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AN.1552.

lui. Tous les grands vinrent enfuite lui rendre les premiers honneurs, avec les ceremonies qui étoient en ufage; & l'on dit même qu'un jeune enfant de fept ans qui avoit beaucoup d'efprit, lui fit un discours très-poli, & l'entretint enfuite de chofes ferieufes, bien au-deffus de la capacité de fon âge. Comme le pere en abordant le roi, voulut fe profterner fuivant la coûtume, ce prince le prit auffi-tôt par la main pour le relever, & après l'avoir falué de trois inclinations de tête, le fit affeoir auprès de lui fur un fiége pareil au fien. Les Bonzes mortifiez de cette reception, emploïerent tous leurs efforts pour traverfer le Saint, mais il les confondit en prefence du roi, qui prit fon parti, & les reduifit au filence. Après cette ceremonie, ce prince invita le Saint à dîner, mais il s'excufa, lui fit une profonde reverence, & le pria de lui donner fon congé; ce qu'il lui accorda, en le priant toutefois de le venir bientôt voir pour lui enfeigner la religion chrétienne. Le Saint demeura dans la ville roïale quarantefix jours, travaillant à l'instruction & au falut des Ses trahabitans, non fans avoir beaucoup à fouffrir de ftoliques la part des Bonzes, avec lefquels il entra fouvent dans la ville en difpute, & toûjours à fon avantage. Il en con- de Bungo. vertit à la foi catholique un fort diftingué entre ibid. c. 12. Turfelin. les Japonnois nommé Saquaygiran, illuftre par Orlandin. fa doctrine & par la nobleffe de fa naiffance : &us fup.1. 11. il l'engagea à faire à Dieu un aveu public des éga- n. 120. remens dans lefquels il avoit vêcu, & à deman-feq.&.1, der pardon au peuple qu'il avoit féduit. Les autres Bonzes outrez de colere áttenterent à la vie du Saint, ménacerent le peuple de la vengeance de leurs dieux, & en vinrent jufqu'à cette extre mité, que de faire fermer les portes de tous leurs temples dans la ville, d'excommunier leurs citoïens, & de les priver de la participation de leurs facrifices. Mais Xavier méprifa leurs embû

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ches

CXXX.

vaux apo

n.gl.

ches, ne fit aucun cas de leurs vaines ménacés, AN.1552. & même confondit le plus fçavant d'entre eux nommé Firarandono, dans une difpute fur la religion en prefence du roi, ce qui ne servit qu'à affermir ce prince dans les bonnes difpofitions où il étoit déja par les inftructions du pere en fayeur de la foi catholique, & à le rendre favorable aux Chrétiens, fans toutefois fe déclarer ouvertement pour le chriftianifme, peut-être par l'apprehenfion qu'il avoit de fes Bonzes, qui étoient devenus furieux.

CXXXI.

Xavier voïant qu'il faifoit peu de fruit dans Il retour- ce païs, prit congé du roi, qui lui renouvella tõus

ne aux In

des dans le

deffein

Chine.

Turfelin.

6.2.

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les fentimens d'eftime & de confideration dont il étoit capable, & qui lui donna beaucoup de d'aller à la marques de fon amitié. Ainfi après avoir féjourné près de deux ans & demi dans le Japon, il ut fup. 1. 5. conçut le deffein d'aller dans la Chine: mais aïant fçû que felon les anciennes loix du païs, aucun Raynaldas étranger ne pouvoit y entrer fans expofer fa vie, hoc ann. n. 'à l'exception des ambaffadeurs, après avoir longOrlandin. tems déliberé fur cette défenfe, il jugea que le in bift. fociet. meilleur expedient pour lui, étoit de retourner L 12. n. 84. dans les Indes, & d'engager le viceroi & l'évêque

19.

de Goa à dépêcher au roi de la Chine un ambaffadeur, dont il feroit le compagnon, afin que par ce moïen il pût annoncer l'évangile à tant de peuples enfevelis dans les tenebres. Il s'embarqua fur la fin de 1551. & aborda à Cochin le vingtquatriéme de Janvier 1552. où il fit quitter le Mahometisme au jeune roi des Maldives. A peine fut-il arrivé à Goa, qu'il follicita le viceroi & l'évêque à envoïer un ambaffadeur à la Chine: ce qui lui fut accordé; & l'on jetta les yeux fur Jacques Pereira, tant à caufe de fa rare pieté, que par rapport à l'étroite liaison qui étoit entre lui Vide hanc & le Saint. Sa liberalité animée du zéle de la reli epiftol. apud Raynald. gion, & de l'avancement du falut des ames,

boc ann. n. 60%

fur

furpafla l'attente des hommes, & ne trompa point François Xavier; car il prit l'affaire telle AN1552. ment à cœur, qu'il emploïa la meilleure partie de fon bien aux frais du voïage & aux prefens neceffaires ; & le pere en moins d'un mois obtint fes dépêches, avec les lettres patentes & les prefens du viceroi & de l'évêque, en recommandant l'affaire à D. Alvaro Thadayde gouverneur de Malaca. Le Saint en écrivit au roi de Portugal, pour lui faire approuver ce voïage; & après avoir donné quelques ordres pour le gouvernement des maifons de la compagnie dans les Indes, & la conduite des miffions, il partit de Goa le quinziéme d'Avril 1552. & se mit en mer pour la Chine.

trouve à

ibid. l. 5.c.

Les premiers jours il effuïa une tempête, dans cxxxII. laquelle fon vaiffeau courut beaucoup de danger; Oppofimais le Saint aïant jetté fon reliquaire dans la mer, tions qu'il en le tenant toutefois attaché avec une petite fon voiage corde, les vents s'appaiferent, le ciel fe décou- la Chine. vrit, & la navigation fut fi heureufe, qu'en peu Turflin. de jours on arriva à Malaca, où il fut reçû avec 6.47. de grandes démonftrations de joïe, & beaucoup d'offres de fervice de la part du peuple. Il n'en fut pas de même du gouverneur, qui irrité contre Pereira, de ce qu'il avoit mieux aimé emploïer fon argent à cette miffion, que de lui prêter, traverfa de toutes fes forces l'entreprise du Saint, arrêta Jacques Pereira, & l'empêcha de continuer fa-légation, fans que les prieres & les inftances de Xavier puffent le fléchir, & le faire changer de fentiment. Le Saint pour calmer cet efprit irrité, lui produifit les patentes du viceroi de Goa, les lettres de l'évêque, les déferences qu'il devoit à un légat du pape, le tort qu'il alloit procurer à l'évangile, fans que le gouverneur voulut se rendre. Xavier voiant fon opiniâtreté, alla trouver Jean Suarez, grand vicaire à Malaca, & lui exR6

pofa

AN.1552.

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excommu

du Saint.

CXXXIV.

pofa le fait, le fuppliant de vouloir s'emploïer
pour
faire réüffir cette affaire, ce que le vicaire
lui promit. Il alla trouver D. Alvaro, il le con-
jura au nom de J.C., de ne point s'opposer aux
deffeins du pere Xavier. Il lui dénonça par l'au-
torité du pape les cenfures de l'églife, en cas qu'il
continuât dans fon oppofition, il l'exhorta à ne
point commettre un peché fi énorme, dont Dieu
ne manqueroit pas de tirer une vengeance rigou-
reufe: mais toutes fes exhortations furent inutiles.

Xavier voïant son obstination, en vint à l'exLe gou- communication, que le grand-vicaire prononça verneur de contre le gouverneur, & tous ceux qui le foûteMalaca eft noient dans fon opiniâtreté, ou qui y avoient Dié pour quelque part; mais il n'obtint pas davantage par s'oppofrà cette voie que par celles qu'il avoit déja tentées. la miffion Lui feul eut la permiffion de continuer fon voïaOrlandin. ge, pendant lequel il eut beaucoup à fouffrir. ibid. ut fup. Etant abordé à l'ifle de Sancian, éloignée de la 1. 12.8.93. terre ferme d'environ vingt-cinq lieues, vis-à-vis & 94. la Turfelin. province de Canton, plufieurs marchands Por1.5.c.7. tugais le voïant refolu à paffer jufques dans la Chine même, lui repréfenterent avec force, ce Il s'em- qu'on lui avoit déja dit, qu'il étoit défendu trèsbarque feal rigoureufement aux étrangers, fur peine de la pour la Chi- vie, de mettre le pied dans ce païs, fans une rive à l'ifle permiffion particuliere du magiftrat, qu'on n'acde Sancian. corde que très-difficilement; mais il répondit à Terfelin. ces marchands ce qu'il écrivit à Perez religieux de fa compagnie, & fuperieur de la maifon de Malaca.,, Je fuis choifi, dit-il, pour une fi haute entreprife, par une grace fpeciale du ciel : fi Inter epift. je doutois de l'execution, & qu'effraïé des difXaver.1.14.9 ficultez, je manquaffe de courage, ne feroit-ce p.15.& ,, pas quelque chofe de pire que tous les maux Orland. ut dont on me menace? Enfin, la résolution en eft fup. 7. 12. n.,, prife, je veux aller à la Chine, & rien n'est ca104. & feq.,, pable de me faire rompre mon deffein. Que

ne, & ar

5. ...8.

Orlandin. 1. 12. n. 102.

16.

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» tout

,, tout l'enfer fe déchaîne, je m'en mocque, pour- AN.1552. vû que le ciel me soit favorable: car fi Dieu eft ,, pour nous, qui fera contre nous ?

CXXXV

& il tombe

itid. 1. 12.

Mais étant fur le point d'executer fon projet, On refufe de nouveaux obftacles fe préfenterent: un nouvel de le pafler interprete qu'il avoit été obligé de prendre, foità Canton, qu'il fût gagné par les Portugais, ou qu'il craignit malade. le danger, refufa de le conduire, & le quitta ; Tifel-1.5+ un marchand qui devoit auffi l'accompagner, &c.10. 11. le mettre fecrettement jufqu'aux portes de Can- Orlandin. ton, n'aïant pas plus de fidelité que l'interprete. 108. Chinois, manqua pareillement de parole. Tous 109. ces contre-tems firent retomber Xavier dans une maladie qu'il avoit eue un peu après fon arrivée à Sancian dans le mois d'Octobre, & qui l'avoit obligé de garder le lit pendant quinze jours. Comme il n'en étoit pas encore parfaitement rétabli, la fiévre le reprit le vingtiéme de Novembre. Alors il commença à douter que Dieu l'appellât à la Chine; il fe retira fort abbattu dans le vaiffeau qui fervoit d'hôpital aux malades, & il y fut reçû à titre de pauvre, difpofé à mourir en cette qualité. Mais le violens maux de tête qui le tourmentoient, accompagnez de dégoût & de colique, dont l'agitation du vaiffeau étoit la caufe, l'obligerent à reprendre terre. Il y refta affez long-tems expofé aux injures de l'air, jufqu'à ce qu'un Portugais plus charitable que les autres le fit porter dans fa cabane. Il y demeura dix jours privé de tout, par la negligence de ceux qui lui avoient le plus d'obligations. Il fut faigné deux fois, mais fi mal, que les nerfs en furent offenfez, & qu'il en tomba en convulfion : fentant fon mal s'augmenter, il comprit que Dieu vouloit finir fes peines. Il ne s'occupa plus que des CXXXVI. penfées de l'éternité jufqu'au vingt-huitième de Sa mort Novembre, qu'il n'eût plus de connoiffance, & dans l'ifle que le délire le jetta dans des rêveries continuel- de Sancian,

les

toute fainte

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