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ROGER »rir ici

DESMOU

LINS.

Spicil. t. 8.

P.489.

rir ici par vos ordres, ou en Syrie de la main » des Infideles: auffi-bien êtes-vous plus méchant que tous les Sarrafins. *

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Henry, foit par grandeur d'ame, ou qu'il craignît de fe commettre une feconde fois avec les Ecclefiaftiques, diffimula ces outrages. Mais on ne peut exprimer la douleur, & même la confufion du Grand Maître des Hofpitaliers, de se voir afsocié à un homme auffi violent que le Patriarche, & qui par fes emportemens, ruinoit tout le fruit qu'on eût dû justement efperer de leur negociation. Il n'oublia rien pour appaiser le Roi, qui parut donner fon reffentiment aux interêts de la religion. Ce Prince ramena même dans fon vaiffeau jufqu'en Normandie les deux Ambassadeurs de Jerufalem, qui celebrerent la fête de Pâques à Rouen.

On trouve dans la chronique de Trivet, que ce Prince leur donna de fon épargne, trois mille marcs d'argent. Un grand nombre d'Anglois, & plufieurs de fes autres fujets des Provinces d'en deça de la mer fe croiferent, & se joignirent aux François que Philippe II. faifoit paffer en Orient à ses dépens. Mais comme il n'y avoit point de Prince, ni de personne d'une assez grande autorité pour les commander & pour s'en faire obéir, on ne tira pas grand fruit de cet armement, & par le retour des Ambaffadeurs, la confternation fucceda aux fauffes esperances que le Patriarche avoit données de fa négociation.

* Fac de me quod de Thoma fecifti, adeo libenter volo à te occidi in Anglia, ficut à Sarracenis in Syria, quia tu omni Sarraceno pejor es. Chron. Joan. Brompt. in Henr. 2. p. 1145.

On ne fut pas long-tems à Jerufalem fans être inftruit de la conduite bizarre & emportée qu'il avoit tenue à la Cour d'Angleterre, tout le peuple fe déchaînoit contre lui; on disoit hautement que la vraie Croix, qui avoit été recouvrée autrefois par un Prince, appellé Heraclius, feroit reperdue fous le Pontificat & par la faute d'un Patriarche du même nom : tout le monde déteftoit fa violence, & on n'épargnoit pas fur-tout fa conduite, au fujet d'une femme qu'il entretenoit publiquement, plus connue fous le nom de la Patriarcheffe, que par le fien propre.

A ces plaintes contre ce Prélat, fuccederent de tristes préjugez qu'on faifoit de l'avenir; le Roi mourant, fon Succeffeur mineur, un Regent ambitieux, fans religion, foupçonné d'aspirer à la Couronne, & de s'entendre avec les Infideles, la tréve prête à finir, l'ennemi puissant & redoutable, peu de troupes, encore moins d'argent, differens partis, & des divifions toujours funeftes dans une minorité. Dans de fi fâcheufes conjonctures, furvint la mort du Roi : elle fut fuivie, sept mois après, de celle du jeune Baudouin V. fon neveu & fon fucceffeur. Les ennemis du Comte de Tripoli publioient que ce Prince avoit fait empoifonner le jeune Roi dans la vûe de lui fucceder, tant par les droits de fa naissance, que par fes propres forces, & le credit & la puiffance de fes partifans.

ROGER DESMOU

LINS.

Marin Sa

aut. Liv. 3.

part. 6. ch.

24, p. 147.

1186.

D'autres rejettoient un fi grand crime fur la Herold contin.Will.Tyr. mere même du jeune Baudouin, & on prétend 1.1.6.3. qu'elle avoit empoisonné fon fils pour regner elle

ROGER même, & pour faire regner Guy de Lufignan fon DESMOU- fecond mari. Ce qui fortifioit ces foupçons, c'est

LINS.

Ridefort.

que perfonne ne fçut jamais ni la maladie du jeune Prince, ni le moment de fa mort; que cetre Princeffe, après s'être affurée du Patriarche, du Gerard de Grand Maître des Templiers, & du Marquis de Montferrat, fit environner le Palais de troupes; que ce Grand Maître, qui avoit en dépôt la Cou ronne & tous les ornemens royaux, gagné par des fommes confidérables qu'on lui donna, les lui avoit remis sans la participation des Grands vold. ibidem de l'Etat, & que le même jour qu'on déclara la mort du jeune Roi, la Reine fa mere, & Guy de Lufignan, s'étoient fait proclamer Roi & Reine de Jerufalem.

