CHAPITRE X I.

Des Ducs & Ducheffes du Berry.

JEAN DE FRANCE, premier DUC DE BERRY & d'Auvergne, Pair de France, Comte de Poitou, Saintonge, Angoulême, Étampes, Bologne, Auvergne, Montpenfier & Macon; Lieutenant Général du Roi ès Pays de Berry, Auvergne & Poitou, en tout le Pays de Languedoc & Duché de Guienne, outre la Dordogne.

DEPUIS

EPUIS Is l'acquifition que fit le roi Philippe I, d'Eudes Arpin, de la vicomté de Bourges, environ l'an 1100 de notre falut, cette ville demeura unie à la couronne, jufqu'au don que le roi Jean fit à Jean de France, fon troifieme fils, & de Bonne de Luxembourg, fa femme, des pays de Berry, d'Auvergne & des Châtellenies de Vierzon, Lury & Mehun-fur-Yevre, qui furent depuis érigés en duchés & pairies, fous le nom de Berry & d'Auvergne, au mois d'octobre 1360: fous la réferve de la garde des églifes, des régales, du droit de battre monnoie, reffort & fouveraineté, & à la charge de réverfion à la couronne, à défaut d'hoirs mâles, qui font les conditions ordinaires des apanages des enfans de France. Il naquit au château Tome IV.

Z

du bois de Vincennes, le 30 de novembre 1340. Il porta premiérement le titre de comte de Poitou, par le don que lui en fit le roi fon pere, & que Charles, fon frere, alors dauphin, confirma, & donna le titre & prérogative de pairie, par lettres du mois de juin 1357, & avoit été pourvu par fon pere de la lieutenance générale ès pays-bas de Poitou, Angoumois, Saintonge, Périgord, Berry, Auvergne, Limofin, Gascogne, & de tous les pays de la riviere de Loire.

Charles V, fon frere, n'étant encore que dauphin & régent, pendant la prison du roi Jean, fon pere, lui donna le comté de Macon par lettres du mois de mai 1359, & depuis qu'il fut parvenu à la couronne, lui augmenta fon apanage, lui donnant les terres de Mesle, Civay, Chifey & Villeneuve en Poitou, par lettres données à Paris au mois de novembre 1369, & lui permit auffi, par autres lettres données au mois de février de la même année, d'affeoir à Bonne, fa fille, lorfqu'il la marieroit, fix mille livres de rentes fur fes terres de Poitou. Il lui avoit auffi donné les comtés de Saintonge & d'Angoulême, qu'il retira depuis, lui cédant la rançon de Thomas de Percy, chevalier Anglois, & la fomme de quarante-fept mille livres, ainfi qu'il fe voit par les lettres des 3, 5 mars & 8 feptembre 1374.

Ce prince fe rendit autant recommandable en

guerre & en paix, qu'aucun autre prince de fon fiecle. Dès l'âge de feize ans il commença de rendre fervice à l'état. Il fe trouva en la fameufe bataille de Poitiers, l'an 1356, qui eut de fi fâcheufes fuites pour la France. Le roi Jean, fon pere, qui y fut pris, fut mené en Angleterre d'où il ne fut délivré que par le traité de Bretigny. Notre duc, avec plufieurs autres princes & feigneurs, fut donné en ôtage à l'anglois, chez lequel il demeura neuf ans entiers, & n'en fortit qu'après avoir obtenu congé du roi d'Angleterre pour venir moyenner` fa rançon: Froifart dit « qu'il eut » congé pour un an, & fe diffimula, & se porta » fi fagement, qu'oncques puis n'y retourna, & >> prit tant d'excufations & d'autres moyens, que » la guerre fut toute ouverte, & que le roi » Charles V lui fit défense de fortir hors le royaume, » nonobftant que par le traité de paix, il se fût » rendu & conftitué pour ôtage à Edouard d'An» gleterre, & Edouard, fon fils aîné, par lettres » données à Paris, le 28 octobre 1369 ».

Le roi Jean, fon pere, le fit fon lieutenant général ès pays de Poitou, Saintonge, Angoumois, Périgord, Berry, Auvergne, Limofin, Gascogne, & de tous les pays de la riviere de Loire, par lettres données au Gué-de-Longroy, en juin 1356; & en Languedoc, par l'admiffion du comté d'Armagnac, en janvier 1357, au mois de feptembre

de la même année. Charles, aîné fils du roi de France, & fon lieutenant général par tout le royaume, lui donna la lieutenance au bailliage & comté de Macon, par lettres données à Saint-Denis, & pays de Languedoc, par autres données à Paris au mois de décembre fuivant.

Le roi Charles V le pourvut auffi de la lieutenance générale pour le fait de la guerre ès parties d'Auvergne, de Berry, de Bourbonnois, de Forêts, de Sologne, de Touraine, d'Anjou, du Maine, de Normandie, des rivieres de Seine & de Loire, de Maconnois & de Lyonnois, par lettres données à Paris, en février 1368; & de la lieutenance ès pays d'Angoumois, Saintonge & de Poitou, par autres lettres, à Paris au mois de décembre 1369.

de

Et le roi Charles VI le fit fon lieutenant général au duché d'Aquitaine, delà la Dordogne, au comté de Toulouse, en tout le Languedoc, ès pays Berry, d'Auvergne & de Poitou, par lettres données à Paris en novembre 1380, qu'il prorogea pour fix années à Montereau-Fautyonne, en août 1388, & par lettres du mois de feptembre 1389, lui remit les aides & fubfides qu'il avoit fait lever devant le temps de fa lieutenance. Ce même roi lui accorda encore, pendant fa vie, la lieutenance ès pays Berry, Auvergne, Poitou, tout le Languedoc & pays d'Aquitaine, delà la Dordogne, par lettres

de

données à Paris en février 1401, qu'il révoqua, & lui reftitua depuis à Paris au mois d'octobre 1413.

Il eut le commandement de l'armée royale en Guienne contre le prince de Galles & les Anglois, fur lefquels il emporta les villes de Limoges, de Poitiers, de la Rochelle & de Thouars,& mérita par fa victoire la confirmation de la qualité de comte de Poitou, que le roi Charles V lui redonna, après que ce comté fut retourné à la couronne par la rebellion de l'anglois. Les lettres furent expédiées l'an 1372 il lui donna pareillement les châteaux & les fortereffes de Gerfay, Mortemer & autres, fifes en Guyenne & en Poitou, qui avoient été confifquées fur les anglois, à Paris au mois d'avril 1372. Il affifta depuis le roi Charles VI, fon neveu, en la bataille de Rosbeque, gagnée fur les flamands, l'an 1382, & deux ans après il défit les communes. d'Auvergne, de Poitou & de Limofin, qui courroient le plat pays fous Pierre de Bruyeres, leur chef, pilloient les maifons des gentilshommes, détrouffoient les paffans, & faifoient mille autres défordres,

Le roi Charles VI le pourvut encore du gou vernement de Languedoc, que tenoit le comte de Foix, l'an 1381, qu'il ne lui céda que par traité du

I juillet de la même année, après quelques petits combats & rencontres, qui ne furent pas tout-à