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nocemment avec eux ; qu'il eft doux pour les maîtres, & même caressant, fur tout dans le premier âge; & que fi fa férocité naturelle reparoît quelquefois, il la tourne rarement contre ceux qui lui ont fait du bien. Comme fes mouvemens font très impétueux, & les appétits très véhémens, on ne doit pas préfumer que les impreffions de l'éducation puiffent toujours les balancer, auffi y auroit-il du danger à lui laiffer trop long-tems fouffrir la faim, ou à le contrarier en le tourmentant hors de propos; non-feulement il s'irrite contre les mauvais traitemens, mais il en garde le fouvenir, & paroît en méditer la vengeance, comme il conferve auffi la mémoire & la reconnoiffance des bienfaits. On peut conclure de différens faits, que fa colere eft noble, fon courage magnanime, fon naturel fenfible. On l'a vu fouvent pardonner à de petits ennemis des libertés offenfantes donner quelquefois la vie à ceux qu'on avoit dévoués à la mort, en les lui jettant pour proie; & comme s'il fe fût attaché par cet acte généreux, leur continuer enfuite la même protection, vivre tranquillement avec eux, leur faire part de fa fubfiftance, fe la laiffer même quelquefois enlever toute entiere, & fouffrir plutôt la faim, que de perdre le fruit de fon premier bienfait.

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On pourroit dire auffi que le Lion n'eft pas cruel, puifqu'il ne l'eft que par néceffité ; qu'il ne détruit qu'autant qu'il confomme; & que dès qu'il eft repu, il est en pleine paix; tandis que le Tigre, le Loup, & tant d'autres animaux d'efpece inférieure, tels que le Renard, la Fouine, le Putois, le Furet, &c. donnent la mort pour le feul plaifir de la donner; & que dans leurs maffacres nombreux, ils femblent plutôt vouloir affouvir leur rage que leur faim.

Quoique le Lion ne fe trouve que dans les climats les plus chauds, il peut cependant fubfifter & vivre affez long-tems dans les pays tempérés ; peut être même avec beaucoup de foin pourroit-il y multiplier : on en a vu naître dans la Ménagerie de Florence & à Naples, mais ces faits font très rares. Les Anciens & les Modernes conviennent que les Lions nouveaux nés font fort petits, de la grandeur à-peu-près d'une belette, c'eft-à-dire, de fix ou fept pouces de longueur; ils difent auffi que les

Lionceaux ne font en état de marcher que deux mois après leur naiffance. Sans donner une entiere confiance au rapport de ces faits, dit M. de Buffon, on peut préfumer, avec affez de vraisemblance, que le Lion, attendu la grandeur de fa taille, eft au moins trois ou quatre ans à croître, & qu'il doit vivre environ sept fois trois ou quatre ans, c'est-à-dire, à peu près vingt cinq ans. On en a gardé quelques uns au Combat du Taureau pendant feize ou dix-fept ans.

L'infpection des parties du Lion mâle & leur direction prouve qu'il s'accouple, comme les autres quadrupedes, & non pas à reculons, comme l'avoient répété plufieurs Naturaliftes d'après Ariftote. C'eft auffi mal à propos que ce Philofophe a prétendu que le col de cet animal ne contient qu'un feul os inflexible,& fans divifion de vertebres; ce fait a été démenti par l'expérience, qui même nous a donné fur cela, dit M. de Buffon, un fait très général, c'eft que dans tous les quadrupedes, fans en excepter aucun, & même dans l'homme, le col eft compofé de fept vertebres ni plus ni moins; & ces mêmes fept vertebres se trouvent dans le col du Lion, comme dans celui de tous les autres quadrupedes. Un autre fait général, c'eft que les animaux carnaffiers ont le col beaucoup plus court que les animaux frugivores, & fur-tout que les animaux ruminans. Mais cette différence de longueur dans le col des quadrupedes, ne dépend que de la grandeur de chaque vertebre, & non pas de leur nombre qui eft toujours le même. A l'égard de la folidité des os du Lion, qu'Ariftote dit être fans moëlle & fans cavité, de leur dureté qu'il compare à celle du caillou, de leur propriété de faire feu par le frottement, c'eft une erreur. Les Lions font très ardens en amour: lorfque la femelle eft en chaleur, elle eft quelquefois fuivie de huit ou dix mâles, qui ne ceffent de rugir autour d'elle, de fe livrer des combats furieux, jufqu'à ce que l'un d'entre eux, vainqueur de tous les autres, en demeure paifible poffeffeur, & s'éloigne avec elle. La Lionne met bas au printems, & ne produit qu'une fois tous les ans; & quoiqu'elle n'ait que deux mamelles, elle ne laiffe pas d'avoir quelquefois quatre petits & même fix. Dans ces animaux, toutes les paffions, même les plus

&

à

douces, font exceffives, & l'amour maternel eft extrême La Lionne, naturellement moins forte, moins courageufe, & plus tranquille que le Lion, devient terrible dès qu'elle a des petits: elle ne connoît point le danger; elle fe jette indifféremment fur les hommes & fur les animaux qu'elle rencontre; elle les met mort; elle fe charge enfuite de fa proie, la porte & la partage à fes Lionceaux, auxquels elle apprend de bonne heure à fucer le fang & à déchirer la chair. D'ordinaire elle met bas dans des lieux très écartés & de difficile accès; & lorfqu'elle craint d'être découverte, elle cache fes traces, en retournant plufieurs fois fur fes pas, ou bien, elle les efface avec fa queue; quelquefois même, lorfque l'inquiétude eft grande, elle tranfporte ailleurs fes petits; & quand on veut les lui enlever, elle devient furieufe, & les défend jufqu'à la derniere extrémité.

On croit que le Lion n'a pas l'odorat auffi parfait, ni les yeux auffi bons que la plupart des animaux de proie. On a remarqué que la grande lumiere du foleil paroît l'incommoder, qu'il marche rarement dans le milieu du jour, que c'eft pendant la nuit qu'il fait toutes les courfes, que quand il voit des feux allumés autour des troupeaux il n'en approche guere, &c. On a obfervé qu'il n'évente pas de loin les autres animaux, qu'il ne les chaffe qu'à vue & non pas en les fuivant à la pifte, comme font les chiens & les loups dont l'odorat eft plus fin.

Comme tous les animaux fuient à la présence du Lion, il cft fouvent obligé de fe cacher & de les attendre au paffage; il fe tapit, fur le ventre dans un endroit fourré d'où il s'élance avec tant de force, qu'il les faifit fouvent du premier bond. Dans les deferts & les forêts, fa nourriture la plus ordinaire font les gazelles & les finges quoiqu'il ne prenne ceux ci que lorfqu'ils font à terre car il ne grimpe pas fur les arbres. If mange beaucoup à la fois & fe remplit pour deux ou trois jours, il a les dents difpofées comme celles du chien, mais elles font fi fortes qu'il brife aifément les os, & il les avale avec la chair. On prétend qu'il fupporte long tems la faim. Comme fon tempérament eft exceffivement chaud, il fupporte moins patiemment la foif, & boit toutes les

fois qu'il peut trouver de l'eau ; il prend l'eau en lap-. pant comme un chien, mais au lieu que la langue du chien le courbe en deffus pour lapper, celle du Lion fe courbe en deffous. Il lui faut environ quinze livres de chair crue par jour. Quoique cet animal ne fe nourriffe que de chair fraîche; car il ne retourne guere chercher les refte de fa premiere proie, son haleine est très forte & fon urine infupportable.