Idem He

P. 8.

Les creatures du Comte de Tripoli, qui méprifoient Lufignan, s'oppoferent hautement à cette proclamation: & même Geoffroy de Lufignan, Prince d'une force de corps & d'une valeur-extraor dinaire, mais qui n'étoit pas prévenu en faveur du courage de Guy, ayant appris fon élevation fur le trône de laPalestine,ne put s'empêcher de dire d'une maniere à la verité peu chrétienne : » Ceux qui ont fait Roi mon frere, m'auroient fait Dieu, s'ils » m'euffent connu. La plupart des Grands de ce Royaume fe plaignoient de ce que le Grand Maître des Templiers, dépofitaire & gardien de la Couronne royale, l'avoit remife fans leur participation à la Reine, & fur-tout à Guy de Lufignan, qui n'y avoit aucun droit. Ces Seigneurs, les premiers de l'Etat, représentoient au peuple que dans la fituation où fe trouvoient les affaires de la Terre Sainte,

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ROGER

Sainte, on avoit befoin pour Roi, d'un Prince qui DESMOTfût Capitaine, & qui eût l'eftime & la confiance LINS. des gens de guerre; de guerre; & ils prétendoient même, que la Couronne ne pouvoit tomber que fur les mâles de la Maison royale; ce qui donnoit une exclufion entiere aux deux Princeffes, fœurs du jeune Baudouin. De fi hautes prétentions partageoient tous les Chrétiens de la Palestine: on leva des troupes de part & d'autre, & on étoit prêt d'en venir aux mains: mais heureusement l'affaire fe tourna en negociation.

Le Comte de Tripoli, qui faifoit agir secre tement la cabale oppofée à la Cour, fit dire par les principaux Seigneurs de fon parti, à la Princeffe Sybille, qu'ils confentiroient volontiers à lui mettre la Couronne fur la tête; mais, que fi elle vouloit un Roi pour mari, ils exigeoient qu'elle répudiât Lufignan,& qu'enfuite elle fift choix,pour partager fon trône & fon lit, d'un Prince capable de commander les armées, & de défendre l'Etat.

La Princeffe qui étoit habile, confentit à ces propofitions; mais elle exigea de fon côté que les Grands s'engageaffent par un ferment folemnel à reconnoître pour leur Souverain, celui qu'elle défigneroit pour fon mari. Les fermens furent faits d'autant plus facilement, que, quoique le Regent fût actuellement marié, fes partisans fe flattoient, à la faveur d'un pareil divorce, que le choix de la Princesse ne pourroit jamais tomber que fur ce Prince. Le Patriarche que la Reine avoit gagné par de groffes fommes d'argent, prononça fur le champ la fentence du divorce entre elle & Lu

езно

LIBRA

DESMOU

LINS.

ROGER fignan. L'hiftoire ne dit point de quels prétextes on fe fervit; mais après que le divorce eût été déclaré, & la Princeffe reconnue pour Reine, on la conduifit dans l'Eglife du faint Sepulchre, où elle reçut folemnellement la Couronne des mains du Patriarche. * Elle la tira auffi tôt de deffus fa tête, & la portant fur celle de Guy de Lusignan, l'embraffa comme fon mari, le falua comme Roi, & fe tournant vers les Grands étonnez de cette démarche : » Il n'appartenoit point aux hommes, leur dit-elle fierement, de feparer ce que Dieu » a uni. Le Grand Maître des Templiers, qui entroit dans cette intrigue, l'appuya de tout fon credit. Les Grands fe virent à la fin réduits à foufcrire à un choix qu'ils n'avoient pû empêcher; & le peuple toujours avide de Ceremonies, contre son ordinaire, vit cette derniere avec plus d'étonnement que de joye.

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Il n'y eut que le Comte de Tripoli, qui regarda le choix de la Reine, comme une injuftice qu'elle lui faifoit. On ne peut exprimer dans quelle fureur cette préference le précipita; iljura la per te de fon rival, & même celle des Templiers qui avoient eu beaucoup de part à fon élevation: & il ne se soucia pas de perir, pourvû qu'il pût entraîner tous fes ennemis fous fes propres ruines.

Plein de cet efprit de vengeance, & dans la refolution de facrifier tout à fon reffentiment, il se retira brusquement dans fes Etats. Saladin aussi

* Præfata Regina accepit coronam regiam in manibus fuis, & pofuit eam fuper caput Guidonis de Lufignan mariti fui, dicens: Egoeligo te in Regem & Dominum meum, & terræ Hierofolymitana, quia quod Deus conjunxit, homo feparare non debet, Rog, de Hoveden. p. 634.

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