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Je laiffe aux plus hardis l'honneur de la carriere, Et regardé le champ, affis fur la barriere. Malgré moi toutefois, un mouvement fecret Vient flatter mon efprit qui fe tait à regret. 45 Quoi ? dis-je, tout chagrin, dans ma verve infertile, Des vertus de mon Roi spectateur inutile, Faudra-t-il fur fa gloire attendre à m'exercer, Que ma tremblante voix commence à fe glacer?

REMARQUES.

les Affemblées qui donnerent naiffance à l'Académie Françoife, dont il fut le premier Secrétaire. Il ne fa→ voit pas le Latin, & ne laiffoit pas d'avoir acquis toutes les connoiffances qui font l'Homme de Lettres. On le confultoit même fur les Ouvrages d'Esprit, & il paffoit pour un Critique sûr. 11 mourut âgé de 72. ans, le 21 Septembre 1675. Il avoit compofé des Styres & d'autres Ouvrages, qui n'ont pas vu le jour. On a depuis fa mort publié un Volume de fes Lettres ; & l'on trouve, dans les Recueils de Poéfies de fon temps > quelques petites Pieces de Vers de fa façon, dont quelques-unes font très-agréablement tournées.

CHANG. Ibid. Dans toutes les Editions que l'on fit de cette Epitre, tant que M. Conrart fut vivant, M. Def préaux cut foin de mettre:

Jobferve fur Ton nom un filence prudent.

Ce ne fut qu'après la mort de Conrart, qu'il fit imprimer ce Vers, tel qu'il l'avoit fait. 11 contient une louange équivoque, & femble faire allufion à ce Couplet Satyrique de Liniere:

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Dans un fi beau projet, fi ma Mufe rebelle

Jo N'ofe le fuivre aux champs de Lille, & de Bruxelle;
Sans le chercher aux bords de l'Efcaut, & du Rhin,
La Paix l'offre à mes yeux plus calme & plus ferein.
Oui, GRAND ROI, laiffons là les fieges, les batailles :
Qu'un autre aille en rimant renverfer des murailles;
55 Et fouvent fur Tes pas marchant fans ton aveu,
S'aille couvrir de fang, de pouffiere & de feu.
A quoi bon d'une Mufe au carnage animée,
Echauffer Ta valeur déja trop allumée ?
Jouïffons à loisir du fruit de Tes bienfaits,
60 Et ne nous laffons point des douceurs de la Paix.
Pourquoi ces Eléphants, ces armes, ce bagage,
Et ces vaifleaux tout prêts à quitter le rivage?
Difoit au Roi Pyrrhus un fage Confident,

Confeiller très-fenfé d'un Roi très-imprudent.

65 Je vais, lui dit ce Prince, à Rome où l'on m'appelle.

Quoi faire? L'affiéger. L'entreprise eft fort belle,

REMARQUES.

VERS 50. De Lille, & de Bruxelle. ] La Campagne de Flandres, faite par le Roi en l'année 1667.

VERS 63. Difoit au Roi Pyrrhus un fage Confident. I PLUTARQUE dans la vie de Pyrrhus. DESP.

Rabelais a imité ce Dialogue, Liv. I, Ch. 33.

VERS 64. Confeiller très-fenfé, &c. ] Pyrrhus convenoit qu'il avoit conquis moins de villes par fes armes, que par l'éloquence de Cunéas..

Ibid.

D'un Roi très-imprudent.] PYRRHUS l'étoit en effer. C'est pourquoi Antigonus le comparoir à un joueur de dez.

Et digne feulement d'Alexandre ou de vous:
Mais, Rome prise enfin, Seigneur, où courons-nous ?
Du refte des Latins la conquête eft facile.

70 Sans doute on les peut vaincre: Eft-ce tout? La Sicile
De là nous tend les bras, & bientôt fans effort
Syracuse reçoit nos vaiffeaux dans fon port.

Bornez-vous là vos pas? Dès que nous l'aurons prifse,

Il ne faut qu'un bon vent, & Carthage eft conquise. 75 Les chemins font ouverts: qui peut nous arrêter? Je vous entends, Seigneur, nous allons tout domter. Nous allons traverfer les fables de Libye, Affervir en paffant l'Egypte, l'Arabie,

REMARQUES.

VERS 67. Et digne feulement d'Alexandre ou de vous. Le Poëte compare Pyrrhus à Alexandre, parce que Plutarque dit au même endroit, que ceux qui voyoient l'ardeur de Pyrrhus dans les combats, difoient qui faifoit revivre Alexandre; & qu'au lieu que les autres Rois n'imitoient ce Conquérant que par les habits de pourpre, par les gardes, par le panchement du cou, & par un haut ton de voix, Pyrrhus le représentoit par la valeur & par fes belles actions. Vie de Pyrrhus.

