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Trinité; ils réfolurent d'y établir auffi leur Théâtre (1).

Les Prémontrés, qui étoient en poffeffion

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(1) Les Confreres de la Paffion ayant loué une falle à l'Hôpital de la Trinité, éleverent un Théâtre propre à ce genre de repréfentations qu'ils donnoient au peuple les jours de Fêtes. Le devant de leur Théâtre étoit femblable à ceux qui exiftent aujourd'hui. Mais ils avoient dreffé dans le fond des échafauds, dont le plus élevé étoit deftiné à repréfenter le Paradis; un autre représentoit la maifon de Pilate ; & fur chaque côté du Théâtre, y avoit des gradins fur lefquels les Acteurs s'afféyoient après avoir joué leurs rôles, ou pour attendre que leur tour revînt, car ils ne difparoiffoient qu'après avoir fini entiérement tout ce qu'ils avoient à dire. Ainfi il falloit que le Spectateur les fupposât abfens lorsqu'ils étoient affis. Sur les bords du Théâtre on avoit placé l'Enfer ; c'étoit une gueule de dragon, par laquelle les diables entroient ou fortoient. Il y avoit une efpece de chambre couverte par des rideaux, où fe paffoient les détails qu'on ne pouvoit représenter. Le Théâtre eft aujourd'hui une grande falle, dont une partie eft occupée par la fcene que nous appellons particuliérement Théâtre, & qui comprend l'efpace où les Acteurs repréfentent, & dans lequel font les décorations & les machines. Le refte de la salle est distribué en un espace nominé Parterre, où l'on eft debout, & dans un Amphithéâtre quarré ou circulaire oppofé au Théâtre, avec plufieurs rangs de Loges au pourtour.

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de cet Hôpital, leur louerent une falle de 21 toifes de longueur, & large de 6 toifes, élevée au rez-de-chauffée & foutenue par des arcades. Ce fut dans cette falle que les Confreres conftruifirent un Théâtre pour représenter leurs

Pieces.

Elles eurent d'abord un fi grand fuccès, qu'on fut obligé dans plufieurs Eglifes d'avancer le temps des Vêpres, afin que le peuple pût affifter à ces amusemens où il couroit en foule.

L'agitation du Royaume pendant les guerres civiles (1) qui troublerent les regnes de Char

(1) Dans la licence des guerres civiles, ces farces dee vinrent infenfiblement des libelles diffamatoires. On avoit

des affaires trop férieufes pour y faire attention; mais après la mort de Charles VI arrivée en 1422, & la paix qui fuivit les exploits de Charles VII fon fucceffeur, on détruifit une infinité d'abus que le malheur des temps avoit fait tolérer. On n'oublia point ceux qui s'étoient gliffés fur les Théâtres. Le Parlement, en accordant aux Clercs de la Bazoche & aux Enfans fans fouci, la permiffion de jouer leurs farces & fottifes, leur enjoignit de respecter dorénavant les mœurs, & de bannir de leurs Pieces toute fatyre perfonnelle. Ces défenfes n'ayant pas été obfervées, on les renouvella, en ajoutant qu'à l'avenir ils ne pourroient plus représenter fans un ordre exprès du Parlement. Ce feroit abufer de la patience de nos

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les VI, de Charles VII & de Louis XI, ne fit point ceffer ce Spectacle; il fe foutint pendant ces

Lecteurs, que de rapporter tous les Arrêts que le Parlement rendit, tantôt pour fufpendre, tantôt pour rétablir les représentations de la Bazoche; nous nous bornerons aux plus importans.

Pour éluder les foins qu'on prenoit de ne rien laiffer jouer qui fût contraire aux mœurs & à la réputation des Particuliers, dans les Pieces que représentoit la Bazoche, les Acteurs prirent des mafques qui repréfentoient les traits du vifage des perfonnes qu'on défignoit; cet abus donna lieu à l'Arrêt fuivant.

