ERMEN- Vivres & de munitions dans fa Place: & au préjuGARDDAPS dice des affaires générales de la Chrétienté, & PREUVE même contre la fidelité qu'exigent des dépots, il détourna un argent confiderable que le Roi d'Angleterre, charmé de la réputation du jeune Conrard, lui avoit envoyé pour fortifier fa Place & entretenir la garnifon. c'eft ce que nous apprenons d'une lettre du jeune Conrard à l'Archevêque de Cantorberi : Je fuis odieux, dit-il, à Guy de Lufignan, autrefois Roi de Jerufalem, & au Grand Maître des Templiers, parceque » j'ai confervé, & que je conferve encore actuellement la Ville de Tyr contre tous les efforts des Infidéles. On attaque mon honneur; on déchi» re ma réputation; on empêche qu'il n'entre du » fecours dans la Place, & ce qui eft de plus criant, » le Grand Maître des Templiers s'eft emparé de l'argent que le Roi d'Angleterre m'avoit envoyé ce qui m'oblige de vous en porter mes » plaintes les larmes aux yeux. A l'égard des Hofpitaliers, je ne puis que m'en louer, & je prends » Dieu à témoin & vous même, de ma fincere reconnoissance pour des gens qui, depuis qu'ils » ont pris les armes pour la défense de la Place, n'ont ceffé de nous rendre des fervices trèsutiles: & bien-loin de retenir comme les Templiers cette partie des deniers du Roi d'Angle» terre qu'ils devoient nous fournir, nous vous affurons qu'ils ont employé encore plus de huit mille pieces de leur argent à la défense de la » ville de Tyr, & pour l'empêcher de tomber fous la domination des Infidéles, qui malgré leur " دو : puiflance puiffance formidable, ont été obligez de lever ERMENhonteufement le fiege, &c. Saladin, après avoir abandonné cette entreprise porta fes armes avec plus de fuccès dans la principauté d'Antioche. Il se rendit maître de vingtcinq villes ou châteaux, où il mit de puissantes garnifons qui tenoient la Capitale comme bloquée. Tous les Gouverneurs & les Magiftrats, dans la crainte de la mort ou du pillage, alloient bien. loin au-devant du vainqueur prendre des chaînes; tout plioit sous une puissance aussi formidable, & il ne reftoit plus aux Chrétiens qu'Antioche, Tyr & Tripoli. GARDDAPS Le Comte de Tripoli, le malheureux inftrument de la perte de la Terre Sainte, voyant fon ennemi détrôné, fugitif & errant dans fes propres Etats, fomma Saladin en execution de leur traité, de lui en remettre la Couronne, & de lui livrer les Places dont il lui avoit facilité la conquête par fa fuite à la bataille de Tiberiade. Mais le Sultan méprisant le traître dont la trahison lui avoit été fi utile, ne répondit à fes prétentions que par des railleries ameres. Le Comte outré de fon manque de parole, & fe voyant devenu odieux & execrable aux deux partis, s'abandonna au défefpoir; fa in amentiam raison se troubla, il tomba dans une espece de frénéfie, & mourut peu après, toujours agité de colere & de fureur. En le dépouillant pour l'enfevelir, on apperçut qu'il s'étoit fait Mahometan.* *Res diffimulari non potuit; nam corpore defuncti nudato, quia nuper Circumcifionis ftigma fufceperat, apparuit; undè palam fuit quòd fe Saladino confœderans fectam farracenicam ceperat obfervandam, poftquam Tripolis urbis dominium filius principis Antiochiæ de jure obtinuit parentela. Nangis ibid. Ex doloris vehementia horrenda morte verfus, hote defecit. will. p.432. Neub. Liv. 3. ERMIN- La Comteffe fa veuve qu'il avoit laiffée fans enGARDDARS fans, & qui se voyoit fans reffource, appella à fon fecours Raimond Prince d'Antioche, auquel comme au plus proche parent, elle remit Tripoli & les dépendances.", Les armées nombreuses de Saladin, & la rapidité de fes conquêtes ne laiffant plus d'efperance aux Chrétiens Latins, que dans les Princes d'Occident, l'on députa Guillaume Archevêque de Tyr, Auteur de l'hiftoire de la Terre Sainte, pour aller implorer leur fecours. Cet Ambassadeur passa d'abord en Italie, & il apprit à Urbain III. qui étoit alors fur la Chaire de S. Pierre, le malheureux fuccès de la bataille de Tiberiade, & la perte de Jerufalem. A ces