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Ces diftinctions paroîtront d'autant plus vraifemblables qu'elles aident à expliquer comment il arrive que ces termes fe confondent fans ceffe. Par exemple, quand on dit felon ou fuivant vos ordres, vos inftructions, vos deffeins, c'eft toujours dire qu'on fe conforme à votre væu, à vos principes, à votre volonté, mais d'une maniere plus ou moins forte : c'est toujours l'idée de penfer ou d'agir après, d'après quelqu'un ; & celui qui fuit femble fe laiffer mener ou conduire.

Il eft fenfible enfin que l'harmonie décide fouvent du choix des mots, fur-tout quand il fuffit d'exprimer l'idée capitale. On ne dira pas felon Longin, felon l'opinion de Platon. On ne dira pas fuivant le Divan, fuivant le Vedam.

Sembler, Paroître.

Sembler fignifie paroître d'une telle maniere. Une chofe paroit dès qu'elle fe montre: mais un objet femble beau, lorfqu'il paroît l'être. Paroître n'eft fynonyme de fembler, que quand il marque l'apparence d'être tel. De pa, par, po, por, en face, en avant, fous les yeux, vient le mot paroître, être en face, en avant, en vue, devant, devant les yeux. De fem, fim, figne, vint le latin fimilis, semblable, qui a les mêmes traits, qui présente les mêmes formes ; & c'est l'idée de fembler.

Un objet femble & paroit beau, bon, agréable. Il femble tel par des traits ou des formes de beau

té, de bonté, d'agrément : il paroit tel par des apparences, les dehors de l'agrément, de la bonté, de la beauté. La chofe vous femble telle par la comparaison que vous en faites avec le modele, letype, l'idée que vous avez du beau, du bon, de l'agréable: elle vous paroît telle à l'aspect, felon qu'elle vous affecte, par le genre d'impreffion qu'elle fait fur vous. Ce qui vous femble bon, reffemble à ce qui eft bon: ce qui vous paroît bon, a l'air de l'être. La reffemblance a rapport à la différence; l'apparence, à la réalité. Ce qui vous femble, pourroit bien n'être pas tel que vous le croyez ce qui vous paroît, pourroit bien ne pas. être en effet ce que vous croyez.

Un Ouvrage vous semble bien fait, lorsqu'après quelque examen, vous le trouvez conforme aux regles de l'Art: il vous paroiffoit bien fait, lorfque vous n'y aviez encore jetté qu'un coup d'œil. Vous jugiez de l'Ouvrage qui vous paroiffoit tel, fur les apparences & fuperficiellement : vous en jugez enfuite pour qu'il vous femble tel par des traits de comparaifon & avec quelques réflexions.

Si l'objet qui vous femble tel ne l'eft pas, Vous l'avez mal vu, vous l'avez mal jugé, vous vous êtes trompé. Si l'objet qui vous paroiffoit tel ne l'eft pas, vous ne l'aviez pas affez confidéré, vous ne 'aviez point approfondi, les apparences vous ont trompé.

Nous avons un penchant prefque invincible à croire que les chofes font telles qu'elles nous paroiffent être d'abord; & avec cette préoccupation, il arrive affez naturellement qu'elles nous femblent être telles que nous defirons qu'elles foient. L'ef prit eft prompt, & la chair foible,

Il faut encore fçavoir gré à ceux qui, n'étant pas honnêtes gens, veulent le paroître : ils femblent avoir de la pudeur, & le refpect humain les retient..

Chofe étrange! il y a des hommes qui veulent paroître encore plus corrompus qu'ils ne le font en effet: ils femblent craindre que le Public ne doute de leurs forces ou phyfiques ou morales ; mais s'il în doute, ils ne lui en imposent pas..

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On a dit qu'à la Cour, ce qui paroît n'est jamais la réalité il femble qu'alors il n'y auroit qu'à croire le contraire de ce qu'on voit. Mais la fatyre eft toujours outrée.

Nous difons qu'un homme veut paroître & non fembler jufte, bienfaisant, généreux; parce qu'il ne tient qu'à lui de fe revêtir des apparences de la vertu, & qu'il & qu'il ne dépend pas ne dépend pas de lui que les autres croyent à ces apparences. Il paroîtroit à nos beaux difcours & même à quelques petits établiffemens refpectables, que notre fiecle eft un fiecle de bienfaifance mais il me femble que perfonne ne le croit.

