Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Grands Maîtres le fignerent par le conseil, difentils dans cet acte, & par la volonté expreffe des deux Chapitres; & ils tranfigerent, tant au sujet de plufieurs Terres dont ils prétendoient la poffeffion, qu'au sujet de differentes fommes qu'ils se demandoient réciproquement. On voit dans cet acte que le Pape avoit ordonné aux uns & aux autres, que s'il furvenoit entre eux de nouveaux fujets de conteftation, ils feroient obligez de nommer chacun de leur côté trois anciens Chevaliers de la Langue & du Prieuré où le differend fe feroit élevé, pour en décider abfolument; que fi ces Arbitres ne pouvoient convenir entr'eux, ils pourroient s'en remettre à des amis communs qu'ils choifiroient de concert, & qui leur ferviroient de für-arbitres, ou que la connoiffance en seroit renvoyée au Saint Siege. Le Pape ajoute dans fa Bulle qu'en attendant le Jugement fouverain qui en émanera, il exhorte les Chevaliers des deux Ordres à se prévenir mutuellement par des marques d'honneur & de confideration, & de concourir indifferemment au bien & à l'avantage des deux Maisons, en forte, dit Alexandre, » que quoique » leur inftitution foit differente, il paroiffe par le lien de la charité qui les doit unir, que ce ne foit qu'un feul & un même Ordre militaire & régulier.

[ocr errors]

ROGER DESMOU

LINS.

Les Hofpitaliers & les Templiers fe conformerent en apparence aux intentions du Pape; mais pour dire la verité, l'autorité de ce Pontife affoupit plutôt qu'elle ne termina des differends, qui avoient leur fource dans l'avarice & dans l'ambi-

ROGER tion; deux paffions qui ont jetté de profondes raDESMOU- cines dans le cœur des hommes, & dont les plus faintes focietez ne font pas exemptes.

LINS.

1179.

Une autre paffion d'autant plus dangereuse, qu'elle ne s'infinue dans le cœur, qu'à la faveur de la beauté & des graces, penfa exciter une guerre civile dans la Principauté d'Antioche. Boëmond qui en étoit le Prince fouverain, avoit épousé en premieres nôces une fille de la Maison d'Iblin ; & depuis la mort de cette Princeffe, il s'étoit remarié avec une Princeffe grecque, appellée Theodore. Boëmond féduit par les charmes d'une concubine, avoit abandonné son épouse légitime. Le Patriarche d'Antioche, après des monitions canoniques qui furent inutiles, l'excommunia, & jetta un interdit genéral fur tous ses Etats, espece de châtiment qui enveloppe l'innocent avec le coupable, & qui eft fouvent dangereux par fes fuites. En effet Boëmond emporté par sa passion, & irrité d'une procedure qui pouvoit exciter une révolte dans la Principauté, fit faifir par ses Offifaisır ciers le temporel du Patriarche, le chaffa d'Antioche, & l'affiegea depuis dans un Château qui lui appartenoit, & où il s'étoit retiré avec les principaux de fon Clergé. Le Patriarche d'Antioche étoit regardé comme le premier Prélat de l'Orient, tant par la fondation de fon Eglise rapportée à Saint Pierre, que par l'étendue de ce Diocefe, qui comptoit dans fa dépendance 12 Métropolitains, 153 Evêques fuffragans, & dans la seule Ville d'Antioche plus de 360 Eglifes. Comme le Patriarche n'étoit pas fans un grand nombre

de

créatures

créatures attachées à fa dignité, & le Prince fans ennemis secrets, & que les premiers Seigneurs de cet Etat, & même le peuple étoient mécontens du gouvernement, les uns & les autres ne furent pas fàchez de trouver un prétexte fi plaufible pour éclater.

Toute la principauté fut bien-tôt en armes. Les mécontens, fous prétexte de défendre la cause de l'Eglife, cherchoient à venger leurs injures particulieres: chacun prit parti fuivant sa paffion ou fes interêts.

