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dans la réfolution qu'il avoit prife de perdre & AN.155 l'ambaffadeur & le chevalier de Vallier; il se ré

LXXXIII.

maître au

pentit d'avoir remis au confeil la réponse d'une lettre qui n'étoit adreffée qu'à lui feul; il fe faifit de la réponse, fous pretexte de la méditer à loifir: & plus Villegagnon, qui devoit partir avec l'envoyé de France, preffoit la conclufion de cette affaire, plus on ufoit de delais affectez pour l'amufer. Dans cet intervalle le grand-maître gagna le juge pour continuer fa commiffion, l'affurant qu'il étoit affez puiffant pour le foutenir malgré la cabale oppofée; & que fi de Vallier nioit les faits, il falloit le mettre à la question, afin de tirer de lui eet aveu, qu'il n'avoit remis Tripoli aux Turcs qu'à la follicitation d'Aramon, & c'étoit la raison pour laquelle on differoit la réponse au roi. Mais Villegagnon inftruit d'un fi affreux complot, fe rendit au confeil, y parla très-fortement, reprocha publiquement au grandmaître fa convention avec un juge inique, pour tirer d'un innocent par la violence des tourmens la confeffion de crimes qu'il n'a point commis, & le condamner enfuite à la mort. Ces reproches déconcerterent le grand-maître, il nia d'abord le fait; mais preffé par Villegagnon, la confusion parut fur fon vifage, & à fon air on le crut coupable. Le confeil indigné de ces perfides complots, nomma un autre juge, & ordonna au fecretaire de délivrer au plûtôt la réponse au roi de France dans les termes qui lui avoient été prefcrits.

Le fecretaire qui étoit créature du grand-maiRéponse tre, n'ofa executer ces ordres fans fa participadu grand- tion. Tous deux enfemble concerterent fecretteroi de Fran- ment cette réponse avec de nouveaux artifices, ce pour ju- & beaucoup d'alteration dans les termes qu'on ftifier fon avoit réfolus dans le confeil: en forte que fa lettre remise ainfi alterée à Villegagnon, celui-ci

ambaffa

deur.

s'en

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De Thou,

de France.

s'en plaignit hautement; & les feigneurs du confeil indignez de tous ces détours, drefferent eux- AN.1551. mêmes la lettre, que le grand-maître n'ofa refu-hist. fub fin. fer de figner. Elle étoit dattée du dix-feptiéme 47.p.234. de Novembre, & conçûë en ces termes :,, Quant Daniel. hift. ,, à ce que vôtre majefté défire de moi, pour fa- vie de Henr. tisfaire à fa volonté & à fon commandement, II, tom. 6. ,, je dis que d'Aramon étant arrivé ici le premier ?.27. ,jour d'Août, avec deux galeres & un brigan,, tin, & y aïant été reçû felon fa qualité, il nous ,,a expofe l'ordre que vous lui aviez donné à fon ,, départ pour Conftantinople, de nous voir en paffant, & de nous affurer de vôtre bienveil,,lance; fur quoi nous le priâmes de paffer en » Afrique, & d'aller à Tripoli pour détourner les Turcs de ce fiege, s'ils ne l'avoient pas encore ,, commencé, ou en cas que la ville fût déja affiegée, , pour faire en forte fon crédit d'en par faire retirer l'ennemi. Ainfi d'Aramon n'aïant spas eu beaucoup de peine à fe laiffer perfuader de nous rendre ce bon office, partit auffi-tôt ,,avec un de nos brigantins pour fe rendre en Afrique. Mais toutes fes pourfuites aïant été », inutiles, & les Turcs s'étant rendus inexorables ,,à toutes fes prieres, il revint ici fans avoir rien ,, fait; & en témoignant dans le confeil public ,, de l'ordre, l'extrême regret qu'il avoit de la per„, te de Tripoli, il nous affura qu'il n'avoit rien ,, oublié de tout ce qui étoit en fon pouvoir, pour », nous donner la fatisfaction que nous défirions », de lui, comme en aïant eu un commandement " exprés de vôtre majefté. Outre cela, afin que » chacun fçut la vraïe cause de ce malheur, nous ,, avons fait faire de tous côtez des informations; » & après toute la diligence que nous avons pû y emploïer, nous n'avons rien trouvé qui puiffe donner fujet de croire que d'Aramon y ait con», tribué, ní qu'il ait en quelque forte que ce foit

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fol

AN.1551.

abandonne

Failles.

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follicité la reddition de cette place. Au contraí,, re, nos chevaliers prifonniers nous ont appris à leur retour que non-feulement il eft exempt de tout blâme, mais qu'il a obligé nôtre ordre par une infinité de bons offices: c'eft pourquoi le bruit qui s'eft répandu eft fort contraire à la verité, & contre toute forte de raison. Cette lettre fut depuis envoïée par le roi à tous fes ambaffadeurs, pour la publier dans toutes les cours des princes; ce qui fit ceffer les plaintes des Imperiaux, & les mauvais bruits que cette nation avoit répandus contre l'honneur & la réputation des François.

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LXXXIV. L'empereur fut fort chagrin d'apprendre de fi Charles V. fâcheufes nouvelles, & las de tenir une fi groffe Africa, & garnifon à Africa, qui lui coutoit beaucoup plus en fait ra- à entretenir que trois autres villes en Europe, il fer les mu-envoïa ordre à Doria, de faire démolir non-feulement les murailles de la ville, mais encore tou tes les maifons jufqu'aux fondemens, & d'en tranfporter le canon, & tout le refte de l'artille rie. Ce qui trompa fort non-feulement les Juifs, mais encore les Chrétiens Portugais & Efpagnols, qui voiant que cette ville étoit fujette à la do mination de l'empereur, étoient allez s'y établir, dans la perfuafion d'y bien faire leurs affaires, mais outre les dépenfes qu'ils avoient faites pour leur établissement, ces malheureux furent expofez à un pillage plus cruel, que s'ils euffent été prifonniers des ennemis de l'empereur, les foldats n'aïant eu aucune retenuë. Mais ce qui intriguoit davantage ce prince, étoit la guerre qu'il prévoioit qu'il auroit bien-tôt avec le roi de France, à caufe de la protection que ce dernier avoit accordé à Octave Farnese pour fe maintenir dans Parme, & pour tâcher de rentrer dans Plaisance, qui étoit toûjours occupée par Charles V.

Horace Farnefe duc de Caftro, follicitoit toûjours

LXXXV.

reftitution

Trid. l. II.

jours l'empereur de lui remettre la ville de Plaífance, mais fans pouvoir rien obtenir de ce qu'il 1551. demandoit. Enfin Charles importuné de fes fol- octavio licitations lui dit, qu'il pouvoit s'en retourner à Farnese Parme, & qu'il recevroit dans peu de fes lettres follicite la qui le fatisferoient. Sur cette parole Farnefe re-de Plaifantourne à Parme : mais y aïant appris, aussi-tôt ce. qu'il y fut arrivé, que Dom Fernand de Gon- Pallaricin. zague gouverneur de Milan, faifoit travailler if conc. avec beaucoup de diligence aux fortifications de».11.12. Plaisance; il en conclut que l'empereur n'avoit au- De Then, cune envie de lui rendre cette place; & même f. 1. 8. ma 465. par les avis qu'il reçut qu'on levoit des troupes, il eut fujet de croire, qu'on tramoit quelque chofe contre lui pour lui enlever Parme, bien loin de lui reftituer Plaisance. C'est ce qui lui fit prendre la résolution de s'adresser au pape, pour le prier instamment de prendre sa défense contre Pempereur & fes miniftres, & de confiderer que s'il perdoit cette ville, l'églife perdroit fon droit de fief, comme elle avoit perdu celui de Plaisance. Marc Antonio Venturi fut chargé de la commission, & fut introduit par l'ambassadeur de France auprès du pape, auquel il expofa la fituation des affaires d'Octavio. Il ajoûta, qu'il avoit ordre de fe jetter aux pieds de fa fainteté de la part de fon maître, pour implorer son secours contre l'injustice qu'on lui faifoit, pour foutenir les efforts d'un ennemi fi animé contre lui, & contre lequel il avoit befoin de toute fa protection.

Le pape n'ignoroit rien de ce qu'on lui reprefentoit, il fçavoit de plus qu'il y alloit de fon honneur de maintenir Octavio dans la possession du duché, dont il lui avoit donné l'inveftiture, en le déclarant fief de l'églife. Mais il confideroit auffi qu'il étoit accablé de dettes, tant à cause des grandes dépenfes qu'il avoit été obligé de faire, que des grandes liberalitez qu'il n'avoit pû

Pallavicin.

éviter dans les commencemens de fon pontifi

AN.1551. cat: de forte que ne fe trouvant pas en état d'enwtfp. 11 treprendre la guerre contre l'empereur, il ne fit c. 12. n. 5. que hauffer les épaules, pour marquer qu'il ne

in fin.

LXXXVI.

de France

pour fe

pouvoit pas faire tout ce qu'il voudroit, & dit à l'envoié, qu'Octavio fît du mieux qu'il lui feroit poffible; que pour lui, il ne pouvoit faire autre chofe que ce qu'il avoit fait, qui étoit beaucoup, comme on le pouvoit bien connoître, & qu'il fe fouviendroit de faire davantage pour lui, quand le tems & les conjonctures feroient plus favora bles. Mais comme cette réponse ne décidoit rien, le cardinal Farnefe revint à la charge, & pria le pape du moins d'agréer qu'Octavio fon frere eût recours à d'autres princes plus puiffans que lui fous la protection defquels il pût agir. A quoi le pape répondit, qu'il pouvoit faire ce qu'il jugeroit de plus avantageux pour les affaires.

Sur cette réponse, Octavio, de l'avis du carIl traite dinal fon frere, députa en France vers Horace Faravec le roi nefe fon frere naturel. Comme ce prince avoit beaucoup de credit auprès de Henri II. dès maintenir qu'il eut reçû les lettres de fon frere, il alla troudans Par- ver le roi, qu'il trouva très-difpofé à faire ce Pallavicin, qu'on fouhaitoit, tant par fon inclination à Locofup..11. obliger Farnefe, que parce qu'il s'agiffoit de ... 3. mortifier l'empereur qu'il n'aimoit pas. Le traité

me.

fut donc conclu à ces conditions: Que le roi entretiendroit quinze cens hommes d'infanterie fous les ordres de Paul Vitelli, & deux cens chevaux légers pour la garde de la ville: Qu'il donneroit tous les ans à Octavio huit mille écus de penfion: Que pour dédommager les deux cardinaux fes freres, Alexandre & Ranucce des pertes qu'ils pourroient faire en confequence de ce traité, le roi leur affigneroit en France un revenu & des penfions dont ils feroient contens. Que le roi ne feroit aucun traité avec l'empereur fans y comprendre

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