On dit imperfonnellement, il paroit, il me paroît, il semble, il me femble. La différence est toujours la même. Il me paroît ne défigne que les impreffions faites par les apparences ou de fimples conjectures tirées de ces dehors fpécieux: il me femble annonce plus de perfuafion, & des jugemens fondés fur quelques motifs qui ont au moins une apparence de raifon.

La modeftie, la circonfpection difent il paroît, il me paroit. La politeffe dit, il femble, il me femble, & la raifon le diroit bien plus fouvent encore.

Il paroît affez naturel de ne fe méfier d'abord de perfonne: il femble enfuite affez raisonnable.de

fe méfier de tout le monde ; j'entends des gens qu'on ne connoît pas, & je ne parle pas de toute

la terre.

La preuve que fembler marque une forte de réflexion, de perfuafion, de raifon, toutefois mêlée de doute ou de crainte, c'eft ce qu'il fignifie fouvent croire & juger, comme dans ces phrafes: Il femble à beaucoup de gens inutiles qu'on ne fçauroit fe paffer d'eux; que vous femble de ces ennemis reconciliés ou de ces rivales amies? A la plupart des gens qui vous demandent des avis, il n'y a qu'un mot à dire, faites ce que bon vous femble. Paroître n'eft point de ce ftyle.

Senfible, Tendre.

Senfible, capable de faire des impreffions fur les fens, ou de recevoir ces impreffions; une chofe qui s'apperçoit par les fens ou par la raison, eft fenfible dans la premiere acception; un objet qui eft fufceptible de fenfation ou de fentiment, l'eft dans la feconde. Tendre, le contraire de dur, qui eft facile à couper, à pénétrer, à affecter: on connoît une viande tendre, une vue tendre, un âge tendre, &c. Ten, mince, menu, mou, délicat, eft oppofé à tan, grand, fort, élevé. Ten fignifie auffi feu.

Dans le fens moral qu'il s'agit ici de confidérer, ces termes expriment l'attribut d'un cœur fufceprible d'impreffions & d'affections relatives & favorables à autrui.

Un cœur eft fenfible par une difpofition naturelle à s'affecter de tout ce qui intéreffe l'humanité, & à s'y intéreffer: un cœur eft tendre par

une qualité particuliere qui lui infpire les fentimens les plus affectueux de la Nature, & leur imprime ce qu'ils ont de plus touchant.

La fenfibilité, d'abord paffive, artend l'occafion de fe développer; il fant l'exciter: la tendreffe, active par elle-même, cherche les occafions de fe développer; elle nous excite. On s'attache un cœur fenfible: un cœur tendre s'attache lui-même.

La fenfibilité eft un feu électrique que le frottement met en activité, jufqu'à lui faire produire les plus grands effets. La tendreffe eft un feu vivifiant & brûlant qui échauffe l'ame & fes actions d'une chaleur douce & pénétrante, propre à fe communiquer & capable de s'élever jufqu'au plus haut degré d'intensité,

La fenfibilité difpofe à la tendresse: la tendresse exalte la fenfibilité. Un cœur fenfible aimera: un cœur tendre aime; il ne fçait peut-être pas encore ce qu'il aime, il aime l'humanité.

L'homme fenfible a fur-tout le cœur ouvert à la pitié, à la clémence à la miféricorde, à la reconnoiffance, à tous les fentimens qui nous portent à vouloir du bien aux autres & à leur en faire.L'homme tendre a fur-tout, dans le cœur, le germe des affections les plus actives, les plus vives, les plus généreufes, l'amour, l'amitié, la bienfaisance, la charité, toutes les paffions qui nous font exister pour les autres & dans les autres.

La fenfibilité eft une fource de vertus : la tendreffe eft la fource & le charme de toutes les vertus. La tendresse perfectionne tout ce que la fentfibilité produit: vous étiez bon, vous ferez bienfaifant; vous étiez bienfaifant, vous ferez généreux: les peines & les plaifirs d'autrui vous affectoient,

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