ce qu'hyperboliquement & abufivement qu'on dit faccager pour défigner des pilleries, des dégâts, des défordres particuliers. pas Les actions exprimées par chacun de ces verbes font fi fréquemment & fi naturellement réunies & mêlées dans la plupart des cas où l'on a coutume de les employer, qu'il n'eft étonnant que leurs idées diftinctives foient fouvent confondues & même réduites à l'idée commune de deftruction. Cependant l'idée rigoureufe de ravager eft d'enlever, renverfer, emporter, entraîner les produc tions & les biens par une action violente, fubite, impétueufe: celle de défoler eft de diffiper, chaffer, exterminer, détruire la population jufqu'à faire d'une contrée une folitude, ou à la réduire à un fol nu par des attentats ou par des influences malignes, funeftes & mortelles : celle de dévafter est de tout moiffonner, renverfer, écrafer, détruire dans une étendue plus ou moins vafte de pays, de maniere à n'y laiffer qu'un défert fans habitans & fans traces de culture, avec une fureur fans frein, fans arrêt & fans bornes : celle de faccager eft de livrer au carnage, remplir de meurtres, inonder de fang une ville, des lieux peuplés, avec une férocité armée d'inftrumens de mort, de défolation, de deftruction. Les torrens, les flammes, les tempêtes ravageront les campagnes. La guerre, la pefte, la famine défoleront un pays. Tous ces moyens terribles la tyrannie fifcale fur-tout, des inondations de barbares dévafteront un Empire. Des foldats effrénés, des vainqueurs féroces, des barbares faccageront une ville prife d'affaut. Un champ eft quelquefois plutôt ravagé par une nuée d'infectes que par les bêtes farouches & c'eft ainfi que les Commis & les Valets des Bachas & Soubachas ravagent plus un Empire que ne le fait le Defpote lui-même. Lorfqu'un volcan vient de défoler une Ifle, il laisse au moins fur les terres une lave fertile qui rappelle & ranime la population; au lieu qu'une grande Capitale qui épuife la fubftance des Provinces en même temps qu'elle répand fur elles une mortelle infection, les défole fans reffource. On parle beaucoup de la tyrannie qui a dévasté quelques Empires que ne parle-t-on auffi de l'anarchie qui les dévafte prefque tous? S'il eft vrai que la foif du fang a fait faccager quelques villes, il eft bien certain que la foif de l'or en a fait faccager cent fois davantage. Des brigands qui ne cherchent que le butin, ravagent. Des Pirates qui veulent auffi une proie ou des efclaves, défolent. Des barbares qui fe plaifent à détruire, dévaftent. Des vainqueurs effrénés qui n'ambitionnent que de fignaler leur vengeance, faccagent. Rien ne résiste au ravage; il eft rapide & terrible. Rien n'arrête la défolation; elle eft cruelle & impitoyable. La dévastation n'épargne rien; elle eft féroce & infatiable. Le faccagement ne refpecte rien; il eft aveugle & fourd. Le ravage répand l'alarme & la terreur; la défolation, le deuil & le défefpoir; la dévastation l'épouvante & l'horreur; le fac, la confternation & l'horreur du jour. Quelle qu'elle foit, de Soldats ou de Commis. ou de Jufticiers ou d'enfans, toute armée ravage. Tout vice de gouvernement eft une espece de mortalité qui désole. Il n'y a qu'à opprimer le cultiva teur, pour qu'un Etat fe dévaste. De tous les animaux le plus féroce, féroce même plus que tous les autres ensemble, l'homme feul faccage. Rebelle, Infurgent. CES termes défignent également celui qui s'éleve contre. Rebelle est tiré de la racine bal, bel, qui marque l'élévation, & qui défigne auffi la main levée pour lancer, repouffer, réfifter: de là le latin bellum, guerre; bellare, faire la guerre. Ainfi rebellare fignifie recommencer la guerre, ainfi que repouffer, repulluler, s'élever malgré les obftacles. Infurgent eft formé de furg, fource, furgere, fourdre ou fe lever, infurgere, s'élever contre, s'opposer hautement. Il eft clair que ce