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des peres le demandaffent & le vouluffent. Le pape enjoignit de même à fes légats, que si la chofe ärrivoit, ils propofaffent la ville de Lucques, comme hors des états de l'églife, & affectionnée à l'empereur, enforte qu'on ôteroit par-là tout foupçon. Il leur ordonnoit encore de ne rien décider fans avoir pris auparavant l'avis de ce prince, & leur marquoit qu'il fouhaitoit fort qu'avant qu'on changeât de ville pour le concile, on établît le décret de la juftification, & celui de la résidence des évêques, afin que les peres ne fuffent pas oififs. Que cependant les légats devoient moins penfer à exécuter ce qu'ils fouhaitoient, qu'à examiner ce qui fe pouvoit faire.

AN. 1546*

Le cardinal Farnese qui n'étoit pas encore partide Trente lorfque ces ordres du pape arriverent, les fit voir aux prélats Impériaux, qui en furent très-émus ; ils s'y oppoferent fortement, & obtinrent enfin qu'on ne prendroit aucunes mesures fur la tranflation, jufqu'à ce qu'on eût reçu de nouveaux ordres du pape.Le légat Marcel Cervin mettoit cependant tout en œuvre, pour perfuader à Farnefe de ne point fe défifter & de poursuivre vivement fon entreprise ; il lui répréfenta la fituation fâcheufe dans laquelle ils étoient tous exposez, prêts à fe voir emmenez captifs, si les armes des Proteftans avoient l'avantage; que de cette tranflation dépendoit la dignité du siege apostolique, la sûreté des évêques, la liberté ou la diffolution du concile ; que fi les armes de l'empereur avoient un heureux fuccès, & qu'il y eût quelque efperance de faire accepter les décifions du concile aux

AN. 1546.

LXVI.

Le cardinal Far

la tranflation.

cap. 8. n. 4.

litteris legatorum

peuples qui s'étoient féparez de l'églife; alors les peres pourroient retourner à Trente avec bienLéance, & même avec avantage, fans que leur perfonne courût aucun danger. Farnese écouta ces raisons, & partit de Trente.

Les affaires ainfi difpofées, les légats tinrent nefe empêche les une congrégation générale le douziéme du mois légats de propofer d'Août dans le deffein de recueillir les fuffrages, Pallav. ubi fup. pour sçavoir fi la translation feroit approuvée des In diario Maffa peres, & quelle ville on choifiroit; en forte que reli 12. Aug. ex fi le pape réïteroit les ordres, on fût tout prêt à eadem die ad card. partir. Mais les légats aïant reçu des lettres du cardinal Farnefe,qui leur mandoit de differer & de ne point traiter de cette affaire jufqu'à ce qu'on eût. reçu la réponse du pape, on ne délibera pas fur ce fujet. Les ménagemens qu'il étoit à propos d'avoir pour l'empereur, avoient porté Farnese à écrire ainfi, fur-tout depuis que ce prince lui eut. fait fçavoir fes intentions.

fanita Flora.

LXVII. Combien l'em

fé à la tranflation

du concile.

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L'empereur avoir répondu en effet à Jerôme de pereur étoit oppo- Corregio qui lui avoit été envoïé par le cardinalFarnele, qu'il fouhaitoit que le concile continuât, Pallav. ibid. n. & qu'on n'y fift aucune nouvelle entreprife, & que: In litteris Veralli quand il parloit ainfi c'étoit moins fes interêts qu'il ad legatos ultima avoit à cœur, que la gloire de Dieu & l'heureux Ejufd. ad Sfor- fuccès de cette affaire; puifqu'il étoit vrai, que Augufti, & ad le le concile venoit à fe diffoudre ou à être transferé, În diar, conc. Trid. rien ne le pourroit plus empêcher de s'accorder: MS. Archiv. va avec les Proteftans & de fe procurer une paix qui: Raynald.hoc an. n. le délivreroit de bien des foins. Et comme Far

Julii.

tiam 3. 6. & 8.

gatos 6. Aug..

tic. p. 163. apud

327.

f

nese avoit fait auffi informer l'empereur par Cor-regio de la difpute qui s'étoit élevée entre les car

dinaux dans la congrégation du vingt-neuviéme de Juillet, & qu'il lui avoit fait proposer de retirer Madrucce de Trente fous quelque prétexte ; ce prince avoit ajouté qu'il étoit à propos que ce cardinal demeurât à Trente dans les conjonctures préfentes, où il falloit traiter avec Farnese des avantages & du progrès du concile, & prendre des mesures certaines afin de pourvoir à fa fûreté: qu'enfuite il examineroit s'il étoit à propos ou non, que ce cardinal quittât fa ville epifcopale. Ce fut donc cette déclaration de l'empereur qui obligea Farnese à mander aux légats de ne rien propofer dans la congrégation jufqu'à ce qu'on eût appris la volonté du pape. Le nonce Veralle écrivit la même chose, qui fut confirmée par l'ambassadeur Mendoza. Il mandoit que l'empereur étoit tellement contraire à la tranflation du concile, qu'il ménaçoit de fon indignation tous ceux qui oferoient en parler, & qu'il étoit particulie Fement irrité contre le légat Cervin qu'il regardoit comme l'auteur de ce deffein.