Le Roi de Jerufalem, ou plutôt fson Confeil, craignant que les Infideles ne fe prévaluffent de ces divifions, engagerent le Patriarche de Jerufalem, & les deux Grands Maîtres à fe tranfporter en diligence fur les lieux pour tâcher d'y rétablir le calme. Ces députez, en paffant par Tripoli, amenerent' avec eux le Comte Raimond, ami particulier du Prince Boëmond. Ils s'affem blerent d'abord à Laodicée, d'où ils fe rendirent à Antioche. Il y eut beaucoup de conferences &› de paroles portées de part & d'autre, enfin on fit une espece de traité provifionnel, par lequel on convint que de part & d'autre on mettroit les armes bas, qu'on rétabliroit inceffamment le Patriarche dans la jouiffance de fon temporel, que l'interdit feroit levé, mais que le Prince demeureroit excommunié, s'il ne quittoit fa concubine. Cette restriction ne fit qu'allumer fa passion pour cette femme, & fa haine contre les principaux Seigneurs de la principauté. Il bannit depuis fous differens prétextes le Connérable, le Chambellan,

ROGER DES MOU

LINS.

!

DESMOU

LINS:

ROGER & trois autres Seigneurs qui avoient fait paroître trop d'attachement pour le Patriarche : ils fe retirerent auprès de Rupin, Prince de la petite Armenie, qui de concert avec les Grands du pays, s'étoit défait de l'apoftat Melier, & qui lui avoit fuccedé dans cette principauté.

1182.

Obferva

toire de Geo

froy de Ville

hardouin. n.

Le Grand Maître, quelque tems après son retour d'Antioche, apprit avec beaucoup de douleur, que la plupart des Hofpitaliers de fon Ordre, qui étoient établis à Constantinople, avoient été massacrez dans un tumulte qui s'étoit élevé dans cette Ville imperiale contre les Latins. L'Empereur Manuel Comnene, dans la vûe d'éteindre le fchifme auquel il n'adheroit pas, avoit attiré à Conftantinople un grand nombre de Latins, dont il fe fervoit même dans le miniftere, & dans les affaires d'Etat. Les Hofpitaliers poffedoient dans Constantinople le fameux hôpital de saint Sanfon, fitué entre l'Eglife de fainte Sophie, & celle de fainte Irene: & ils étoient encore maîtres de l'hôpital de faint Jean l'aumônier.

[ocr errors]

22

» Il est vraisemblable, dit M. du Cange, histotions furl hif-rich moderne, mais refpectable par fa profonde érudition, que cette Eglife de faint Sanfon fut donnée aux Hofpitaliers de faint Jean de Jerufalem par l'Empereur Manuel Comnene, qui af»fectionna tellement les Latins, & particuliere» ment les François du Royaume de Jerufalem, qu'il en encourut la haine de fes fujets.

104. p. 302.

Will. Tyr. 1. 22. ch. 12.

رو

[ocr errors]

Cette haine éclata après fa mort; les Grecs aigris par des differends de religion, & qui ne vouloient point fe foumettre à l'autorité du S. Siege,

DESMOU-
LINS.

mirent le feu aux maisons des Latins, maffacre- ROGER rent ceux qui leur tomberent entre les mains, & n'épargnerent pas même un Cardinal, appellé Jean, que le Pape, à la priere de l'Empereur, avoit envoyé pour travailler à la réunion des deux Eglifes. Les Prêtres & les Moines Grecs étoient les plus ardens à exciter ce maffacre; & pour encou rager les meurtriers, ils leur donnoient même de l'argent. Ces furieux entrerent dans l'Hôpital de faint Jean, dont nous venons de parler; tuerent impitoyablement les malades & les Religieux hofpitaliers qui les fervoient. A peine en rechapa-t-il un petit nombre, qui s'embarquerent sur un vaisfeau, & porterent dans la Palestine, les tristes nouvelles de ce cruel maffacre.

Ils trouverent l'Etat partagé & affoibli par des divifions domestiques, qui en avancerent la ruine. La lepre dont le Roi étoit attaqué, ne lui permettant point de se marier, ni même de tenir les 1178. rênes du gouvernement, il avoit fait épouser la Princeffe Sybille, fa fœur aînée, veuve du Marquis de Montferrat, à Guy de Lufignan, de la Maison de la Marche, fils de Hugues le Brun, que la devotion du tems avoit conduit dans la Palestine: Prince bienfait & de bonne mine, plus galant que guerrier: mais qui, après avoir fçu plaire à la Princeffe, n'eut pas de peine, par son credit, de gagner les bonnes graces du Roi.

Baudouin, depuis ce mariage, établit fon beaufrere Regent du Royaume, & ne fe réserva que le titre de Roi, & la poffeffion de la ville de Jerufalem, avec une penfion de dix mille écus d'or.

1182.

« AnteriorContinuar »