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rançon, rançonnement, acte de tançonner, &c. Je fçais que la terminaifon meat fe prend auffi fort fouvent dans un fens paflif, & qu'elle indique même, avec le mot, tantôt la caufe, tantôt l'effet. Tant pis, c'eft unabus, c'est un vice dans la Langue, c'est le figne d'une Langue pauvre & amphibologique. Puifque nous n'avons qu'un feul mot pour exprimer, par exemple, le mouvement, & en tant qu'il eft reçu & en tant que vous le donneż, il faut bien regarder alors le mot ment comnie une définence arbitraire & d'ornement. De cette ignorance, il est encore arrivé qu'on a proferit tantôt le mot fimple, tantôt le mot compofé. Ainfi l'on a ceffé de dire foulas, mot auffi expreffif qu'agréable, parce qu'on a cru qu'il étoit avantageufement fupplée par foulagement. Ainfi l'on s'efforce de bannir rabaiffement, mot autrefois très- ufité en parlant des monnores, pour tout donner au mot rabais fans obferver que le rabais eft produit par le rabaiffement ordonné ; & que ce dernier mot marque la force employée & l'acte de puiffance êmané pour produire le rabais: l'Edit ordonne le rabaissement & opere le rabais. Enfin il faut du moins, lorfque le fimple & le compofé fe trouvent encore enfemble dans la Langue, laiffer à chacun fa valeur natu telle & primitive, & par conféquent diftinguer le rálement du râle.

Rancidité, Ranciffure.

CES termes défignent la corruption des gtailfes & des huiles qui ont contracté un goût fort & âcre, une odeur puante ou défagréable, & ordinairement Tome IV.

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une couleur jaune, foit en vieilliffant, foit par chaleur. Le lard, la viande falée, les confitures mêmes, deviennent rances.

Ranciffure, dit-on, qualité de ce qui eft rance; fynonyme de rancidité, mais peu ufité. La ranciffure n'eft pas proprement la qualité de rance. Ce mot n'eft pas plus fynonyme de runcidité, que pourriture ne l'eft de putridité. Enfin ranciffure eft un mot ancien dans la Langue, qui mérite d'être confervé autant au moins que rancidité, qui paroît être un mot nouveau ou fort peu ufité ci devant, puifque le premier Dictionnaire de l'Académie n'en a fait mention. Nous difons auffi substantivement P S le rance, ou pour marquer l'odeur de la chofe rance, ou pour diftinguer la partie rancie du refte de la chofe.

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Je l'ai déjà dit, ité marque la qualité ; ure marque l'effet. La rancidité eft donc la qualité du corps rance; la ranciffure eft donc l'effet éprouvé par le corps ranci. La rancidité gît dans les principes qui vicient le corps : la ranciffure eft dans les parties qui font viciées. Il faudroit combattre la rancidité comme on combat la putridité, cause du mal: il faut ôter la ranciffure, s'il eft poffible, comme on ôte la pourriture, produit du mal.

par

Ce qu'on appelle ranciditè eft moins une qualité qu'un accident, ou ce n'eft qu'une qualité accidentelle ce qu'on appelle ranciffure eft faitement défigné par ce mot felon les regles de l'analogie. Voilà pourquoi j'ai prétendu que ce dernier mot valoit bien le premier. La terminaifon iffure, & en général ure, eft fpécialement confacrée à défigner la corruption & la faleté, & à qualifier des parties, des objets gâtés, ou retranchés,

du rejettés, à caufe de quelque mauvaise qualité. C'est ainfi que nous difons chanciffure, moififfure, pourriture, &c.; comme nous difons coupure, brûlure, bleffure, &c. pour défigner un dégât, un défigurement, un mal. C'eft encore ainfi que nous appellons rognures, râclurés, balayures, ordures, ratiffures, &c. ce qu'on retranche, fupprime & rejette.

La lettre R, les mots ra, rac, ranc, ont furtout la propriété d'exprimer la rudeffe, l'âpreté, la dureté, quélque mauvaise qualité qui pique, bleffe, rebure, comme celle des corps rances. Rane indique particuliérement une humeur mauvaife, corrompue, défagréable. Ainfi le latin rancor fignifie également rancune & ranciffure. Rad fignifie proprement mauvais, gâté, puant, infect. Rancor, ranciffure, marque un effet de la corruption, comme mucor, moififfure, l'effet de l'humidité. Tout parle en faveur de ranciffure.

