bi»bliotheque Françoife, page 157, que M. de la Serre s'eft trouvé très-propre à ces fortes d'Ouvrages, & qu'il a un génie particulier pour cela, foit qu'il leur laiffe la forme d'Eloges ou qu'il les infere dans » les Epitres dédicatoires de quelques Livres. Il en faut retrancher les penfées trop hardies ou trop irrégulieres, & les paroles peu convenables «. C'eft à-dire, que la Serre eût été bon Ecrivain, s'il eût fu penfer & s'exprimer. Voyez Sat. III, vers 176; Sat. IX,

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»

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vers 72.

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IMIT. Vers 15. Qui regimbent toujours, quelque main qui les flatte. 1 HORACE, L. II, Sat. I. vers 20:

Cui male fi palpêre, reculcitrat undique tutus.

-VERS 20. Donne de l'Encenfoir au travers du vifage. ]
Ce vers eft devenu Proverbe. BROSSETTE.

Je ne fai fi je me trompe, mais il me femble que le Proverbe, donner de l'encenfoir par le nez, eft plus ancien que M. Deforézux. Cela fuppofé, fon vers n'en feroit que la traduction. DE ST. MARC.

Va louer Monterey d'Oudenarde forcé,
Ou vante aux Electeurs Turenne repouffe.
Tout éloge impofteur bleffe une ame fincere.
pour faire fa cour à ton illuftre Pere,

Si

REMARQUES.

VERS 21. Va louer Monterey. 1 Gouverneur des PaysBas. DESP. d'Oudenarde forcé ] Après la Bataille de Senef, gagnée par le Prince de Condé, les Alliés voulurent effacer la honte de leur défaite par la prise de quelqu'une de nos Villes. Le Comte de Monterey Gouverneur des Pays-Bas pour l'Espagne, & Général de l'Armée Efpagnole, affiégea Oudenarde. Mais le Prince de Condé l'obligea de lever le fiege avec précipitation, le 12 Septembre 1674. Jean-Dominique de Haro, Comte de Monterey par fa Femme, après la mort de laquelle, arrivée le ro de Mai 1710, il entra dans l'Etat Eccléfiaftique & reçut l'Ordre de Prêtrife en 1712; mourut en Février 1716, âgé de 67 ans. Il étoit le fecond Fils de Dom Louis Mendez de Haro, Premier Ministre du Roi d'Espagne Philippe IV, & l'un des plus grands Hommes d'Etat que l'Espagne ait eus. Le Traité des Pyrénées, qu'il conclut en 1659, avec le Cardinal Mazarin, lui fit autant d'honneur, qu'il en fit peu au Cardinal. DE ST. MARC.

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VERS 22. On vante aux Electeurs Turenne repousse. ] Ce Vers auffi bien que le précédent eft une contre-vérité. Celui-ci défigne la Bataille de Turkein en Alface. gagnée par M. de Turenne contre les Allemands, les Janvier 1675.

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IMIT. Vers 24. Si pour faire fa cour à ton illuftre Pere &c] Ce Vers & les dix fuivants, font une Imitation d'Horace, qui dit à Quinctius, Livre I, Epitre XVI, Vers 25 & 29:

Si quis bella tibi terrâ pugnata, marique

Dicat, & his verbis vacuas permulceat aures,

Augufti laudes agnofcere poffis;

Cum pateris fapiens emendatufque vocari.

&c.

25 SEIGNELAY, quelque Auteur d'un faux zele emporté, Au lieu de peindre en lui la noble activité, La folide vertu, la vafte intelligence,

30

Le zele pour fon Roi, l'ardeur,

fon Roi, l'ardeur, la vigilance,

La conftante équité, l'amour pour les Beaux-Arts,
Lui donnoit les vertus d'Alexandre ou de Mars;
Et, pouvant justement l'égaler à Mécene,

Le comparoit au fils de Pélée ou d'Alcmene:
Ses yeux d'un tel difcours foiblement éblouis,
Bientôt dans ce tableau reconnoîtroient LOUIS;
35 Et, glaçant d'un regard la Mufe & le Poëte,
Imposeroient filence à fa verve indifcrete.

Un cœur noble eft content de ce qu'il trouve en lui,
Et ne s'applaudit point des qualités d'autrui.
Que me fert, en effet, qu'un adınirateur fade,

REMARQUES.

VERS 32. Le comparoit au fils de Pélés. ] Achille. DESP. ou d'Alcmene. ] Hercule. DESP.