triftes nouvelles, toute l'Europe fut conf ternée; on prétend que le Pape en mourut de douleur. Grégoire VIII. fon fucceffeur, mais qni ne tint le S. Siege qu'environ deux mois, ordonna des jeûnes & des prieres publiques. Les peuples d'Italie faifis d'étonnement & d'affliction, s'écrioient qu'ils étoient indignes du nom de Chrétiens, & d'avoir jamais part au Royaume des cieux, s'ils n'alloient délivrer l'héritage du fils de Dieu de la domination des Infidéles. Un Auteur contemporain ajoute que les Cardinaux promirent * de renoncer à toute forte de délices, de ne plus recevoir aucuns préfens de ceux qui avoient des affaires en Cour de Rome, de ne point monter Fitmirer inter fe promiferunt quòd de cætero nulla munera recipient. ab aliquo qui caufam habeat in Curia; non afcendent in equum quamdiù terra in qua pedes Domini fteterunt, fuerit fub pedibus inimici Roger de Hoveden, p. 636. à cheval, tant que la Terre Sainte feroit foulée ERMENpar les Infidéles; de fe croifer les premiers, d'al- CARDDaps ler dans cette guerre fainte à pied à la tête des Pelerins, & même en demandant l'aumône par les chemins. Mais il y avoit dans tous ces difcours plus d'oftentation que de zele, & de veritable pieté. Les Cardinaux resterent à Rome; il ne fe fit même aucun changement dans leurs mœurs & l'ambassade de l'Archevêque de Tyr n'auroit pas eu plus de fuccès que celle d'Heraclius Patriarche de Jerufalem dont nous venons de parler, si l'Empereur Frederic I. Philippe II. Roi de France, & Henri II. Roi d'Angleterre ne s'étoient génereusement croisez avec la plupart des Princes de l'Europe. , 15 Juillet. Le Pape Clément III. qui avoit fuccedé à Grégoire VIII. au défaut de fecours plus effectifs, nomma l'Archevêque de Tyr Légat du S. Siége, & il lui donna pour collegue le Cardinal Henri, Evêque d'Albano. Ces Prélats engagerent les Rois de France & d'Angleterre à fe trouver à une conference qui fe tint entre Trie & Gifors, Place 1188. qui appartenoit alors au Roi d'Angleterre en qualité de Duc de Normandie. L'Archevêque de Tyr pénetré de douleur, tâcha de leur inspirer le même zele dont il étoit lui-même rempli. Il représenta dans une fi augufte assemblée les gémissemens de la fainte Cité tombée fous la domination des Infidéles; la perte de tant de Chrétiens immolez à la fureur des barbares; la prifon des uns, l'exil des autres; & ce qui étoit de plus déplorable, de jeunes enfans de l'un & l'autre fexe nez GARDDAPS ERMEN- libres & devenus esclaves avant que de connoître tout leur malheur, & qui feroient élevez dans l'erreur après que ces Infidéles auroient prévenu & féduit leur raifon. Il entra enfuite dans le détail des artifices & des cruautez dont ces barbares fe fervoient tour à tour pour pervertir ceux qui étoient plus âgez; & il fit une peinture fi touchante de l'état affreux où les Chrétiens Latins étoient réduits, que fondant lui-même en larmes, il en tira de tous les fpectateurs. 1188. Les deux Rois presque toujours en guerre l'un contre l'autre, étoient prêts de reprendre les armes; mais au récit des malheurs de la Ville fainte, tout fe pacificia; lès interêts differens se réunirent dans le feul objet de délivrer la Palestine de la domination des Infidéles. Philippe & Henri s'embrasferent, prirent la Croix, & promirent de joindre leurs forces, & de paffer de concert en Orient. Il fe tint dans leurs Etats differentes affemblées pour trouver les fonds néceffaires à un fi grand armement ; & en France & en Angleterre, on convint que tous ceux qui ne feroient pas croifez, donneroient au moins la dixme de tous leurs biens, meubles & immeubles ; ce qui fit appeller cette forte d'impofition LA DIXME SALADINE, parceque le principal objet de la levée de ces deniers, étoit de fournir aux frais de la guerre qu'on devoit faire à ce Prince. Les Ordres de Cîteaux, des Chartreux, de Fontevraux, & la Congregation des Freres Lépreux furent exempts de cette fubvention. Pierre de Blois prétendit à leur exemple, que le Clergé Séculier n'y devoit pas être |