Rapiecer, Rapiéceter, Rapetaffer.

PENDANT que de bons & beaux efprits s'occupent, non fans quelque fuccès, à former & à mettre en vogue un langage curieux & mystique, ingénieufement tiré des Dictionnaires d'Arts & de Sciences, ne dois-je pas m'excufer devant le Public, fi jofe le ramener à la Langue vulgaire, pour expliquer des mots auffi communs & auffi humbles que ceux du préfent article? Je le confeffe, je ne m'attache qu'à la Langue Françoife, à celle que tout le monde parle, & dans laquelle tous nos bons

Auteurs ont écrit jufqu'à ce jour. C'est à nos modernes Amphigouriftes, qui parlent toujours peinture ou fculpture, phyfique ou chimie, &c. quand il n'eft queftion ni de fcience ni d'art, à s'entendre' eux-mêmes & à fe faire entendre. Ce n'eft pas qu'il n'y ait quelquefois des termes, des applications, des allufions, des comparaifons bonnes & agréables à tirer des cabinets & des ateliers; mais il faut, à l'exemple de nos bons Ecrivains, fe tenir toujours à portée du Lecteur ordinaire; il ne faut emprunter un langage étranger, que pour donner à l'inf truction plus d'agrément ou de clarté; il faut fçavoir avec fobriété, & ne jamais parler pour avoir l'air de fçavoir & de fe fingularifer, fur-tout par des mots & des expreffions qu'il eft fi facile d'apprendre & même de former. Pour moi, je prends la Langue telle qu'elle eft faite ; & fi je parviens à en relever le prix par de vrais éclairciffemens, je croirai avoir fait un travail utile: j'en demande pardon aux Fripiers & aux Savetiers, mais je ne puis pas dire avec eux un travail conféquent.

Mes Lecteurs conviendront bien qu'ils font fouvent obligés d'entendre & quelquefois de dire, rapiécer, rapiéceter, rapetaffer, quoique peut-être ils aiment mieux fe fervir du mot générique raccommoder, contens d'exprimer par un mot plus diftingué l'idée vague de remettre en bon ordre ou en bon état. Ils conviendront bien auffi que rapiécer ou rapetaffer des bas ou des habits, ce n'eft pas les raccommoder, de la maniere dont on raccommode un mur, ou un carroffe, ou une coiffure. Ils conviendront encore qu'ils diront plutôt radouber un vaiffeau & réparer une maifon, que raccommoder une maifon ou un vaiffeau, par la raifon que

les deux autres verbes font confacrés à tel genre de travail, & connus. Pourquoi donc, quand il s'agira de mettre & remettre des pieces, ne pas préférer les mots propres à fpécifier ce raccommodage particulier?

Peth, en celte, peu, petit, portion, piece: pes, piece, morceau, fragment; mot oriental & de plufieurs Langues. Rapiécer, c'eft mettre des pieces ou remettre une piece, fans modification. Rapiéceter, c'eft remettre fans ceffe de nouvelles pieces ou mettre beaucoup de petites pieces; & marque dans ce verbe la réduplication ou un diminutif. Rapetaffer, c'eft mettre groffiérement de groffes pieces & les entaffer: petalfoun, en languedocien, petite piece; pétas, groffe piece. On rapiece un bas, du linge, un meuble auquel on met proprement une piece: on rapiécete les meubles, le linge, les vêtemens qu'on eft toujours à rapiécer, où l'on ne voit que pieces & petites pieces. On rapetaffe de vieilles hardes, de vieux effets qui ne font plus que des lambeaux recoufus enfemble ou appliqués les uns fur les autres.

Nous difons auffi ravauder, c'est-à-dire, raccom moder, rajufter tellement quellement à l'aiguille des bas & autres hardes qui n'en valent pas la peine: c'est toujours un mauvais ouvrage fait fur de mauvaises chofes avec ou fans pieces; quoique ce mot, formé de val (valeur) changé en vaud, indique le deffein de redonner au moins à la chofe quelque valeur qui la rende propre à fervir. On dit quelquefois rapfoder, c'eft-à-dire coudre, recoudre, joindre enfemble des pieces, des morceaux, des lambeaux du grec rapfo, coudre, joindre enfemble, rapfodie, morceau, fragment. On dit en

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