IMIT. Vers 39. Que me fert, en effet, &c. 1 Horace, dans la même Epitre XVI, vers 19:

Neu, fi te populus fanum, rectèque valentem
Dictitet, occultam febrem fub tempus edendi
Diffimules, donec manibus tremor incidat unctis.

BROSSETTE.

Notre Auteur n'a pris ici que le fond de l'idée d'Horace, mais il l'a réellement imité dans cet endroit de fon Epitre III, v. 25 :

A quoi bon, quand la fievre en nos arteres brûle,
Faire de noire mal un fecret ridicule ?

40 Vante mon embonpoint, fi je me fens malade, Si dans cet inftant même un feu féditieux Fait bouillonner mon fang, & pétiller mes yeux ? Rien n'est beau que le vrai : le vrai feul est aimable. Il doit régner par-tout, & même dans la fable: 45 De toute fiction l'adroite fauffeté

Ne tend qu'à faire aux yeux briller la Vérité. Sais-tu, pourquoi mes vers font lus dans les Provinces,

Sont recherchés du Peuple, & reçus chez les Prin

ces ?

Ce n'eft pas que leurs fons, agréables, nombreux, 30 Soient toujours à l'oreille également heureux; Qu'en plus d'un lieu le fens n'y gêne la mefure, Et qu'un mot quelquefois n'y brave la céfure:

REMARQUES.

Le feu fort de vos yeux petillants & troublés.
Votre pouls inégal marche à pas redoublés :
Quelle fauffe pudeur à feindre vous oblige?

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DE ST. MARC.

VERS 51. Qu'en plus d'un lieu le fens n'y gêne la mefure. J M. Defpréaux, dit l'Auteur du Bolaana, Nomb. » L. me fit comprendre........... que par le fens gênant » la mesure, il avoit voulu exprimer certaines tranfpo» fitions forcées, dont les meilleurs Auteurs ne fau>> roient fe défendre, mais dont ils tâchent de fauver » la dureté par toutes les foupleffes de leur art. Dans » ces fituations, difoit-il, vous diriez que le vers grima» ce, ou fait certaines contorfions. Je vais vous en don»ner un exemple fenfible dans un vers de CHAPELAIN. Il eft question d'y exprimer l'action du fameux CYNE» GIRE, qui s'étant attaché à l'un des creneaux, fe vit » le bras emporté; il y attache l'autre bras, & ce bras

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Mais c'eft qu'en eux le Vrai, du Menfonge vainqueur, Par-tout fe montre aux yeux, & va faifir le cœur : 55 Que le Bien & le Mal y font prifés au juste;

Que jamais un Faquin n'y tint un rang auguste, Et que mon cœur toujours conduisant mon esprit, Ne dit rien au Lecteur, qu'à foi-même il n'ait dit. Ma pensée au grand jour par-tout s'offre & s'expofe; 60 Et mon vers, bien ou mal, dit toujours quelque chofe. C'est par là quelquefois que ma Rime furprend. C'est là ce que n'ont point Jonas, ni Childebrand,

REMARQUES.

» a le fort du premier, de maniere qu'il s'attacha aux cre»neaux avec les dents. Ce que CHAPELAIN exprime ainfi :

» Les dents, tout lui manquant, dans les pierres il plante.

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Voilà, difoit-il, le plus parfait modele de la mefure gé» née par le sens : car on ne fauroit dire que le Vers de » CHAPELAIN manque par le fens, mais cette tranfpofi»tion bizarre, &, pour ainsi dire, dans toute fa crudité, révolte encore plus les yeux que les oreilles, au lieu qu'un grand Poëte en de pareilles extrêmités, par toutes les fineffes de fon art, cherche à adoucir ce qui de foi-même eft rude ". Rien n'eft aujourd'hui fi commun que ces Vers, où le fens gêne la mesure. Les Inverfions forcées reviennent à la mode. On croit par là rendre les Vers & plus forts & plus poériques. On ne fait que les rendre plus durs & plus défagréables. J'en pourrois citer beaucoup d'exemples. Mais, outre que cela me meneroit plus loin que je ne veux, je n'ai pas deffein d'offenfer perfonne. DE ST. MARC.

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VERS 62. Ceft là ce que n'ont point Jonas, ni Childebrand. 1 JONAS, Poëme Epique de Jacques Coras. Voyez Satyre IX, Vers 91 CHILDFBRAND, Poëme Epique du Sieur de Sainte-Garde. Voyez Epitre VIII, Vers 57. Art Poétique, Ch. III, Vers 242.

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