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s'étoient affez mal tirez d'affaires dans des dif putes qu'ils eurent avec Xavier, la confufion N.1550. qu'ils en reçurent, jointe au chagrin de voir déperir tous les jours la religion du païs, dont ils fe regardoient comme les dépofitaires, les obligea de recourir à une infinité de calomnies, pour décrediter le Saint dans l'efprit des peuples; & ils en vinrent enfuite à une perfecution ouverte.

rebuté à

Cangoxima

& Aman

Maffée, l

14. circa

Comme les Bonzes faifoient beaucoup valoir XLI. leurs grandes aufteritez, qu'ils alleguoient com- Le Saint me une preuve conftante de la verité de leur religion; François Xavier, pour ne leur ceder en prêche l'érien, pratiqua une vie beaucoup plus auftere, vangile à perfuadé que ce feroit encore un nouveau moien Firando, d'édifier le peuple, qui ne juge pour l'ordinaire gucchi. du fond des chofes que par les apparences. Il Turjelin, s'abstint donc de chair & de poiffon, il n'ufa in vita Xa(ver. 1.4.1.5. que de racines fort ameres, & de legumes cuits dans l'eau pour toute nourriture; & cette abstinence ne diminua rien de fes forces. Cependant med. ses ennemis ne travailloient qu'à luifufciter mille Orlandin. hift. fociet. traverses, à prévenir le roi contre lui, à décrier. 9. n. 217. fes miracles, & ils obtinrent par leurs follicita- & feq. tions un édit, par lequel le prince faifoit défenfes à tous fes fujets de quitter l'ancienne religion du païs, dont les Bonzes étoient les interpretes & les dépofitaires, pour fuivre la loi nouvelle des Bonzes Européens, c'est-à-dire, de Xavier & fes compagnons: cet édit ôta au Saint le moïen de faire profiter davantage la femence de l'évangile dans le roïaume de Saxuma: de forte qu'après avoir fortifié fon petit troupeau, qui ne confiftoit qu'en une centaine de perfonnes, qu'il confia aux foins de Paul de Sainte-Foi, il se mit en chemin accompagné de Cofme Turrian, & de Jean Ferdinand, & prit la route de Firando, autre ville du Japon, qui étoit celebre par le commerce des Portugais, & des autres Chrétiens

de

de l'Europe. Cette ville eft la capitale du roïauAN.1550 me de Figuen, éloignée de Cangoxima d'environ deux cent milles, qui font foixante & dixlieu es.

Le Saint arrivé dans ce païs, obtint du fouverain toute la liberté néceffaire pour prêcher J. C. dans fon roïaume : & fes premiers fermons furent fi bien reçûs, qu'en moins de trois femaines il convertit & baptifa plus d'infidéles dans Firando, qu'il n'avoit fait pendant toute une année à Cangoxima & à Saxuma. Cette facilité lui perfuada qu'il feroit encore plus de fruit à Meaco, capitale de l'empire du Japon, qui fe trouvoit alors divifé en plus de foixante petits roïaumes. Il partit pour fe rendre en cette ville, après avoir laiffé à Cofme Turrian ou de Torrez, l'un de fes plus zelez compagnons, le foin de continuer la miffion de Firando. Il prit le chemin de Meaco par le roïaume de Nangaro, dont la capitale étoit Amangucchi, ville des plus riches du Japon, & par une fuite ordinaire aux richeffes, la plus abandonnée aux vices & à la débauche. Cette ville eft maritime, fituée dans la partie principale du païs, compofée de maifons de bois, & contenant alors environ dix mille familles, éloignée de Firando d'environ cent lieues. Le Saint y étant arrivé, trouva plufieurs perfonnes, tant des nobles que du peuple, qui fouhaitoient d'être inftruits de la religion Chrétienne, dont ils avoient entendu parler; c'eft pourquoi il fe mit en devoir de les inftruire, lifant fon manufcrit dans les carrefours & places publiques, parce qu'il ne fçavoit pas affez bien la langue du pais. Car on lit dans une de fes lettres, qu'il s'y plaint avec douleur de ne pas fçavoir le langage du Japon.,, Si je le ,, fçavois, difoit-il, je ne doute pas que plufieurs n'embraffaffent la foi Chrétienne. Dieu veüille

,, que

,, que je l'apprenne bien-tôt, alors enfin je rendrai quelque service à l'églife. Prefentement je AN.1550. ne fuis au milieu de ces infidéles que comme

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une statuë.,, Il est un peu furprenant que Dieu lui aiant accordé le don des miracles dans un degré fi éminent, felon les auteurs de fa vie, lui ait refusé le don des langues, fi néceffaire & le plus utile de tous, avec lequel, à l'exemple des apôtres, il eût pû convertir tant de païs à la foi de l'évangile. Mais Dieu diftribue fes graces comme il lui plaît, & fouvent contre l'ordre que nous trouverions le mieux entendu.

Mauvais

La nouveauté de la doctrine que le Saint prê- XLII. choit, excita d'abord les efprits: plufieurs l'é- traitemens coutoient volontiers, d'autres le méprifoient, cho- qu'il reçoit quez de la mine étrangere du prédicateur, quel-à Amanques-uns fe mocquoient de lui ouvertement; de gucchi. Turfelin forte que le pere paroiffant dans la ville, étoit ibid. at fy. fouvent fuivi d'une troupe d'enfans, qui le traitoient de fou & d'infenfé, & de la populace qui fe rioit de fes prédications, & qui repetoient en raillant les mysteres de la religion Chrétienne, qu'il leur avoit appris, ce qu'il fouffroit avec beaucoup de patience, en faisant attention à la cause pour laquelle il étoit ainfi traité. Le roi l'aïant fait appeller, il fe rendit au palais, où interrogé fur fon païs, & fur le fujet de fa venuë dans le Japon, Xavier répondit, qu'il étoit Navarrois, & qu'il n'étoit venu que pour annoncer l'évangile, & apprendre aux peuples les voies du falut. Il expliqua les principes de la religion Chrétienne, & recita la plus grande partie de fon livre pendant près d'une heure: mais le prince ne faisant aucun cas des difcours du Saint, & fon cœur étant fermé à toutes les faintes veritez qu'on lui annonçoit, Xavier ne jugeant pas à propos de demeurer plus long-tems dans un païs où la femence de l'évangile ne pouvoit prendre racine,

&

Bouhours,

pro

en

& voiant qu'on le traitoit d'extravagant & d'inAN.1550. fenfé, prit la refolution de paffer à Meaco, où il n'arriva qu'à la fin de l'hiver de 1551. & où il ne fut pas plus heureux, comme on verra. XLIII. Ignace de fon côté travailloit avec zele à la Saint Ignce travaille pagation de fon ordre. Il l'établit en Sicile, à la propa- Afrique & dans l'Amerique; & il eut la confolagation de tion de le voir très floriffant aux Indes orientales fon ordre. par les foins du roi de Portugal. Il eft vrai que la vie de faini maifon profeffe fût reduite à une extrême nécefIgnace,. 4. fité, par la mort de Paul III. qui lui faifoit regulieOrlandin. rement des aumônes confiderables, mais les cardiin hift.focie. 'naux s'en étant fouvenus dans le conclave, la 1.9.n.3.6 tifierent d'une fomme d'argent affez confiderable, Orlandin. d'autres perfonnes lui donnerent encore des preuibid, n.20. ves de leur liberalité; & avec ces fecours, Īgnace entretint l'efprit de l'étude parmi fes compagnons, & fit fleurir les fciences dans fa focieté : il obligea les profeffeurs de Meffine & de Palerme à lui rendre compte de leur travail toutes les femaines, & il voulut qu'on lui envoïât du fond de l'Espagne toutes les théfes de philosophie & de theologie, avec les compofitions des jeunes regens en profe & en vers, qu'il fe donnoit la peine de lire, & de faire examiner en fa prefence.

4.

XLIV. Le duc de

gra

Guillaume duc de Baviere lui aïant demandé Baviere lui des theologiens capables de relever l'honneur de demande la theologie dans l'univerfité d'Ingolftad, où les des theolo- heretiques avoient rendu cette fcience fort mégiens pour prifable: Ignace choifit Salmeron & Canifius, Ingolftad. Ribadenei aufquels il joignit le pere le Jay, que le duc avoit ra, in vita demandé nommément. Le duc de Ferrare, dans patris Sal- les états duquel étoit ce dernier, voulut bien s'en Bouhours, priver pour un tems, à la priere du cardinal Far4.p. 319. nefe. Tous trois fe mirent donc en chemin; en Orlandin. paffant à Boulogne, ils prirent le degré de doibid. ut fup. &teur en theologie, après les examens accoûtu& sez. mez; & avec ce titre ils furent très-bien reçûs

miron.

n.50.6 52.

AN 1550

En Fran

à Ingolftad. Salmeron y expliqua les épîtres de faint Paul, le Jay les pfeaumes de David, & Canifius le maître des fentences. Le duc réfolut de leur bâtir un college, mais il mourut avant que d'avoir fait executer ce deffein; tout ce qu'il put faire en mourant, fut de recommander à fon fils Albert les difciples de faint Ignace. En France XLV. on ne leur fut pas fi favorable; il y avoit pour- ce on n'eft tant à Paris quelques Jefuites, quilogeoient dans pas favorale college des Lombards, & où ils demeurerent ble à la fojufqu'en cette année 1550. que Guillaume du cieté d'lgPrat évêque de Clermont, les retira dans fon hô- Bouhours, tel ruë de la Harpe, & leur laiffa de grands biens, ibid. vie de dont ils ne pouvoient pas profiter, parce que leur S. Ignace, focieté n'étoit pas approuvée en France, où ils 44. p. 320. n'avoient aucun profez.

Ils folliciterent auprès de Henri II. des lettres patentes pour s'établir le parlement s'y oppofa au commencement, disant qu'il n'y avoit déja que trop de religieux en France, qu'ils prétendoient s'exempter de la foumiffion aux ordinaires, & du païement des decimes & des droits feigneuriaux; & que fuppofé qu'on les reçût, avant que de paffer outre, les bulles qu'ils avoient obtenues des papes feroient communiquées à l'évêque de París, & à l'univerfité, pour avoir leurs avis. Mais ce n'étoit pas-là un moïen d'avancer leur établissement, parce que l'évêque de Paris, qui étoit alors Euftache du Bellay, leur étoit contraire, & qu'on lui avoit donné d'eux beaucoup d'ombrages : le pere Bouhours Jesuite, auteur de la vie de S. Ignace, marque,,, qu'un ,, docteur, ami de l'évêque, leur declara haute,,ment la guerre, en difant par tout, que la fo,,cieté qui venoit de naître, avoit quelque chofe ,, de monftrueux, & qu'elle ne dureroit pas; que ,, celui qui l'avoit établi, étoit un petit Efpagnol vifionnaire; qu'il valoit mieux faire du bien C

Tome XXX.

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nace.

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