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*PREFACE

POUR LES TROIS DERNIERES ÉPITRES.

JE ne fai fi les trois nouvelles Epitres que je

donne ici au Public , auront beaucoup d'Approbateurs mais je fai bien que mes Cenfeurs y trouveront abondamment de quoi exercer leur critique. Car tout y eft extrêmement hazardé. Dans le premier de ces trois ouvrages, fous prétexte de faire le procès à mes derniers Vers, je fais moi-même mon éloge, & n'oublie rien de ce qui peut être dit à mon avantage. Dans le fecond, je m'entretiens avec mon Jardinier de chofes très-baffes & très-petites; & dans le troifieme je décide hautement du plus grand & du plus important point de la Religion, je veux dire, de l'Amour de Dieu. J'ouvre donc un beau champ à ces Cenfeurs, pour attaquer en moi & le Poëte orgueilleux, & le Villageois groffier, & le Théologien téméraire. Quelque fortes pourtant que foient leurs attaques, je doute qu'elles ébranlent la ferme réfolution que j'ai prife, il y a long-temps, de ne rien répondre au moins

REMARQUES.

2

*Cette Préface parut à la tête des trois dernieres Epitres, publiées à la fin de 1675, dans un cahier féraré, que l'Auteur fit ajouter à l'Edition de tous fes Ouvrages, faite l'année précédente. DE ST. MARC

fur le ton férieux

moi.

,

à tout ce qu'ils écriront contre

A quoi bon, en effet, perdre inutilement du papier? (1) Si mes Epitres font mauvaises, tout ce que je dirai ne les fera pas trouver bonnes : & fi elles font bonnes, tout ce qu'ils feront ne les fera pas trouver mauvaifes. Le Public n'eft pas un Juge qu'on puiffe corriger, ni qui fe regle par les paffions d'autrui. Tout ce bruit, tous ces Ecrits qui fe font ordinairement contre des ouvrages où l'on court, ne fervent qu'à y faire encore plus courir & à en mieux marquer le mérite. If eft- de l'ef fence d'un bon Livre d'avoir des Cenfeurs; & la plus grande difgrace qui puiffe arriver à un Ecrit qu'on met au jour, ce n'eft pas que beaucoup de gens en difent du mal, c'est que perfonne n'en dife

rien.

Je me garderai donc bien de trouver mauvais qu'on attaque mes trois Epitres Ce qu'il y a de certain, c'eft que je les ai fort travaillées, & principalement celle de l'Amour de Dieu, que

retouchée plus d'une fois, & où j'avoue que j'ai employé tout le peu que je puis avoir d'efprit & de lumieres. J'avois deffein d'abord de la donner toute feule, les deux autres me paroiffant trop frivoles , pour être préfentées au grand jour de l'impreffion avec un Ouvrage fi férieux. Mais des Amis très-fenfés m'ont fait comprendre que ces deux Epitres, quoique dans le ftyle enjoué,

REMARQUES.

(1) Si mes Epitres font mouvaifes. ] Cette penfée eft imitée de Jean Owen, Anglois, Poëte Latin célebre, dans cette Epigramme qu'il adreffe au Lecteur :

Noftra patrocinium non pofcunt Carmina. Quare?
Si bona funt, bona funt : fi mala funt,mala funt.

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étoient pourtant des Epitres morales, où il n'étoit rien enfeigné que de vertueux. Qu'ainfi étant liées avec l'autre bien loin de lui nuire, elles pourroient même faire une diverfité agréable; & que d'ailleurs beaucoup d'honnêtes gens fouhaitant de les avoir toutes trois enfemble, je ne pouvois pas avec bienfeance me difpenfer de leur donner une fi légere fatisfaction. Je me fuis rendu à ce fentiment, & on les trouvera raffemblées ici dans un même cahier. Cependant comme il y a des gens de piété, qui peut-être ne fe foucieront gueres de lire les entretiens que je puis avoir avec mon Jardinier & avec mes Vers, il eft bon de les avertir qu'il y a ordre de leur diftribuer à part la derniere; favoir, celle qui traite de l'Amour de Dieu & que non-feulement je ne trouverai pas étrange qu'ils ne lifent que celle-là; mais que je me fens quelquefois moi-même en des dif pofitions d'efprit, où je voudrois de bon cœur n'avoir de ma vie compofé que ce feul Ouvrage, qui vraisemblablement fera la derniere piece. de Poéfie qu'on aura de moi mon génie pour les Vers commençant à s'épuifer, & mes emplois hiftoriques ne me laiffant gueres le temps de m'appliquer à chercher & à ramaffer des ri

mes.

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Voilà ce que j'avois à dire aux Lecteurs. Avant néanmoins que de finir cette Préface, il ne fera

REMARQUES.

