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noire calomnie: » Nous voulons, ajoute le Pape, GUERIN » que vous les honoriez, & que vous les aimiez : MONTAIGU » & nous vous commandons d'en prendre foin,

» comme vous le devez faire, à l'égard de ces gé- PREUVA » nereux défenfeurs de la foi Chrétienne. *

On ne pouvoit en ce tems-là donner une preuve plus fure de la pureté de fa foi & de fon attachement au faint Siege, qu'en prennant l'habit d'un des Ordres militaires; la plûpart même des Princes & des plus grands Seigneurs vouloient mourir, & être enfevelis avec la Croix : c'est ainsi qu'en ufa Raimond Comte de Toulouse, Marquis de Provence. On fçait que ce Prince, un des plus grands. & des plus puiffans Feudataires de la Couronne de France, foupçonné d'avoir fait perir un Legat du Pape, & de favoriser les Albigeois, avoit été enveloppé dans une excommunication prononcée contre ces heretiques fes fujets, & en consequence privé de la plus grande partie de fes Etats. Il n'y avoit eu rien de fi humiliant dans la penitence canonique, à quoi il ne se fût foumis pour s'affranchir de ce funefte lien, mais ceux qui avoient profité de fa dépouille, lui tenoient les portes de l'Egli fe fermées, de peur de lui ouvrir celles de fes Etats.. Ils l'auroient volontiers reconnu pour catholique, s'il eut pû fe réfoudre à renoncer au Comté de', Touloufe: enfin ce Prince, qui avoit tant d'interêt de conserver au jeune Raimond fon fils; les-> Etats qu'il tenoit de fes ancêtres, crut trouver plus ·

*Volumus & præcipimus ut eos tanquam veros Chrifti athletas, & præcipuos Chriftianæ fidei defenfores ftudeatis honorare, diligere,ac fovere, eorum fuper hoc declarantes innocentiam, & fidei virtutis conftantiam prædicantes. In Archivo Vaticano ex registro Honorii III. tom. 2. fol. 30.

V..

GUERIN d'accès & de facilité auprès du Pape qu'auprès de MONTAIGU fes Légats & de fes Miniftres, & il entreprit le voya

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ge de Rome. Il n'y fut pas plutôt arrivé, qu'il fit demander une audience au Pape, & l'obtint facilement. Le Pape considerant la naissance, la dignité & l'âge de ce Prince, le reçut en plein Confiftoire. Raimond, après avoir parlé de la gran. deur de fes ancêtres, de leurs vertus & de la pureté de leur religion, fit enfuite fa confeffion de foi, & en mettant la main fur la poitrine, pour affirmer la verité de fon discours, il protefta par tout ce qu'un Chrétien devoit avoir de plus cher, qu'il ne s'étoit jamais éloigné des principes de la foi & de la foumiffion qu'il devoit au Vicaire de Jesus Christ. De là il passa à la pénitence honteuse que les Légats lui avoient impofée, & qu'il avoit effuyée dans la ville de S. Gilles, où à la vûe de fes fujets il avoit été traîné la corde au col, & foueté d'une maniere fi ignominieuse. Il déniahautement le meurtre du Légat qui en avoit été le motif, & il finit en fe plaignant de Simon de Monfort Géneral de la Ligue contre les Albigeois, qui fous le voile de la religion, ne cherchoit qu'à fe faire un grand établissement dans le Languedoc.

On prétend que le Pape, au récit des malheurs de ce Prince, ne put retenir fes larmes, & qu'il écrivit même en fa faveur à fes Légats: mais, foit qu'ils fuffent perfuadez que Raimond dans le fond de fon cœur étoit héretique, foit qu'ils ne prétendiffent qu'à perpétuerune inquifition dont ils avoient toute l'autorité, ils eurent peu d'égard aux ordres du Pape. Ce Prince, pour détromper au moins le

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public, quelque tems après fon retour d'Italie, GUERIN déclara par acte public & autentique, qu'il s'en- MONTAIGU gageoit de prendre l'habit & la croix des Hofpitaliers, & qu'en cas qu'il fût prévenu par la mort, fon intention étoit qu'on l'enterrât dans l'Eglise des Hofpitaliers de Toulouse: il n'y avoit pas dans ce fiecle de marque plus autentique d'une parfaite catholicité.