CHANG. Vers 68. Mais, Rome prife enfin, &c. ] Dams les premieres Editions, il y avoit :

Mais quand nous l'aurons prife, hé bien ! que ferons-nous ?

CHANG. Vers 70. Sans doute on les peut vaincre, &c. ] Il y avoit d'abord: Fort bien, ils font à nous. Dans la feconde Edition il mit: Sans doute ils font à vous. Et enfin ce qu'on lit ici.

CHANG. Vers 73. Bornez-vous l'à vos pas, &c. ] Il y avoit dans la premiere Edition: Nous y voilà, fuivons. Dans la feconde, Vous arrêtez-vous là & dans celle de 1674, il mit: En demeurez-vous là ?

Courir delà le Gange en de nouveaux païs,
80 Faire trembler le Scythe aux bords du Tanaïs;
Et ranger fous nos loix tout ce vafte Hémisphere.
Mais de retour enfin, que prétendez-vous faire ?
Alors, cher Cinéas, victurieux, contents

Nous pourrons rire à l'aife, & prendre du bon temps.

85 Hé, Seigneur, dès ce jour, fans fortir de l'Epire, Du matin jusqu'au foir qui vous défend de rire ? Le confeil étoit fage, & facile à goûter.

Pyrrhus vivoit heureux, s'il eut pu l'écouter': Mais à l'ambition d'oppofer la prudence, 90 C'est aux Prélats de Cour prêcher la réfidence. Ce n'eft pas que mon cœur du travail ennemi, Approuve un Fainéant fur le trône endormi. Mais quelques vains lauriers que promette la guerre, peut être Héros fans ravager la terre.

95

TOO

On

Il est plus d'une gloire. En vain aux Conquérants
L'Erreur parmi les Rois donne les premiers rangs.
Entre les grands Héros ce font les plus vulgaires.
Chaque fiecle eft fécond en heureux Téméraires.
Chaque climat produit des Favoris de Mars.
La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Céfars.
On a vu mille fois des fanges Méotides

REMARQUES.

CHANG. Vers 84. Nous pourrons rire à l'aise, &c. 1 Premiere maniere: Nous pourrons chanter, rire.

VERS 101. On a vu mille fois des fanges Méotides, &c.] Le Palus ou Marais Méotides, nommé maintenant la Mer de Zabache, est fitué entre l'Europe & l'Afie dans la Petite-Tartarie, au Nord de la Mer-Noire, avec la

Sortir des Conquérants, Gots, Vandales, Gépides,
Mais un Roi vraiment Roi, qui fage en fes projets,
Sache en un caline heureux maintenir ses Šujets,
105 Qui du bonheur public ait cimenté fa gloire,
Il faut, pour le trouver, courir toute l'histoire.
La terre compte peu de ces Rois bienfaifants.
Le Ciel à les former fe prépare long-temps..
Tel fut cet Empereur, fous qui Ronte adorée
110 Vit renaître les jours de Saturne & de Rhée:
Qui rendit de fon joug l'Univers amoureux :
Qu'on n'alla jamais voir fans revenir heureux:
Qui foupircit le foir, fi fa main fortunée
N'avoit par fes bienfaits fignalé la journée.

REMARQUES.

quelle il communique. C'est des environs de cette contrée que font fortis autrefois les Goths & les Gépides. A l'égard des Vandales, c'étoient des Peuples plus Septentrionaux venus du côté de la Mer Baltique, vers l'embouchure de l'Oder. CLUVER. Germ. ant. L. 3.

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VERS 109. Tel fut cet Empereur, &c ] Titus. DESP.

VERS 114 N'avoit par fes bienfaits fignalé la journée. I Perfonne n'ignore que cet Empereur, qui fut fi juftement furnommé l'Amour & les délices du Genre-Humain, fe reflouvenant un foir qu'il n'avoit fait de bien à perfonne pendant la journée: Mes Amis, dit-il, j'ai perdu cette journée. AMICI, DIEM PERDIDI. A la premiere lecture que l'Auteur fit au Roi de cette Epire, quand il eut récité ces fix Vers, qui expriment fi bien le caractere de Titus, le Roi en fut frappé d'admiration, & fe les fit relire jufqu'à trois fois.

Alfonfe, Roi d'Arragon, entendant parler du regret que fentoit Titus, quand il avoit paffé un jour fans faire du bien à quelqu'un, témoigna que, graces au Ciel, il n'avoit jamais eu lieu de fe faire un pareil reproche.

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