Imágenes de páginas
PDF
EPUB

core raccoutrer, c'est à dire, raccommoder, rajufter, ragencer l'accoutrement, les pieces de l'accoutrement, habillement, équipage fingulier ou bizarre : de coutre, on a dit accoutrer, accoutrer un champ, le cultiver, le fillonner, le mettre en bon état : mais je crois que coudre & couture ont la même origine; car la couture lie deux chofes coupées ou féparées, en formant une espece de raie ou de fillon. Raccommoder offre diftinctement, fans parler de la réduplication, des rapports de mefure & de convenance entre les objets (com, avec, modus, mefure): rajuter, des idées d'ordonnance & de jufteffe (de juft, qui va bien, s'accorde parfaitement) ragencer, les effets de la dextérité & de Ţindustrie (de gen, ingenium, génie, industrie),

:

Raffurer, Affurer quelqu'un.

J'INTERVERTIS ici l'ordre dans lequel j'ai coutume d'annoncer les fynonymes, pour indiquer d'abord, par l'acception connue du premier, l'acception finguliere qu'il s'agit de confidérer dans le fecond; à fçavoir celle de tranquillifer, calmer les inquiétudes ou les craintes, infpirer de la confiance, donner de l'affurance, mettre dans un état de fécurité.

Après que nos grands Poëtes ont employé le mot apurer dans le fens de raurer, depuis Malherbe jufqu'à Rouffeau, je n'oferois foufcrire à la profcription prononcée contre cet ufage : il paroît bien établi en Poéfie.

La Poéfie, pour fe faire une Langue propre,

détourne les mors de leurs applications ufitées dans la profe: c'eft fon droit, c'eft l'efprit de la chofe même. Ainfi, que les Profateurs ne difent point affurer pour tranquillifer quelqu'un, ce ne fera pour les Poëtes qu'un nouveau motif de parler ainfi, pourvu que ce langage n'ait rien de forcé, rien que de jufte. Mais ici, n'a point ofé, la poëfie n'a point imaginé; elle s'eft contentée de conferver une acception autrefois reçue dans tous les genres d'écrire. Amyot dit, dans la vie d'Artaxerces, que ce Prince alloit lui même montrant la tête de Cyrus à ceux de fes foldats qui fuyoient, pour les affurer. Il feroit facile de multiplier les exemples.

Il est tout naturel qu'on n'ait pis refufé au mot affurer une acception qu'on a généralement donnée à ceux de raffurer & d'affurance. Il doit, au contraire, paroître fingulier qu'on ne puiffe pas dire d'un homme qui a de l'affurance, qu'il eft affuré; & qu'on dife d'un homme qu'il eft raffuré, quand il n'a pu être affuré. D'ailleurs affurer fignifie proprement affermir, rendre ferme, infpirer de l'affurance & ne rend on pas une perfonne ferme tour comme une chofe? Et pourquoi enfin ne diroit-on pas, felon l'ufage de l'élocution figurée, affurer l'efprit de quelqu'un, affurer quelqu'un s'affurer, comme on dit, au propre, affurer fa main, fes pas, fa tête, fon corps? Madame de Sévigné dit fort bien, en parlant de M. de Pomponne : En vérité je ne m'accoutume point à la

[ocr errors]
[ocr errors]

chûte de ce Miniftre, je le croyois plus affuré » que les autres, parce qu'il n'avoit point de fa

99 veur ".

La Poéfie a donc eu raifon de conferver la maniere de parler, que la profe a laiffé perdre.

L'emploi poétique d'affurer ainfi justifié, il no differe, dans ce fens, de fon compofé raffurer, que par la prépofition re, r', qui marque la réitération, le redoublement, le retour, le rétabliffement de la chofe dans son état, ou le redoublement d'action & d'efforts pour l'y ramener. Ainfi vous affurez celui qui n'eft pas ferme ou résolu, qui n'a pas affez de force & de confiance, qui n'eft pas dans un état de fécurité: vous raffurez celui qui eft abandonné à la crainte ou à la terreur, qui eft toutà-fait hors de l'affiette naturelle, qui ne peut être ramené & tranquillifé qu'avec beaucoup de foins, de fecours, de reconfort. Le premier n'a pas, dans l'état où il eft, toute l'énergie dont il a befoin: le fecond a perdu, dans la crife où il fe trouve, celle dont il éprouve la néceffité. La différence eft du plus au moins.