Le rugiffement du Lion eft fi fort, que quand il fe fair entendre, par échos, la nuit dans les deferts, il reffemble au bruit du tornerre ; ce rugiffement eft la voix ordinaire, car quand il eft en colere il a un autre cri, qui eft court & réitéré fubitement ; au lieu que le rugiffement eft un cri prolongé, une efpece de grondement d'un ton grave, mêlé d'un frémissement plus aigu; il rugit cinq ou fix fois par jour, & plus fouvent lorfqu'il doit tomber de la pluie. Le cri qu'il fait lorfqu'il eft en colere, eft encore plus terrible que le rugiffement; alors il fe bat les flancs de fa queue, il en bat la terre, il agite fa criniere, fait mouvoir la peau de fa face, montre des dents menaçantes, & tire fa langue, qui, comme nous l'avons dit, eft armée de pointes très dures. Il est beaucoup plus fort par la tête, les machoires & les jambes de devant, que par les parties poftérieures du corps: il voit la nuit comme les chats : il ne dort pas long-tems & s'éveille aifèment; mais c'est mal à propos qu'on a prétendu qu'il dormoit les yeux ou

verts.

La démarche du Lion eft fiere, grave, lente, quoique toujours oblique; fa courfe ne fe fait pas par des mouvemens égaux, mais par fauts & par bonds, & fes mouvemens font fi brufques qu'il ne peut s'arrêter à l'inftant, & qu'il paffe prefque toujours fon but. Lorfqu'il faute fur fa proie, il fait un bond de douze ou quinze pieds, tombe deffus, la faifit avec les pattes de devant qui font larges, grandes, divifées en cinq doigts, & garnies de fortes griffes aiguës & tranchantes: les pieds de derriere n'ont que quatre doigts : il déchire fa proie avec les ongles de devant, & enfuite il la dévore avec les dents. On prétend que fa falive, introduite dans la chair par fa morfure, produit prefque les mê

mes fymptômes que la morfure du chien enragé: elle caufe des convulfions, & le plus fouvent fait mourir. Tant qu'il eft jeune, & qu'il a de la légereté, il vit du produit de fa chaffe & quitte rarement les déferts & les forêts; mais lorsqu'il devient vieux & pefant, il s'approche des lieux fréquentés & devient plus dangereux pour l'homme & pour les animaux domestiques; feulement on a remarqué que lorfqu'il voit des hommes & des animaux ensemble, c'est toujours fur les animaux qu'il fe jette & jamais fur les hommes, à moins qu'ils ne le frappent, car alors il reconnoît à merveille celui qui vient de l'offenfer, & il quitte fa proie pour fe venger. On prétend qu'il préfere la chair du chameau à celle de tous les autres animaux, il aime auffi celle des jeunes éléphans; ils ne peuvent lui réfifter lorfque leurs défenfes n'ont pas encore pouffé, & il en vient aisément à bout, à moins que la mere n'arrive à leurs fecours. L'éléphant, le Rhinoceros, le tigre & l'hippopotame, font les feuls animaux qui puiffent réfifter au Lion. On s'est fauffement imaginé, fur tout en France, que le chant du coq épouvante le Lion : l'on a plus d'une expérience que cet animal a ravagé des poulaillers fans que le chant des coqs ni les cris des poules aient fait la moindre impreffion fur lui. Il n'en fait pas de même à l'égard des ferpens; l'on eft convaincu par des experiences réitérées qu'il les craint extremement, & c'est pour cela que quand les Maures rencontrent quelque Lion, & qu'ils font hors d'état de se sauver de les griffes, ils défont promptement la bande de toile qui compofe leur turban, & l'agitent devant eux de maniere qu'elle imite les mouvemens d'un ferpent: le Lion ne l'a pas plutôt apperçue, que fans examiner la vérité ou la fauffeté de cette repréfentation, il quitte la partie, fe retire, & les laiffe aller en paix.

Quelque terrible que foit cet animal, on ne laisse pas de lui donner la chaffe avec des chiens de taille & bien appuyés par des hommes à cheval; on le déloge; on le fait retirer: mais il faut que les chiens & même que les chevaux foient aguerris auparavant, car prefque tous les animaux frémiffent & s'enfuient à la feule odeur dų Lion. On ne le tue prefque jamais d'un

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