mot, n'exprimant que l'oppofition ou la réfiftance fimple, fans autre rapport, il n'a point ce caractere odieux affecté à celui de rebelle par un ufage conftant & fondé fur les rapports naturels du mot, quand il eft appliqué aux perfonnes. Infurgent, qualification aujourd'hui fi connue, n'eft pas auffi nouveau qu'on pourroit le croire. Le Dictionnaire de Trévoux remarque que les relations & les gazettes ont, dans différentes occafions, donné le nom d'infurgens, aux levées extraordinaires de troupes faites en Hongrie pour la défense du pays ou pour quelque autre grand deffein : ce genre de levée extraordinaire s'appelloit infurrection. L'Auteur de l'Efprit des Loix, l. 8 c. 11, parle, d'après Ariftote, Polit. l. 11, c. 10, de l'infurrection ufitée chez les Crétois. Pour tenir les 5. Cofmes ou Magiftrats annuels dans la dépendance des Loix, de fimples citoyens fe foulevoient contre eux, les chaffoient, & les réduifoient à une condition privée. Le liberum veto des Polonois eft une infurrection légale & même conftitutionelle. Ainfi l'ufage établi de ces mots confirme le fens favorable attribué à celui d'infurgent, tout comme l'emploi qu'on en a fait dans la querelle de la GrandeBretagne avec fes Colonies d'Amérique. Les Colons étoient appellés rebelles par les Royalistes, & infurgens par leurs amis. L'infurgent fait donc une action légitime ou légale; & le rebelle, une action perverfe & criminelle. Le premier ufe de fon droit ou de fa liberté, pour s'oppofer à une réfolution ou s'élever contre une entreprise : le fecond abufe de fa liberté & de fes moyens, pour s'oppofer à l'exécution des Loix & s'élever contre l'autorité légitime. Il ne faudra que des réclamations authentiques & fermes qui arrêtent les deffeins contraires, pour être appellé infurgent. Il faut des voies de fait violentes qui arrêtent le cours de la Juftice, pour être déclaré rebelle. Si l'infurgent s'arme, c'eft contre l'oppreffion & pour la défense de la Patrie : le rebelle s'arme pour fes propres deffeins & contre la République elle-même. Celui-là réfifte à la puiffance ennemie; celui-ci va même attaquer la puiffance tutélaire. Le peuple Romain, foulevé fi fouvent contre le Sénat, étoit infurgent aux yeux des uns, & rebelle aux yeux des autres mais fes fuccès déciderent toujours la question en fa faveur. On lit qu'à l'inftallation des Rois Anglo-Saxons fur l'ancien trône d'Angleterre, le Monarque difoit, en remettant l'épée à un grand Officier, comme Trajan au Préfet du Prétoire, & par une formule ufitée, Sers-toi de cette épée pour moi, fi je fais régner les Loix; contre moi, fi je les viole : le foulévement étoit donc alors ou infurrection ou rebellion, fuivant la différence des cas. C'eft à la conftitution à juger. D'infurgent nous avons fait infurgence: nous avions déjà infurrection. L'infurrection eft l'action de fe foulever contre : l'infurgence eft un état d'infurrection continuée ou foutenue. Voyez l'are ticle fuivant.. : Rebellion, Révolte. CES mots, malgré leur reffemblance, n'ont rien de commun dans leur origine, fi l'on met à part le re qui marque la réitération ou la réaction. Rebellion vient, comme rebelle, de bel, élévation, foulévement. Révolte vient de vol, volt, rond, tour d'où les mots latins, volgere, volvere, &c., tourner, rouler ; & nos mors volte, tour & détour, volter, évolution, révolution, &c. Ainfi rebellion exprime proprement l'action de s'élever contre; & révolte, le fait de fe tourner contre. Dans l'italien, ribellare eft fynonyme de riforgere, & rivoltare de rivolgere. En anglois, ribell, c'est to raise against; & rivolt, to turne againft, &c. Ces deux images ne rappellent point les mêmes idées, fi ce n'eft une oppofition commune. Rebellion marque la défobéillance & le foulévement; révolte, la défection & la perfidie. Le rebelle s'éleve contre l'autorité qui le preffe; le révolté s'eft |