Son Historien rapporte que depuis ce tems-là, ce Prince, à l'exemple des Hofpitaliers, nouris foit tous les jours un certain nombre de pauvres, & qu'il les faifoit revêtir tous les ans. On le voyoit, dit-il, tous les matins à la porte de l'Eglife de

Notre-Dame de la Daurade à
genoux & nue
tête, faire de longues & ferventes prieres, &
enfin pratiquer tous les exercices d'un veritable
Hofpitalier. Ce fut dans cette difpofition qu'il fut
furpris d'une attaque d'apoplexie; il envoya cher-
cher fur le champ Jourdain Abbé de faint Ser-
nin, pour le réconcilier à l'Eglife & lui adminis_
trer les Sacremens, & on avertit en même tems
les Hofpitaliers de Toulouse de l'extrêmité à la-
quelle ce Prince étoit réduit. Mais quand l'Abbé
de faint Sernin arriva, il avoit déja perdu la pa
role; cependant il levoit les yeux au Ciel, fes
mains étoient jointes; il donnoit tous les fignes
de pénitence qu'on peut exiger d'un bon chrétien,
& on lifoit fur fon visage les mouvemens de fon
cœur. Les Chevaliers de faint Jean étant accou-
rus, jetterent fur lui un manteau de l'Ordre qu'on
voulut retirer fous prétexte de l'excommunica-
tion; mais le Comte le retint avec les mains, & il

GUERIN baifoit dévotement la croix coufue fur ce manteau: MONTAIGU il mourut un moment après, & l'Abbé de faint

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Sernin, quoique effrayé des foudres du Vatican 221. qu'on avoit lancé contre ce Prince, ne put s'empêcher de dire aux assistans : Priez Dieu pour lui, je le crois fauve: il prétendoit même retenir son corps, parcequ'il étoit mort dans fa Paroisse. Mais le jeune Prince voulut qu'on fuivît les intentions de fon pere; les Hofpitaliers l'emporterent dans leur Maifon, où il avoit élû fa fépulture. Cependant à cause de l'excommunication, ils n'oferent l'enterrer dans leur Eglife; mais ils le mirent décemment dans un cercueil où l'on trouva encore fon crane entier en 1630.

I222.

Voyez le Mi

voir hift. 1. 13. c.15. p. 166.

La France perdit l'année fuivante le Roi Philippe II. & l'Ordre des Hofpitaliers un genereux, 14 Juillet. bien-faiteur. Ce Prince étant tombé malade, & fe fentant affobli, fit fon teftament, & parmi un grand nombre de legs pieux, il donna cent mille livres au Roi de Jerusalem au Roi de Jerusalem pour la défense de la Terre Sainte, & pareille fomme aux Hofpitaliers de faint Jean & aux Templiers. * Frere Guerin ou Garin, premier Miniftre, qui avoit inspiré à ce Prince de si saintes difpofitions, en fut nommé pour executeur avec Barthelemi de Roye, Chambrier ou Chambellan de France, & Frere Aimar, Tréforier du Temple. La Reine après la mort du Roi fon mari, fonda à Corbeil un Prieuré pour treize Chapelains de l'Ordre des Hofpitaliers, à

* Rex Philippus viam univerfæ carnis ingreditur, relinquens tria mildia libratum Parifienfium in fubfidium Terra Sanctæ, centum millia in manibus Regis Joannis, & centum millia in manibus Magiftri Hofpitalis, & centuin millia in manibus Magiftri Templi. Sanut. l. 3. c. 10. p. 210.

par

A

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1223.

condition d'y celebrer tous les jours trois meffes GUERIN pour le repos de l'ame de ce grand Prince. La fon- MONTAIGU dation fut agréée par le Grand Maître de Montaigu & par le Confeil de l'Ordre, & confirmée les Bulles du Pape Honoré III... Cependant, comme l'affaire de la Terre Sainte étoit alors l'affaire de toute la Chrétienté, ilfe tint à Ferentino dans la Campanie, une celebre affemblée pour déliberer fur le fecours qu'on y feroit paffer. Le Pape Honoré III. & l'Empereur Frederic II. s'y rendirent l'un de Rome & l'autre de fon Royau me de Sicile, & on y vit arriver d'outre-mer, Jean Roi de Jerufalem, le Patriarche de cette Ville, le Légat Pelage, l'Evêque de Bethléem, Frere Guerin de Montaigu Grand Maître des Hofpitaliers, un Commandeur des Templiers, & Hermand de Saltza, quatriéme Maître des Teutoniques, ou des Chevaliers Allemans. Le Pape preffa l'Empereur d'accomplir la promeffe qu'il avoit faite en prenant la Croix, de conduire lui-même un puissant secours à la Terre Sainte; & pour l'y engager, l'Imperatrice Conftance fa femme étant morte, Here mand de Saltza lui proposa d'épouser la Princesse Yolande fille unique & heritiere du Roi de Jerufalem, le Maître des Teutoniques conduifit cette négociation avec tant d'habileté que ce mariage fut arrêté, & l'Empereur promit avec ferment de paffer en Palestine, de la faint Jean prochain en deux ans. Il époufa depuis la Princeffe; mais contre la parole expreffe qu'il avoir donnée au Roi de Jerufalem de le laiffer jouir fa vie durant de cet Etat, il l'engagea par une abdication forcée à lui

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