« Du 20 Mai 1536; ce jour, la Cour a mandé les » Chanceliers & Receveurs ; & le Chancelier avec un » defdicts Receveurs venus leur a fait défenfes de ne

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jouer, à la montre de la Bazoche aucuns jeux, ne » faire monstration de Spectacles, ne efcriteaux taxans >> ou notans quelques perfonnes que ce foit, fous peine » de s'en prendre à eux, & de prifon & banniffement » perpétuellement ; & s'il y a quelques-uns qui s'efforcent » de faire le contraire, les escrivent & baillent par escrit » leurs noms à ladite Cour, pour en faire les punitions » telles qu'il appartiendra ».

Enfin cette fois la Bazoche fut docile; fon obéiffance détermina le Parlement en 1538 à lui donner la liberté de jouer à la maniere accoutumée, avec ordre cependant de remettre à la Cour le manufcrit des Pieces, quinze jours avant la représentation. On verra fans doute avec plaifir un des Arrêts qui accordoient

temps orageux. De nouvelles Sociétés, connues fous le nom de Clercs de la Bazoche & d'Enfans

ces permiffions à la Bazoche; nous en trouvons un qui eft du Mercredi 23 Janvier 1538.

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« Après avoir vu (y eft-il dit) par la Cour le Jeu pré» fenté à icelle par les Receveurs de la Bazoche pour jouer >> Jeudi prochain, ladite Cour a permis auxdits Receveurs » icelui Jeu faire jouer à la maniere accoutumée, ainfi qu'il eft à préfent, hormis les choses rayées; leur a fait dé» fenfes, fous peine de prifon & de punition corporelle » de faire jouer autre chofe que ce qui eft, hormis lef» dictes chofes rayées ; & pour l'advenir à ce que lesdicts » Receveurs ou leurs fucceffeurs ne fe mettent en frais >> fruftratoirement, ladicte Cour leur a inhibé & défendu » faire faire aucun cry (*) ni jeu, que premiérement ils » n'aient la permiflion de ce faire de ladite Cour, & à » cette fin baillé quinze jours auparavant leurs Requêtes >> en ladite Cour »>.

Une maladie épidémique qui défolà Paris en 1545 fit fupprimer ce Spectacle. Trois ans après cette époque, la Troupe de l'Hôtel de Bourgogne commença à fe former r; il y eut encore quelques procès entr'eux & le Prince de la fottife, Société qui faifoit partie de celle de la Bazoche; mais enfin en 1612, dans la Requête pré

(*) Avant qu'on fût dans l'ufage d'afficher le titre des Pieces au coin des rues, on faifoit battre le tambour; & lorsqu'un cere tain nombre de gens s'étoit affemblé, un Acteur faifoit l'éloge de la Piece quelquefois c'é oit une petite Piece de vers en forme de ballade, qu'on appelloit le Cri.

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faire ceffer ce ridicule affemblage, du moment où les Confreres préfenterent une Requête pour obtenir une nouvelle permiffion de recommencer leur Spectacle dans la Salle qu'ils venoient de faire conftruire. Ils demandoient dans cette Requête la confirmation de tous les droits & de toutes les prérogatives dont ils avoient joui jufqu'alors. Le Parlement, par Arrêt du 17 Novembre 1548, a les maintint dans le privilege de » jouer feuls des Pieces fur ce nouveau Théâtre, » & fit défenses à tous autres d'en représenter » dans Paris & la Banlieue, autrement que fous » le nom, avec l'aveu & au profit des Confre» res; mais il leur ordonna de ne jouer fur ce » même Théâtre que des Pieces profanes, avec » défenses expresses de représenter les Pieces de » la Passion ou autres mysteres facrés ». L'Arrêt qui contient ces défenses eft conçu en ces termes:

» Du Samedi 17 Novembre 1548: Vu par la » Cour la Requête à elle préfentée de la part » des Doyen, Maîtres & Confreres de la Con» frérie de la Paffion & Réfurrection de Notre » Sauveur J. C., fondée en l'Eglife de la Tri

nité, grande rue Saint-Denis, par laquelle, » attendu que par temps immémorial & par pri»vileges octroyés & confirmés par les Rois de

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