Malgré ces plaintes & ces menaces de l'empereur, & fans fe mettre en peine des troubles que la translation du concile exciteroit parmi les Allemands & les Espagnols, les légats perfifterent dans leur deffein, efperant que le pape les y autoriferoit.. Ils tinrent une congrégation le treiziéme du mois d'Août, dans laquelle le cardinal de Monté exhorta les peres à ne point quitter Trente, & à ne tien craindre, d'autant plus que l'empereur remportoit beaucoup d'avantages fur les ennemis.. L'évêque de faint Marc appuïa le fentiment dus

Mm iij,

AN. 1546.

légat par un long difcours. On n'osa cependant

AN. 1546. preffer le pape à entreprendre une affaire d'une fi difficile exécution, & qui ne pouvoit manquer de caufer bien des troubles. Les légats fe contenterent de la fouhaiter & de l'approuver tacitement, en demandant seulement au pape qu'il eût la bonté de recevoir leur démiffion, en les laiffant partir de Trente, & mettant en leur place d'autres légats qui fuffent moins fufpects & moins odieux àl'empereur. Cette affaire n'alla pas plus loin alors, & l'on ne penfa plus qu'à reprendre l'examen des questions de foi.

LXVIII. On reprend l'é

tions de foi.

L'on tint donc une congrégation le vingtiéme zanien des quel d'Août, dans laquelle on reprit les articles de la juftification ; & l'on examina de nouveau la minute des canons dreffez pour la condamnation des vingt-cinq propofitions rapportées ci deffus. On propofa de choisir des peres pour former les anathêmes fur ces vingt-cinq articles qu'on croïoit avoir été fuffifamment examinez. Trois évêques & trois généraux furent nommez pour y travailler fous la direction de Marcel Cervin. Mais lorsque la minute de ces canens fut mife à l'examen des congrégations, les mêmes difputes recommencerent auffi-tôt fur la certitude de la grace, fur les œuvres morales des infideles & des pécheurs, sur le mérite congru, l'imputation, la difference de la grace & de la charité, & même avec plus de chaleur qu'auparavant. Le légat qui vouloit qu'on examinât ces matieres à fond, preffoit fort les évêques à ne laiffer rien passer, en forte que la feule dispute de la certitude de la grace dura plufieurs

jours, & partagea les prélats & les théologiens. Marcel Cervin voulut finir la difpute, en difant qu'il falloit se donner le temps de penfer à ce qui avoit été agité pour en mieux juger, & fit trouver bon qu'on traitât des œuvres préparatoires & de l'observation de la loi : ce qui fit que plufieurs entrerent dans la question du libre arbitre.

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AN. 1546.

Articles touchant

Pallav. ubi fuprà

hift. du concile de

Trente liv, 2. pag

190.

On nomma des prélats & des Théologiens pour LXIX. faire des extraits des livres des Luthériens, & en la liberté, tirez des tirer les articles qui paroîtroient digne de cenfure. livres de Luther. On les réduifit au nombre de fix. 1. Dieu eft la cau- lib. 8. cap. 13. fe totale de nos œuvres bonnes & mauvaises. La Fra-Paolo Sarpi vocation de S. Paul n'eft pas plus l'œuvre de Dieu, que l'adultere de David & la trahifon de Judas. 2. Perfonne n'eft maître de fes penfées en bien ou en mal ; & tout dépend d'une néceffité absoluë; en forte qu'il n'y a point de libre arbitre en nous fi ce n'eft par fiction. 3. Le libre arbitre eft perdu par le péché d'Adam, & n'eft que le nom d'une chofe qui n'existe point; & quand l'homme fait ́ce qu'il peut, il péche mortellement. 4. Le libre arbitre n'eft que pour le mal, ne pouvant faire le bien. 5. C'eft un inftrument inanimé qui ne coopere à rien. 6. Dieu ne convertit que ceux qu'il lui plaît, & les convertit quoiqu'ils ne le veuillent pas, & qu'ils le roidiffent contre lui. On proceda à l'examen de ces articles.

Les deux premiers furent unanimement condamnez comme autant de blafphêmes contre Dieu, foutenus autrefois par les Manichéens, les Prifcillianiftes & Viclef. Mais le troifiéme article

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