Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Attends-tu qu'un Fermier payant, quoiqu'un peu tard, 20 De ton bien pour le moins daigne te faire part ? Vas-tu, grand défenfeur des droits de ton Eglife, De tes Moines mutins réprimer l'entreprise ? Crois-moi, dut Auzanet t'affurer du fuccès, Abbé, n'entreprends point même un jufte procès. 25 N'imite point ces Fous dont la fotte avarice Va de fes revenus engraiffer la Juftice, Qui toujours affignants, & toujours affignés, Souvent demeurent gueux de vingt procès gagnés. Soutenons bien nos droits : Sot eft celui qui donne. 30 C'est ainfi devers Caen que tout Normand raisonnne. Ce font là les leçons dont un pere Manceau Inftruit fon fils novice au fortir du berceau. Mais pour toi qui nourri bien en deçà de l'Oife,

VERS 23.

REMARQUES.

Dit Auzanet, &c.] Fameux Avocat au Parlement de Paris. DESP.

Barthélemi Auzanet étoit extrêmement verfé dans la connoiffance du Droit François; & les principales affaires fe régloient ordinairement par fes confeils, ou par fon arbitrage. I mourut le 17 d'Avril 1693, âgé de 82 ans, ayant été honoré par le Roi d'un Brevet de Confeiller d'Etat, quelques années avant fa mort.

VERS 30. C'eft ainfi devers Caen que tout Normand raifonne. J L'Auteur auroit pu dire: vers Caen. C'est ainsi que vers Caen tout Bas-Normand raisonne; mais il a préféré devers Caen, qui eft une efpece de Normanisme. D'ailleurs, un Normand qui fera de Caen même, dira toujours: Je fuis devers Caen, & ne dira pas: Je fuis de Caen.

VERS 33.

Bien en deçà de l'Oife. ] Riviere qui a fa fource dans la Picardie vers les limites du Hainaut & de la Champagne.

?

As fucé la vertu Picarde & Champenoise, 35 Non, non, tu n'iras point, ardent Bénéficier, Faire enrouer pour toi Corbin ni le Mazier.

[ocr errors]

REMARQUES.

VERS 34. As fucé la vertu Picarde & Champenoise. ] La franchise.

VĒRS 36. Faire enrouer pour toi Corbin ni le Mazier, Deux autres Avocats. DESP.

Avocats criards, qui fe chargeoient fouvent de mauvaifes Caufes. Jacques Corbin, plaida fa premiere Cause à quatorze ans, & ne plaida pas mal pour fon âge : Martinet, célebre Avocat, fit alors cette Epigramme s

Vidimus attonito puerum garrire Senatu.
Bis pueri, puerum qui ftupuere Senes.

Ce Jacques Corbin étoit fils d'un autre Jacques Corbin - natif de S. Gauthier en Berri, Conseiller du Roi en fes Confeils, Avocat au Parlement, puis Maître des Requêtes ordinaire de la Reine Anne d'Autriche. Il étoit inftruit des matieres, qui concernoient fa profeffion, & dans ce genre il donna quelques Ouvrages affez bons. Mais il voulut écrire l'Hiftoire, faire des Romans, compofer des Ouvrages de piété, & tenir un rang parmi les Poëtes. Ses principaux Ouvrages Poétiques font la Vie de S. Bruno, en quatre chants; Le Triomphe de Jéfus-Chrift au Très-Saint Sacrement, & l'Histoire miracu leufe de l'inftitution de la Fête, & la Vie de Sainte Genevieve. Il traduifit auffi, par ordre de Louis XIII, toute la Bible. Cette Traduction littérale & faite mot à mot fur la Vulgate, fut imprimée à Paris en 8 Volumes in-6, avec l'approbation des Docteurs de Poitiers. Lorfque le jeune Corbin fe préparoit à fon premier Plaidoyer, le Pere offrit un tableau votif à Notre-Dame, pour obtenir à fon fils un heureux fuccès, & mit au bas du tableau ces deux Vers:

Vierge au vifage benin,

Faites grace au petit Corbin.

Toutefois, fi jamais quelque ardeur bilieuse Allumoit dans ton cœur l'humeur litigieuse, Confulte-moi d'abord ; & pour la réprimer, 40 Retiens bien la leçon que je te vais rimer.