Il ajoute dans une autre Epigramme, & c'est ce que notre Auteur paroît avoir eu principalement en vue:

Nemo poteft verfus ( nec tanta potentia Regum)
Vel fervare malos, vel jugulare bonos.

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pas hors de propos, ce me femble de raffurer des Perfonnes timides, qui n'ayant pas une fort grande idée de ma capacité en matiere de Thé logie, douteront peut-être que tout ce que j'avance en mon Epitre foit fort infaillible, & appréhenderont qu'en voulant les conduire je ne les égare. Afin donc qu'elles marchent fürement, je leur dirai, vanité à part, que j'ai lu plufieurs fois cette Epitre à un fort grand nombre de Docteurs de Sorbonne, de Peres de l'Oratoire & de (2) Jefuites très-célebres, qui tous y ont applaudi, & en ont trouvé la doctrine très-faine & très-pure. Que beaucoup de Prélats illuftres, à qui je l'ai récitée en ont jugé comme eux. Que Monfeigneur l'E

REMARQUES.

(2) Jésuites très-célebres. J Le P. de la Chaize, le P. Gaillard, & quelques autres.

François d'Aix de la Chaize, né dans le Château d'Aix en Forets, le 25 d'Août 1624, petit Neveu du fameux P. Cotton, Confeffeur de Henri IV, fut choifi par le feu Roi pour Confeffeur en 1675. Au renouvellement de l'Académie des Infcriptions & Belles-Lettres, en 1701, le Roi l'en nomma Honoraire. Il mourut le 20 de Janvier 1709, agé de 85 ans. Ce Jéfuite, né homme de condition, avoit beaucoup d'efprit, & étoit favant en Philofophie, en Théologie, en Hiftoire & Antiquités. Il avoit, à l'égard de ce dernier Article, particuliérement étudié les Médailles.

Honoré Gaillard, né à Aix en Provence, & fils d'un Avocat au Parlement de cette Province, s'étoit fait une très-grande réputation par fes Sermons. Il ne fut pas moins célebre pour la Direction; & la Reine d'Angleterre Marie-Béatrix-Eléonor d'Eft, fe mit fous fa conduite, les dernieres années de fa vie, & y mourut. Il fut enfuite Recteur du College de Paris, puis Supérieur de la Maifon Profeffe, pofte que fon grand âge lui fit quitter. Il mourut à Paris, le 11 de Juin 1727, dans la quatre-vingt-fixieme année de fon âge, après 69 ans de Profeffion Religieufe. DE ST. MARC.

vêque de Meaux (3), c'eft-à-dire, une des plus grandes Lumieres qui aient éclairé l'Eglife dans les derniers Siecles a eu long-temps mon Ouvrage entre les mains, & qu'après l'avoir lu & relu plufieurs fois, il m'a non-feulement donné fon approbation, mais a trouvé bon que je publiaffe à tout le monde, qu'il me la donnoit. Enfin que pour mettre le comble à ma gloire, (4) ce faint Archevêque dans le Diocefe duquel j'ai le bonheur de me trouver, ce grand Prélat, dis-je, auffi éminent en doctrine & en vertus qu'en dignité & en naiflance, que le plus grand Roi de l'Univers, par un choix

REMARQUES.

(3) M. l'Evêque de Meaux. ] JACQUES-BENIGNE BosSUET, Docteur en Théologie de la Faculté de Paris, Grand-Archidiacre & Doyen de Metz, enfuite Abbé de Saint Lucien de Beauvais, facré Evêque de Condom en 1670, nommé Précepteur de Louis, Dauphin de France, la même année; Premier-Aumônier de Madame la Danthine en 1680, Evêque de Meaux en 1681, de l'Académie Françoife en 1671, Supérieur de la Maifon de Navarre en 1695, Confeiller d'Etat en 1697, & Premier Aumônier de Madame la Ducheffe de Bourgogne en 1698; étoit né à Dijon, le 27 de Septembre 1627 › d'une ancienne Famille du Parlement de cette Ville. 11 mourut à Paris le 13 d'Avril 1704, âgé de 76 ans 6 mois 16 jours. DE ST. MARC.

(4) Ce faint Archevêque. ] LOUIS-ANTOINE DE NOAILLFS, Docteur en Théologie de la Faculté de Paris, nommé à l'Evêché de Cahors en 1679, transféré l'année suivante à Châlons-fur-Marne; fait Archevêque de Paris en 1695, enfuite Cardinal, Commandeur des Ordres du Roi, Provifeur de la Maifon & Société de Sorbonne, & Supérieur de celle de Navarre; étoit un Prélat infiniment eftimable par fes vertus & par son amour pour la paix, & très-digne des louanges que norre Poëte lui donne ici. Il mourut à Paris, le 4 de Mai 1729. Plenus dierum, omnibus filebilis, dit fon Epitaphe. Il étoit âgé de 78 ans. DE ST. MARC.

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