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DESMOU
LINS.

habile politique que Grand Capitaine, n'eut pas RoGER plûtôt appris fon mécontentement, qu'il lui envoya fecretement un homme de confiance pour traiter avec lui. Cet envoyé lui reprefenta avec une franchise apparente, qu'il n'étoit pas de l'interêt de fon Maître de fouffrir un Royaume chrétien & indépendant, au milieu de tant d'Etats, qui compofoient fon Empire; mais que s'il vouloit se faire Mahometan, & fon Feudataire, il s'engageoit de le placer fur le trône de Jerufalem, & pour l'y maintenir, d'immoler à fa fureté tous les Templiers leurs ennemis communs.

Raimond aveuglé par sa paffion, consentit à tout: on prétend même que dès lors il fe fit circoncire. Mais pour mieux faire réuffir leurs deffeins, il convint avec cet Envoyé, qu'il ne feroit éclater fon changement de Religion, qu'après qu'il feroit monté fur le trône; & que pour pouvoir perdre plus fûrement le nouveau Roi, il se reconcilieroit avec lui.

Le perfide Comte dans cette vûe se rendit à Jerufalem; des amis communs qu'il fit agir, & qui n'avoient pour objet que d'éteindre la division, intervinrent de bonne foi dans cet accommodement; la paix fe fit; Raimond reconnut Lufignan pour Souverain; & ce Comte fi capable par sa valeur de défendre les faints Lieux, n'eut point de honte d'ajouter la trahison à l'apoftafie.

Saladin de concert avec lui, entra auffi-tôt dans la Palestine à la tête d'une puiffante armée : fon deffein étoit de faire le fiege d'Acre, la Ville de tout le Royaume la plus forte & la plus riche. On

DESMOU

LINS.

ROGER Comptoit dans fon armée près de cinquante mille chevaux fans l'infanterie; & la plupart de ces troupes étoient compofées des anciens habitans du pays, ou de leurs enfans, que les Rois de Jerufalem depuis la conquête de Godefroi de Bouillon en avoient chaffez. Tous revenoient à la fuite de Saladin dans l'efperance d'une prochaine conquête, & de rentrer dans l'heritage de leurs peres.

1187.

Tyr. Liv. 1. eb.s.

Le Sultan favorisé fecretement par le Comte de Tripoli, ne trouva point d'obftacle à sa marche, & venoit pour former le fiege de la ville 'd'Acre. Le Roi en avoit confié la défenfe aux deux Grands Maîtres, qui s'avançoient au devant de T'ennemi avec un grand nombre d'Hospitaliers & de Templiers: l'Etat n'avoit point de ressource Contin. Will plus affurée. Les deux Grands Maîtres ayant fait prendre les armes à la garnifon & à tous les habi tans, fortirent la nuit de la Place. Les Chrétiens tenant d'une main leur épée, & du feu dans l'au furprennent les Infideles, entrent dans leur camp, abattent les tentes, coupent la gorge à tous ceux qu'ils trouvent endormis, mettent le feu par tout. La terreur & la confternation se répandent dans l'armée ennemie; mais le jour qui commença à paroître, & la presence de Saladin les raffura; chaque corps fe rangea fous ses enfeignes, on en vint à un combat reglé, & on chercha à envelopper les Chrétiens.

tre,

Quoique les Infideles fuffent fuperieurs en nombre, les Religieux militaires qui n'avoient jamais compté leurs ennemis, font ferme, pouffent len

nemi qui fe trouve devant eux, s'attaci.ent.au:

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ROGER DESMOU

Saladin avoit rallié : tout comcorps même que bat, tout se mêle, on tue tout; des ruiffeaux de LIN fang coulent de tous côtez; point de quartier ni de prifonniers : une fureur égale animoit les foldats de chaque parti. Si Saladin dans cette action fit voir autant de conduite que de courage, les deux Grands Maîtres de leur côté, & foutenus de leurs braves Chevaliers, firent des prodiges de: valeur. Le Grand Maître Defmoulins, à la tête des Hofpitaliers, perça plufieurs fois les efcadrons ennemis; rien ne tenoit devant lui. Le Comte de Tripoli qu'on prétend qui se trouva masqué dans cette occafion, & qui combattoit en faveur des Infideles, pour fe défaire d'un Guerrier fi redoutable tua fon cheval, qui en tombant fe renverfa fur le Grand Maître, & le poids de fes armes l'empêchant de fe relever, les Infideles le percerent de mille coups après la mort, foit pour venger celle de leurs compagnons, ou que ces 1187. barbares craigniffent encore qu'un fi grand Capitaine ne fe relevât. * Plufieurs Hofpitaliers, en le défendant, fe firent tuer généreufement fur le corps de leur chef, & en voulant l'arracher à la fureur de ces barbares. Le combat ceffa par l'é puisement des deux partis, & il n'y eut que la retraite de Saladin qui fit préfumer que la plus granperte étoit tombée de fon côté.

de

Chronique

de Nangis.

Contin. Will.

ch.s.

Les Hofpitaliers chercherent fur le champ de Tyr. Liv. 4. bataille le corps de leur Grand Maître pour lui rendre les derniers devoirs. Après bien des foins,

* Eodem die videlicet Calendas Maii, fexaginta Fratres Templi & Summus Magifter Domûs Hofpitalis cum pluribus domûs fuæ Fratribus interfe&ti funt. Reg. Hoved. in Henr. 2.

DESMOU-
LINS.

ROGER on le trouva enfin fous un tas de Turcomans & de Sarrafins, qui avoient paffé par le trenchant de fon cimeterre, ou que fes Chevaliers après fa mort avoient immolez à leur reffentiment. Il fut porté dans Acre, & les funerailles de ce grand homme y furent célebrées par les larmesde fes confreres, & par l'affliction génerale de tous les habitans.

On proceda enfuite à l'élection de fon fucceffeur; comme l'ennemi étoit au milieu du Royaume, & qu'on étoit à la veille d'une nouvelle bataille, les Hofpitaliers comprirent bien qu'ils avoient plus besoin que jamais d'un Capitaine, & d'un habile Guerrier pour les commander. Le choix dans GARNIER cette conjoncture tomba fur Frere GARNIER natif de Napoli de Syrie, Grand Prieur d'Angle1187. terre, & Turcopolier de l'Ordre, titres inféparables: ce qui fait voir qu'en ce tems-là les dignitez n'étoient point encore attachées, comme elles le font à préfent; aux differentes Langues ou nations dont l'Ordre eft compofé.

DE SYRIE

Will. Tyr.

Liv. 19.C.24.

458.

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Les Turcopoles d'où a été formé le nom de Tur Liv. 1. ch.7. copolier étoient anciennement, au rapport de GuilLiv. 22. ch.9. laume de Tyr, des compagnies de chevaux legers. Affifes du L'origine de ce terme venoit des Turcomans, qui Royaume de Ferusalem.p appelloient en géneral Turcopoles les enfans nez d'une mere Grecque & d'un pere Turcoman, & 'Ile de Chy- qui étoient destinez à la milice. Ce fut depuis un pre par Ef. titre de dignité militaire dans le Royaume de tienne de Lu Chypre, d'où il étoit paffé dans l'Ordre de S. Jean. Albert. Acq. Mais les Hofpitaliers ne s'en fervoient que pour Liv. 5.c. 3. défigner le Colonel géneral de l'infanterie. Frere Garnier avoit réfidé quelque tems en Angleterre

Hiftoire de

fignan.

FRERE GARNIER DE NAPOLI

STRIE

8

MUITIEME G. MAITRE..

Cars Sculp

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