Un jour, dit un Auteur, n'importe en quel chapitre, Deux Voyageurs à jeun rencontrerent une huître, Tous deux la conteftoient, lorfque dans leur chemin La Juftice paffa, la balance à la main.

45 Devant elle à grand bruit ils expliquent la chofe. Tous deux avec dépens veulent gagner leur caufe. La Juftice pefant ce droit litigieux,

50

Demande l'huître, l'ouvre, & l'avale à leurs yeux, Et par ce bel Arrêt terminant la bataille,

Tenez, voilà, dit-elle, à chacun une écaille.

REMARQUES. ·

Voyez au fujet de ce Poëte, Art Poét. Ch. IV, v. 56.
Sur Le Mazier, voyez Satyre I, vers 123.

§. La Remarque qu'on vient de lire appartient pour Je fond à M. Broffette; mais le petit détail des diverfes productions de Jacques Corbin, eft de M. De S. Marc.

VERS 41. Un jour, dit un Auteur, &c.] M. Defpréaux avoit appris cette Fable de fon Pere, auquel il l'avoit oui conter dans fa jeuneffe. Elle eft tirée d'une ancienne Comédie Italienne. Cette même Fable a été mise en vers par La Fontaine; mais au lieu de la justice, il a mis un Juge, fous le nom de Perrin Dandin, qui avale T'huître. En quoi notre Auteur difoit, que La Fontaine avoit manqué de jufteffe; car ce ne font pas les Juges feuls qui caufent des fraix aux Plaideurs : ce font tous les Officiers de la Justice.

CHANG. Vers 45. Devant elle à grand bruit, &c. 1 Dans les premieres Editions, il y avoit : Devant elle aufi-tót.

Bs

Des fottifes d'autrui nous vivons au Palais;

Meffieurs, l'huître étoit bonne. Adieu. Vivez en paix.

[ocr errors][merged small]

IMIT. Vers 51. Des fottifes d'autrui nous vivons au Pa lais. ] JEAN OWEN, Anglois, connu par fes Epigrammes Latines, dit dans la quinzieme du Livre premier :

Stultitia noftra, Juftiniane, Sapis.

VERS Dernier. Adieu, vivez en paix. ] Le Peu ple Romain rendit un femblable Jugement fur une con teftation entre les Ariciens & les Ardéates. Ces deux peuples étant en guerre pour la poffeffion de certain Pays, en remirent la décifion au Peuple Romain. La Caufe fe plaida folemnellement devant le Peuple; & quand on fut fur le point de recueillir les fuffrages, un certain homme nommé SCAPTIUS, âgé de 83 ans, remontra que les terres dont il s'agiffoit, étoient de la dépendance de Corioles, Ville qui appartenoit au Peuple Romain. Sans examiner autrement la vérité de cette propofition, le Peuple s'adjugea ces terres par droit de bienséance & renvoya les Ardéates & les Ariciens Tile Live, Livre III à la fin, l'an 307 de Rome.

35

LA troisieme Epitre traite de la mauvaise Honte,

qui nous empêche de faire le bien. Elle fut composée en 1673, après l'Epitre IV au Roi. C'est la cinquieme felon l'ordre du temps. Elle eft adreffée à M. Arnauld, avec qui M. Defpréaux avoit fait connoissance chez le Premier-Président de Lamoignon, de la maniere que P'on va voir.

le

Quand en 1668 M. Arnauld eut recouvré, par la Paix de Clément IX, la liberté de paroître, il fut reçu du Nonce du Pape & du Roi même, avec toutes les marques poffibles d'eftime. Parmi le grand nombre de gens qui lui témoignerent la joie qu'ils en avoient, Premier-Préfident fut un des plus empreffés. Un jour il invita M. Arnauld, M. Nicole, M. Defpréaux & quelques autres perfonnes choifies à venir dîner dans l'appartement qu'il avoit à Auteuil dans la maifon des Chanoines-Réguliers de Sainte Genevieve, M. Arnauld & M. Defpréaux éprouverent dans cette occafion ce qu'ordinairement éprouvent des personnes d'une réputation éclatante & d'un mérite diftingué, qui fe voient pour la premiere fois. Ils fe fentirent d'abord l'un pour l'autre cette efpece d'inclination qui produit l'amitié. Celle qu'ils contracerent ensemble, fut en effet des plus étroites, & nonobftant une féparation de plufieurs années, dura, jufqu'à la mort.

« AnteriorContinuar »