213 2 CHAPITRE TROISIEME. OPÉRA. ✓✓ Es Italiens sont les inventeurs de l'Opéra Le Cardinal Mazarin tenta en 1645 d'introduire ce Spectacle en France; il fit représenter au petit-Bourbon, devant le Roi & la Reine Mere, une Piece Italienne intitulée: la Festa Theatrale de la Finta Pazza. En 1647, il fit venir des Acteurs d'Italie, qui donnerent une autre Piece Italienne en Musique & en trois Actes, intitulée Orfeo è Euridice. Ce Spectacle ne surprit pas moins par sa nouveauté que par la beauté des voix, la variété des concerts, les changemens merveilleux des décorations jeu surprenant des machines & la magnificence des habits. , 1 le Le succès d'Orphée & Euridice fit desirer que l'on travaillât à des Opéra François, mais on manquoit de bons Muficiens & de belles voix ; on croyoit d'ailleurs que les paroles Françoises n'étoient point susceptibles des mêmes mouve mens & des mêmes ornemens que les paroles Italiennes. Cependant Pierre Perrin, successeur de Voiture dans la charge d'Introducteur des Ambasfadeurs auprès de Gaston, Duc d'Orléans frere de Louis XIII, entreprit de surmonter tous les obstacles, & hazarda le premier des paroles Françoises; elles étoient à la vérité fort mauvaises, mais elles réuflirent, étant foutenues par la musique de Cambert, Intendant de la Musique de la Reine. Cette Piece qui étoit une Pastorale en cinq Actes, fut représentée en 1659 à Iffy, pour éviter la foule que cette nouveauté auroit áttirée dans Paris. Quoique cette Pastorale fût sans machines & fans danse (1), elle fut fi universellement : (1) « La conduite des Ballets (dit le P. Ménétrier ) » n'étoit gueres connue en France sur la fin du seizieme >> fiecle & vers le commencement du dix-septieme. Il y >> avoit peu d'esprit en la plupart de ceux qui s'y dan>> foient, & l'on ne prenoit souvent que des sujets ridi>>cules comme les quolibets, les landis, &c. N'ou>> blions pas que c'est à ces amusemens comiques que >> nous devons le courage d'avoir porté sur la Scene nos travers, nos ridicules ou nos défauts de bienféance, à applaudie, que le Cardinal Mazarin en fit donner plusieurs représentations à Vincennes >> la place des ennuyeux romans qui faisoient le fonds de >> nos anciennes Comédies, & que de ce côté là les Bal>> lets plaisans font partie de l'histoire de notre Théatre. >> Aftidamas, célebre Poëte tragique (dit le même >> Auteur), & dont nos Nomenclatures ne font pas men>> tion, vouloit que l'inventeur des Ballets s'attachât fur>> tout à une agréable variété, & qu'il ne retombât pas >> toujours dans les mêmes entrées comme font ceux >> qui introduisent dans tous les Ballets des Forgerons, >> des Ivrognes, des Lutteurs, semblables au Peintre d'Ho>> race qui peignoit par-tout des cyprès, parce qu'il n'a> voit jamais étudié d'autres arbres ». A l'égard de l'origine des Pantomimes, voici celle que leur donne l'Auteur des Ballets anciens & modernes. Eriphanis (dit-il), une faiseuse de vers, aimant paffionnément un Chasseur nommé Menalque qui la méprisoit, composa une chanson dans laquelle elle se plaignoit aux arbres, aux rochers & aux forêts de la dureté du Chafseur; on chanta depuis cette chanson devenue fameuse dans toute la Grece, & en la chantant, on exprimoit la passion & le désespoir d'Eriphanis par des mouvemens qui tenoient beaucoup de la danse. Au pays des Héracliens, ajoute-t-il, un certain Borcus, fils d'un homme riche & puiffant, étant bien fait de sa personne, alla chercher de l'eau pour désaltérer les moissonneurs de fon & disparut foudain, sans qu'on sût ce qu'il étoit devant le Roi & toute la Cour. Le Poëte & le Musicien furent comblés de louanges; ce succès engagea Perrin à composer Ariane, & ensuite Adonis dans le genre tragique. pere, Aux noces du Roi, le Cardinal fit jouer une Piece Italienne sous le titre d'Ercole amante; mais on avoit pris goût aux paroles Françoises, & cet Opéra Italien fut peu suivi. devenu. Ses compatriotes composerent à ce sujet une chanfon lamentable, & on trouve dans Athénée qu'elle se chanțoit avec des gestes & des mouvemens de compaflion & de pitié. L'historien Eunapius donne une autre origine à la danse pantomime: il croit qu'Hieron, Roi de Syracufe & de Sicile, dans la LXXV Olympiade, fit naître dans IItalie ce genre expressif de danses, parce que ce Prince soupçonneux ayant défendu aux Siciliens de se parler, de crainte qu'ils ne confpiraffent contre lui, les accoutuma infenfiblement à se faire entendre par des gestes, les uns aux autres, ce qu'il ne leur étoit pas permis de fe dire : c'est delà (dit-on) que les Siciliens passent pour les meilleurs Pantomimes de l'Italie. Le même historien Eu. napius dit à cet égard que l'ame danfoit dans les yeux, parce qu'ils exprimoient toutes les passions. Mais personne n'a donné de la pantomime une définition plus complette que Sidonius Apollinaris, lorsqu'il dit, claufis faucibus, & loquente geftu, nutu, crure, genu, manu, rotatu, toto in Schemate, vel femel larcbit. Dans ce temps-là le Marquis de Sourdeac fit connoître son génie pour les machines par celles de la Toison d'or. Cette Piece fut d'abord représentée dans son château de Neubourg en Normandie, en 1660; ensuite il l'abandonna aux Comédiens du Marais. Le Roi & toute la Cour vinrent la voir, & en furent très-fatisfaits. Perrin faisoit faire alors les répétitions de son Ariane, & il alloit la donner au Public, lorsque la mort du Cardinal Mazarin vint suspendre les progrès de l'Opéra naissant. , Huit ans après, Perrin qui n'avoit point abandonné son entreprise, obtint des Lettres-patentes, « portant permission d'établir dans la >> ville de Paris, & autres du Royaume, des >> Académies de Musique pour chanter en >> public des Pieces de Théâtre, comme il se >> pratique en Italie, en Allemagne & en An>> gleterre, pendant l'espace de douze années, >> avec liberté de prendre du Public telles fom>> mes qu'il aviseroit, & détenses à toutes per> sonnes de faire chanter de pareils Opéra ou >> Représentations en Musique & en Vers Fran. >> çois sans son consentement ». Par ces Lettres datées du 28 Juin 1669, il est dit que ces Opéra & représentations étant 1 |