Je fuis debout, affez ferme pour ne pas tomber, fi on ne me pouffe violemment : je crains l'impulfion; je me roidis, je me mets en défense, je m'as Jure: j'ai reçu le choc; je m'ébranle, mon corps chancele, mes mains cherchent un foutien ou un appui, je redouble d'efforts, je me raffure. Tranf portez au moral ou appliquez figurément cette

Image,

Dans les Horaces, Camille, en expofant les viciffitudes qu'elle a éprouvées en un feul jour, dit ; Un Oracle m'affure, un fonge me travaille; La paix calme l'effroi que me fait la bataille. Ce mot eft là très-bien employé. En effet, d'abord l'oracle affure Camille en confirmant fes efpérances, en lui infpirant la confiance qu'elle n'ofoit concevoir d'époufer Curiace; il ne la raffure pas, car il

ne la fait point paffer de la crainte à la fécurité : mais fi le fonge avoit d'abord travaillé Camille, & que l'Oracle eût enfuite calmé fes craintes diffipé fon effroi, elle auroit été, à proprement parler, raffurée, puifqu'elle auroit paffé d'un état d'alarmes à celui de la tranquillité ou d'une efpérance légitime.

Efther dit que la bonté d'Affuerus l'affure autant qu'elle l'honore; cette bonté l'affure par la confiance qu'elle lui infpire: par-là le perfonnage n'indique aucun fentiment de trouble & de frayeur, qui ait précédé; mais, par le mot raffurer, il auroit marqué une allufion au trouble & à la frayeur dont la bonté du Roi la délivre.

Sans doute les Poëtes n'obfervent pas toujours cette différence, & il ne feroit pas toujours néceffaire de l'observer en profe: très fouvent l'idée commune fuffit ; & l'idée acceffoire eft facile à fuppléer. Il n'y auroit plus de poéfie, s'il falloit que le Poëte n'employât les termes que dans leur fens rigoureux. Ainfi Boileau a fort bien pu dire dans

le Lutrin:

Le Chantre s'arrêtant à cet endroit funefte,
A fes yeux effrayés laiffe dire le reste.
Girot en vain l'affure, & riant de fa peur,
Nomme fa vifion, l'effet d'une vapeur.

Ravager, Défoler, Dévafter, Saccager.

Ravager vient du mot primitif raw, rap, en celte rhaib, en grecaprak, en latin rap, rapere, &c., prendre, arracher, ravir, enlever de force, em

porter. M. de Gébelin applique proprement ce mot aux productions de la terre: en effet ag, ak, aik, défigne, dans les Langues orientales & dans la plupart des Langues européennes, un champ ; ager en latin; en vieux françois aice, territoire; en gallois aye, pays, habitation; ach, champ en irlandois, habitation dans plufieurs Langues.

Défoler vient de fol, feul, felon l'opinion commune, & fignifie proprement réduire en folitude. C'eft ainfi que les Latins entendoient le mot defolare. Pline le Naturalifte dit des lieux défolés; Columelle, des champs défolés; Stace, des Pénates défolés, c'eft à-dire, délaiffés, abandonnés. Defolate & folitary font fynonymes en anglois. Nous difons, dans ce fens, ifolé. Ce verbe ne tiendroitpas auffi au mot fol, terre? Il défigneroit auffi parfaitement un fol nu, dénué, délaitfé.

il

Dévafler vient de waft, gaft, gâter, faire le dégât: en anglois waft, gâter, dévafter; latin vaf tare, devaftare, faire un grand dégât, détruire, dépeupler, réduire en défert; allem. wuft, défert, &c. La devaftation attaque également les chofes & les perfonnes: ainfi Virgile dit dévafter, pour dépeupler un champ de cultivateurs. Vaft marque auffi l'étendue & l'excès.

Saccager vient du mot primitif hac, primitif hac, adouci en fac, couteau, poignard, épée, hache : c'est proprement égorger, maffacrer, paffer au fil de l'épée les habitans d'une ville, mettre à feu & à fang détruire. Cette idée, comme idée propre du mot, devroit toujours être dominante, lorsqu'on attache au terme les idées particulieres de pillage, de bouleversement, de ruine; idées qui ne font natu rellement que fecondaires & acceffoires. Aufli n'eft

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »