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CXV.

avec fes

, troupes.

Chalcond.

Maurice électeur de Saxe après avoir fait fa paix avec l'empereur, s'étoit rendu à Donavert AN.1552. avec fes troupes, qu'il fit embarquer fur le Da- Maurice nube le vingt-troifiéme d'Août pour fe rendre électeur de en Hongrie, & fa cavalerie le fuivit par terre. Il saxe fe alla promptement dans fon païs pour mettre or- rend en dre à quelques affaires; & en étant parti bien- Hongrie tôt après avec feize mille hommes d'infanterie & cinq mille de cavalerie, pour venir joindre De Thou, l'armée de Ferdinand en Hongrie, le bruit couib:d. ut fup. rut auffi-tôt qu'il avoit deffein d'affiéger Gran. b. des C'est pourquoi bien que le bacha de Bude ne fut Turcs,l. 14. pas fi fort que lui, il ne laiffa pas de s'opposer àpag. 605. fa marche, & dans le même tems Machmet se prépara au fiége d'Agria, avec toute l'armée, qui confiftoit en foixante & dix mille hommes. Cette place que les Allemands nomment Eger & les Hongrois Erlaw, eft dans la haute Hongrie, fur une riviere du même nom, à trois lieues dè celle de la Teiffe, dans le comté de Barzod, avec le fiége d'un évêque, fuffragant de Strigonie. Elle n'eft forte ni par la nature ni par l'art, elle a une citadelle environnée d'une ancienne muraille, avec quelques tours d'efpace en espace; mais il n'y a point de bastions, & elle a d'un côté une colline qui la commande d'affez près. Il y avoit alors dans cette ville deux mille Hongrois, & foixante Gentilshommes de la premiere nobleffe du païs, qui y avoient fait venir leurs femmes & leurs enfans, avec tous leurs meubles, & avoient tous fait ferment de fouffrir plûtôt les plus fâcheufes extrémitez, que de rendre la place, & de compofer avec un ennemi infidéle.

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CXVI.

Les Turcs

Lorfque Machmet les fit fommer par un trompette de fe rendre, ils ne répondirent que par fe prepades fignes, & firent mettre fur les crénaux des rent au fie murailles un cercueil, pour fignifier au trompet-ge d'Agria. te qu'ils étoient réfolus de mourir dans la défense tion de Chal

de

Continua

con t. hift.

hift. L. 10.

de leur ville. Ainfi les Infidéles placerent du côAN.1552 té de la grande églife vingt-cinq pieces de canon, des Turcs, autant du côté de la colline, battirent la place en cette an- quarante jours fans difcontinuer, & donnerent née. même jufqu'à trois affauts en un jour, où ils perDe Thou, dirent huit mille hommes. Toutes ces attaques Sambuc. in loin de diminuer le courage des habitans, voïant append. ad une partie de leurs murailles abbatues, & quelBonfin. Natalis ques-unes de leurs tours, firent en dedans un re1.5.& 6. tranchement profond, & fe défendirent fi genehanff. I. reufement, que Machmet irrité de leur opiniâtreté, fit de tous côtez attaquer la ville par efcalade, mais plus il faifoit d'efforts, plus le courage & la valeur des affiégez augmentoit : les femmes mêmes imiterent la valeur des hommes, & firent comme eux des actions qu'on n'auroit pas crû devoir attendre de la foibleffe de leur fexe.

17. 18.

CXVII. Les Turcs

font con

Chalcond.

Ces Infidéles étonnez d'une résistance si extraordinaire, & affoiblis d'ailleurs confiderablement par les maladies dangereufes qui affligeoient leur armée, leverent le fiége le dix-huitiéme d'Octobre. Achmet s'en alla à Bude, & Machmet à Belgrade: ceux d'Agria les voïant décamtraints de per, fe tinrent fur leurs gardes, craignant que lever le fie- ce ne fût quelque ftratagême; mais voïant que ge d'Agria., "la levée du fiége étoit réelle, ils fortirent au nomibid. 1. 611.bre d'environ mille hommes, qui vinrent fondre fur ceux de l'arriere-garde, qui fe tenoient moins ferrez, & fur lefquels ils firent un très-riche butin. Cependant les grands du roïaume de Hongrie croïant qu'il leur étoit plus avantageux d'avoir la paix avec Soliman, ils en écrivirent à Ferdinand, & lui demanderent la permiffion de la négocier. Ferdinand y confentit, & nomma pour fes plenipotentiaires Antoine Verance évêque d'Agria, & François Zaïe, gouverneur de la flotte du Danube, homme très-fçavant dans les langues, & fort experimenté. Les Hongrois efpe

roient d'y réüffir par l'entremise du Chiaoux AN.1552.

Ferdinand

De Thon,

Hali, qui étoit venu fous les ordres de Soliman dans la Valachie Tranfalpine, pour accommoder cxXVIII. le Vaivode de Transylvanie avec les peuples re- Paix entre belles. On propofa donc les mêmes conditions Soliman & que le roi Jean avoit reçûës, & le même tribut roi de Honqu'il païoit: mais afin d'en pouvoir obtenir de grie. plus honnêtes, Ferdinand ajoûta, que Vefprim, Chalcond. Dregels, Bujach, Lippe, Temeswar & Zolnichibid. p. 630. feroient rendues. La tréve fut conclue à ces con- ut fup.l. 10. ditions entre Soliman & le roi des Romains ; mais Ferdinand ni Caftaldo ne furent point nommez dans ce traité, croïant que cela ne convenoit pas à leur dignité. En confequence de cette tréve, l'ambaffadeur du Sultan fit relâcher & mettre en liberté plufieurs prifonniers de guerre, qui auparavant n'avoient pû être délivrez par argent, ou par échange d'autres qui étoient en la puiffance de Ferdinand.

Toutes ces révolutions verifioient la prédiction qu'on avoit faite que la mort tragique du cardi nal Martinufius, ne cauferoit que de nouveaux troubles dans le roïaume. Cependant le pape voulut que le procés intenté au fujet du meurtre de ce cardinal fût terminé. Jules III. juftement irrité, affembla fon confiftoire, où l'on examina à fond cette affaire; & quoiqu'il fût dans les interêts de la maifon d'Autriche, cet attentat lui parut fi noir, que rien. ne fut capable de calmer fon indignation. Il fit d'abord citer Ferdinand à Rome pour venir fe juftifier. Les ambaffadeurs de ce prince, & ceux de l'empereur fon frere, emploïerent envain leurs preffantes follicitations. Le pape leur répondit:,, Si Martinufius étoit un fi mé,, chant homme, pourquoi me l'avoir propofé ,, pour être cardinal? Pourquoi avoir follicité fi nié par le fortement le facré college en fa faveur, comme pape fur le ,, un homme d'un merite éminent, d'un coura- meurtre de Tome XXX.

R

"ge

CXIX. Ferdinand

excommu

fius.

De Thou,

AN.1552." ge magnanime, d'une probité à l'épreuve, dont les fervices étoient néceffaires à la chrétienté? Martinu Et il n'eut aucun égard à leurs instances; mais après qu'on eut obfervé toutes les formalitez jurihift. 1. 10. diques que requeroit cette affaire, il fulmina exRaynald. communication majeure contre Ferdinand, & ad hunc ann.contre les auteurs, fauteurs & miniftres de cet 23.45. * affaffinat. La bulle eft dattée du mois d'Avril. Le pape la fit dreffer pour être affichée & publiée chez tous les peuples Chrétiens.

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Charles V. vivement touché de cette fentence, redoubla plus fortement fes follicitations pour arrêter au moins les fuites de cette excommunication. Caftaldo fur qui cet anathême tomboit plus particulierement encore, comme le principal auteur de la mort violente du cardinal, en fut plus aigri que touché, & aïant écrit fur ce fujet le vingt-deuxième de Juillet à Afcagne Centorio, il fe plaint dans ces lettres, qu'après avoir tous les jours expose, sa vie à mille dangers en combattant contre les Turcs pour le falut de la religion, & mis en fuite par fa valeur ces infidéles, les Moldaves & les Tartares, le pape le charge & l'accable de cenfures, comme s'il étoit un malfaiteur, & fe déchaînant enfuite contre la memoire du cardinal, il l'appelle un cerbere infidéle plûtôt qu'un Chrétien, qui avoit appellé cxx. les Turcs en Hongrie. Cependant l'empereur obL'empe--tint par fon credit & par la crainte de fon reffenreur ob- timent une fufpenfion de la publication du jugefufpenfion ment rendu à Rome, jufqu'à une plus ample juge-information quoique Ferdinand pour ne pas irment ren-riter le pape, fe regardât comme excommunié, du à Ro- & fe difpensât d'entrer dans l'églife, & de par. Raynald. ticiper aux facremens; mais cet interdit ne duloco cit. n. 5.ra pas long-tems. L'affaire fut remife à quatre cardinaux, qui furent chargez de l'examiner avec attention, & de faire informer de nouveau contre les coupables

tient une

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Ces

AN.1552.

Le pape

Martinu

Ces cardinaux accepterent la commiffion, & tâcherent de s'en acquitter de maniere à ne pas CXXI. irriter la maison d'Autriche qu'ils vouloient ménager. L'expedient qui leur parut plus propre ordonne pour y réüffir, fut d'envoïer fur les lieux des que les commiffaires pour informer du fait, & entendre biens de les témoins. Cependant comme on foupçonnoit Gus feront que le cardinal avoit été tué plûtôt parce qu'on remis à la vouloit avoir fon bien, que pour aucune trahi- chambre fon, & que d'ailleurs il n'avoit point fait de tefta- apoftoliment, fa fainteté ordonna que les trefors du dé- que. funt, qui montoient, disoit-on, à plus d'un million, feroient appliquez au fifc du pape, juf qu'à ce que le procés fût jugé. Mais Ferdinand aïant fait remontrer au pape que tous ces tréfors s'étant trouvez beaucoup moindres qu'on ne l'avoit publié, une partie avoit été diffipée, & l'autre avoit été emploïée pour quelques mois de paie à l'armée qu'on entretenoit contre les infidéles; le pape ne voulut pas infifter davantage.

Commif

voiez à

Les commiffaires envoiez en Aûtriche furent CXXII. magnifiquement reçûs à Vienne par Ferdinand, & par Maximilien fon fils. Et quoique Jules III faires eneût reçû du grand-vicaire de Weiffembourg & Vienne, d'autres, des témoignages pofitifs que Martinu- gagnez par fius n'avoit été affaffiné que par l'ambition & l'a- prefens & varice de la maifon d'Aûtriche, & qu'on ne poupromeffes, voit rien reprocher au défunt; on ne laiffa pas que d'en forger de contraires à Vienne, par la connivence des commiffaires gagnez par préfens & par promeffes. Caftaldo produifit deux témoins fubornez, Emeric & Adam, qui avoient été fecretaires du cardinal; on les interrogea à part fur ce qui concernoit leur maître, & leurs dépofitions furent fi differentes, & même fi contraires qu'elles ne fervirent qu'à justifier la probité de ce grand homme, & la malignité de ses ennemis. Ce fut le jugement que Rome en porta: mais

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