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Survivre à quelqu'un, Survivre quelqu'un.

Survivre, pouffer fa vie plus loin, vivre plus long-temps que. L'usage, conforme à la valeur des mots, eft pour furvivre à quelqu'un. Survivre quelqu'un eft proprement du Palais; mais il entre quelquefois dans la converfation familiere. On dit même furvivre fans régime, lorfque le régime eft fuffifamment indiqué. La Loi donnoit à un mari ou à une femme qui furvivoit, un an pour se marier, dit l'Auteur de l'Esprit des Loix, 1. 23, c. 21.

Survivre quelqu'un défigne la furvie de la perfonne dont la vie ou l'existence avoit des rapports très-particuliers, très-intimes, très-intéreffans avec celle de la perfonne qui meurt la premiere. Ainfi l'on dit qu'une femme a furvécu fon mari; qu'un pere a furvécu fes enfans; que de deux jumeaux qui ont vécu, l'un n'a furvécu l'autre que de quelques jours. C'eft ainfi qu'on parle fur-tout, quand il y a quelque intérêt ftipulé entre deux perfonnes pour le furvivant.

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Cette expreffion, quoiqu'elle ne foit pas réguliere, & peut-être auffi parce qu'elle ne l'eft femble avoir une finguliere énergie pour exprimer une certaine communauté d'exiftence, l'attache du fort de quelqu'un au fort d'un autre, enfin un rapport très-remarquable fondé fur des liens étroits. Elle devient recommandable & même précieuse par une nuance fenfible qui marque une diftincion utile & quelquefois importante. Nous difons, avec l'intention de faire obferver une fingularité

& un langage populaire, qu'un vieux mari a enterré fa femme qui étoit fort jeune : ce feroit le cas de dire férieufement qu'il l'a furvécue.

le

Selon l'ordre de la Nature, les enfans doivent Survivre au pere: par des événemens particuliers, pere furvit les enfans. Il me femble que cette différence dans l'expreffion, eft très-propre à faire remarquer la fingularité.

On dit que quelqu'un fe furvit à foi-même, lorfqu'il perd en détail l'ufage de fes fens ou de fes facultés. Ne vaudroit-il pas mieux dire fe furvivre foi-même ? Cette expreffion n'auroit-elle même pas une grace particuliere, outre l'énergie, s'il s'agiffoit d'oppofition entre l'existence phyfique & l'exiftence morale? Je dirai donc qu'un homme qui furvit à fa confidération, à fa fortune, à fa réputation, à fon honneur, à fa gloire, fe furvit lui-même : le décri, l'oubli, le néant dans lequel il tombe, eft une efpece de mort: il vit encore, it refpire; mais il ne vit plus dans l'opinion publique, il je furvit lui-même.

T.

Tact, Toucher, Attouchement.

Tac, tic, toc expriment le bruit qu'on fait en frappant, en choquant, en touchant fort : de là tous ces mots relatifs à l'action de toucher; & beaucoup de familles celtes, arabes, gothiques, &c.

Ces trois termes font relatifs à la fenfibilité répandue fur la furface du corps, & excitée par l'action immédiate d'un objet phyfique fur les houppes nerveufes.

Le tact eft proprement le fens qui reçoit l'impreffion des objets, comme la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat, en latin taâus, visus, auditus, guftus, odoratus, terminaifon paffive. Le toucher est l'action de ce fens, l'exercice de toucher, palper, manier, ou le fens actif; latin tactio, action de toucher. L'attouchement eft l'acte de toucher, de palper, l'application particuliere du fens actif ou de l'organe & particuliérement de la main la terminaifon ment indique ce par quoi on touche, ce qui fait qu'on touche, le moyen appliqué.

Un corps vous touche; & le fens du tact éprouve une fenfation analogue à la qualité palpable du corps froid ou chaud, humide ou fec, dur ou mou, &c. Vous touchez un corps; & par cette action du toucher, vous cherchez à connoître & à éprouver ces différentes qualités ou à produire vous-même divers effets fur les corps. Vous touchez

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à un corps; & par le fimple attouchement, vous éprouvez ou vous produifez vous-même tel effet. C'est au tad que l'on attribue les qualités dif tinctives du fens ou de l'organe : on dit la fineffe, la groffiéreté, la délicateffe du tact. C'est au toucher que vous reconnoiffez la qualité des chofes : on dit qu'un corps eft doux ou rude au toucher. C'eft par l'attouchement que vous diftingue les circonftances particulieres de tel acte relativement à tel objet on dit que les accufés fe purgeoient autrefois d'un crime par l'attouchement innocent d'un fer chaud; & que Notre-Seigneur guériffoit les malades par un fimple attouchement.

Le tad eft beaucoup plus fin, plus fûr, plus exquis dans les animaux nus, & fur-tout dans les reptiles, que dans les autres animaux : il eft leur fens dominant & régiffeur, comme la vue l'eft dans les oifeaux, l'odorat dans les chiens, l'ouïe dans les chats & autres quadrupedes dont l'oreille eft tapiffée en dedans de poils très- déliés. Il y a dans les corps des qualités & des modifications qui ne font fenfibles qu'au toucher; & c'est par le toucher que l'homme parvient à corriger furtout les erreurs de la vue, & même à fuppléer à fon défaut : ainfi plufieurs aveugles ont diftingué les couleurs au toucher; le Statuaire, Corneille de Volterre, faififfoit fi bien au toucher les plus petits traits de la figure, que fes têtes étoient parfaitement reffemblantes; le célebre Profeffeur d'Optique Saunderfon, difcernoit ainfi, dans une fuite de médailles, celles qui étoient contrefaites affez bien pour tromper les yeux d'un connoiffeur : M. Haüy donne aujourd'hui à fes intéreffans éleves, aveugles-nés, des doigts clairvoyans, fi je puis ainfi

parler, & capables d'exercer beaucoup d'Arts que la Nature fembloit leur avoir interdits. Enfin l'attouchement, trop reftreint dans l'ufage, n'exprime qu'un toucher affez léger, un maniement doux analogue à l'idée de palper, ou fimplement l'action douce & légere de tåter, & avec l'intention propre à l'être animé lorfqu'il s'agit de deux cos infenfibles, on dit dogmatiquement contact. Voyez les applications que j'ai faites cideffus.

Si l'on vouloit confidérer le taa, le toucher, l'at touchement,dans un fens purement matériel,comme de pures actions phyfiques, & felon toute l'étendue du verbe toucher, le tact feroit comme un coup fimple, un choc fubit, léger, & inftantané de deux corps qui fe rencontrent, ou d'un corps qui frappe contre un autre (tac): le toucher, avec un fens plus générique & une action plus forte (toc), embrafferoit les différentes manieres de frapper, de manier, d'agir contre : l'attouchement indiqueroit une forte d'attache & de continuité que n'aupas le tact, mais avec une forte de légéreté ou de molleffe qui ne feroit pas néceffaire au toucher. Nous difons plutôt tact au figuré, pour exprimer un jugement de l'efprit prompt, fubtil, jufte, qui Lemble prévenir le raifonnement & la réflexion, & provenir d'un goût, d'un fentiment, d'une forte d'inftinct droit & fûr. Au phyfique, nous difons plutôt le toucher, pour exprimer le fens, & nous ne le difons qu'en phyfique. Nous donnons pour l'ordinaire à l'attouchement un fens moral & mauvais, relatif à la déshonnêteté & à l'impadicité.

roit

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