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CHAPITRE XI I.

Des Siege & Prife de la Ville de Bourges par Cefar, & des Guerres de Religion.

LES Gaulois, qui s'étoient rendu maîtres de la ville de Rome, & qui l'avoient faccagée, furent vaincus à leur tour par les armées romaines, commandées par Jules Céfar, lequel, ayant pacifié la Gaule, & affermi, comme il croyoit, fon autorité, paffa en Lombardie, ayant laiffé fes légions en leurs quartiers & en garnison en quelques villes. Les Gaulois, qui ne supportoient qu'avec impatience le joug de l'empire romain, reprirent leur vigueur pendant l'éloignement de Céfar, & réfolurent, avec beaucoup de courage & de hardieffe, de fe remettre en liberté. Ils délibérerent de mourir tous l'épée à la main, ou de recouvrer avec honneur la gloire & la liberté qu'ils avoient reçues de leurs ancêtres avec la vie. Ceux de Chartres commencerent les premiers, & donnerent le fignal de la révolte; ils étoient commandés par deux des plus déterminés d'entr'eux, maffacrerent dans Orléans tous les citoyens romains qui y étoient demeurés pour trafiquer, & s'emparerent de tous leurs biens. Les auvergnats

ayant fçu cette nouvelle, Vercingentorix, l'un des principaux feigneurs de la province, affembla ceux de fa faction, qui le déclarerent leur roi, & s'étant joint avec ceux de Sens, de Paris, de Poitou, de Querci, de Touraine, du Limousin, Du Perche, du Maine, d'Evreux & d'Anjou, & s'étant fait déclarer général de ces troupes tumultuaires, il tira vers le Berry, dont les peuples fouffroient avec plus d'impatience que tous les autres la tyrannie de Céfar.

Cette entreprise rappella Céfar; il paffa les montagnes de Gévaudan, & étant entré dans l'Auvergne, il obligea Vercingentorix de tourner fes forces de ce côté-là: Céfar s'en étant éloigné pour affembler fes légions, qui étoient en quartier d'hiver, Vercingentorix retourna du côté du Berry, & affiégea une place où Céfar avoit établi ceux de Bourbonnois, aprés la défaite des fuiffes, & l'avoit mife fous la domination de ceux d'Autun. Ce fiége hâta la marche & le retour de Céfar, qui attaqua Noviodunum, que Sanson prend pour Neufvy, d'autres pour Dun-le-Roi, & que je croirois être Nouan. Après la prife de cette place, il vint mettre le fiége devant la ville de Bourges, 40 avant la nativité de N. S. C'eft la premiere fois que cette ville a été affiégée, & nous ne pouvons fçavoir les particularités & le fuccès dut fiége, que par les mémoires de Céfar, qui dit

l'an

qu'il crút & fe vit obligé d'attaquer cette place importante, capitale de tout le pays, fur l'efpérance que, par fa prife, il fe rendroit le maître de tout le Berry: Cafar ad oppidum Avaricum, quod erat maximum munitiffimumque in finibus Biturigum, atque agri fertiliffima regione profectus eft, quod eo oppido recepto, civitatem Biturigum fe in poteftatem redacturum confidebat.

Vercingentorix, pour incommoder l'armée de fon ennemi, affamer fes troupes, & ôter en même temps à ceux de fon parti toute autre espérance que celle du fuccès de leurs armes, fut d'avis de brûler tous les villages & les villes que l'on ne pouvoit garder, fans excepter même la ville de Bourges fon avis fut fuivi, & le feu fut mis en toutes les villes & villages d'alentour, qui en confuma jufqu'à vingt, les gaulois aimant mieux les réduire en cendres, que de les réserver à la proie de leur ennemi. Il feroit à fouhaiter que Céfar eût exprimé le nom de ces vingt places; nous apprendrions les noms de nos plus anciennes villes, dont la mémoire a été ensevelie dans leurs cendres. Mais quant à la ville de Bourges, tous ceux du pays s'oppoferent à fon deffein; ils fe jetterent aux pieds des autres gaulois, les conjurerent de ne les pas obliger à brûler de leurs mains l'une des plus belles villes de toute la Gaule, l'ornement & la fûreté du Berry; promirent

de la défendre vigoureusement, affiftés de fa force, de fon affiette, & de la nature du lieu, qui la défendoit quafi d'elle-même, étant ceinte, prefque de tous côtés, de fleuves & de marais inacceffibles, & qui ne lui laiffoient qu'une avenue fort étroite. Les gaulois ne leur purent refufer ce qu'ils demandoient avec tant d'inftance; Vercingentorix même, s'étant relâché en confidération du peuple, se contenta de laiffer une bonne & forte garnison dans la ville, pour la défendre.

Céfar ayant confidéré l'affiette de la place, fe campa près la porte que nous appellons maintenant de Bourbonnoux, parce qu'elle tend au pays de Bourbonnois, qui étoit l'endroit le plus foible, parce qu'il n'étoit fermé ni de marais, ni de fleuves; il fit les approches à la faveur des mantelets, éleva deux tours fur une terraffe pour commander à la ville, dont la fituation ne fouffroit point une autre forte d'attaque. Il rapporte que fon armée fouffrit beaucoup par la difette des vivres, & fut plufieurs jours fans pain, à cause des dégâts faits dans la campagne, de la pauvreté des bourbonnois, & de la négligence de ceux d'Autun, d'où il tiroit fes convois. Vercingentorix voulut fecourir la place; mais Céfar, averti de fa marche, lui coupa chemin, & l'obligea de demeurer en un pofte avantageux duquel il s'étoit faifi, fans

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ofer rien entreprendre, après y avoir jetté dix mille hommes de rafraîchiffement.

Les affiégés n'attendant plus d'autres fecours, & en ayant perdu l'efpérance, réfolurent d'employer toutes leurs forces à la défenfe de leur capitale, confidérant que de fa confervation dépendoit le falut de toute, la Gaule: ils détournerent, avec des lacs coulans, les faux dont les affiégeans renverfoient leurs murailles, & les prenant quelquefois avec leurs cordes, les enlevoient avec leurs machines; d'autres fois ils alloient par des mines & des lieux fouterrains, dont le pays étoit rempli, fapper la terraffe que Céfar avoit élevée, en enlevoient la terre & les fafcines dont elle étoit compofée, & par de fréquentes & vigoureuses forties, venoient auffi mettre le feu aux travaux, & attaquoient les foldats qui y étoient occupés, empêchant, par toutes fortes de moyens & d'artifices, que les mineurs & les foldats n'approchaffent de leurs murailles.

Céfar dit que les murailles étoient compofées de grandes pieces de bois couchées à terre, qui ne préfentoient que le bout, à deux pieds de diftance l'une de l'autre, & liées enfemble avec des traverses, remplies, par le dedans, de terre & de fafcines, & armées, par dehors, de pierres & de cailloux, fur lefquels étoient pofées d'autres poutres, de même maniere que les premieres, ce

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