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» Voyant que l'Empereur Frederic négligeoit fon GUERIN falut, & differoit d'accomplir le vœu qu'il avoit MONTAIGU. fait de passer à la Terre Sainte, Nous avons tiré

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» contre lui le glaive médicinal de Saint Pierre, publiant en efprit de douceur la Sentence d'ex

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» communication.

L'Empereur furpris & irrité de la conduite du Pape, envoya de fon côté une Lettre patente en forme de manifefte à tous les Souverains de la Chrétienté, dans laquelle, après avoir pris Dieu à témoin de la maladie qui l'avoit forcé à débarquer, il fe plaint amérement de la précipitation du Pape, & il declare qu'il fe remettroit en mer fi-tôt qu'il auroit recouvré fa fanté. Dans la Lettre qu'il écrivoit en particulier au Roi d'Angleterre, & que Mathieu Paris nous a confervée, il fe répand en invectives contre la Cour de Rome: : » » Les Ro » mains, dit-il, brûlent d'une telle passion d'ama£ » fer de l'argent de tous les pays de la Chrétienté, qu'après avoir épuisé les biens des Eglises par»ticulieres, ils n'ont point de honte de dépouiller » les Princes fouverains, & tâchent de rendre les Têtes couronnées, tributaires. Vous en avez » vous-même, dit il au Roi d'Angleterre, une preuve bien fenfible dans la perfonne du Roi Jean votre pere. Vous avez celui du Comte de Toulouse, & de tant d'autres Princes dont ils » ont mis les Etats en interdit, & qu'ils n'ont ja → mais voulu lever jufqu'à ce qu'ils ayent pris des fers, & fe foient foumis à la fervitude. Que ne peut-on pas dire des exactions inouies qu'ils exercent fur le Clerge; & des ufures manifestes ou

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1228

GUERIN

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MONTAIGU.

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» palliées dont ils infectent tout le monde chrétien ? & au travers de ces brigandages, ces fang» fues veulent faire paffer la Cour de Rome pour » l'Eglife notre Mere. L'efprit & la conduite de >> l'une & de l'autre nous en apprend la difference; la >> Cour de Rome envoye de tous côtez des Legats » avec pouvoir de punir, de fufpendre & d'excommunier; au lieu que la veritable Eglife remplie → d'un efprit de charité, n'en envoye que pour ré» pandre la parole de Dieu; l'une ne cherche qu'à » amaffer de l'argent, & à recueillir ce qu'elle n'a point femé, & l'autre a dépofé fes trésors dans de faints Monasteres pour la nourriture des pau» vres & des pelerins; & maintenant ces Romains indignes de ce grand nom, fans courage & même >> fans noblesse, enflez feulement d'une vaine fcien»ce, veulent s'élever au-deffus des Rois & des Empereurs. Enfin, ajoute ce Prince, l'Eglife a été fondée fur la pauvreté & la fimplicité, & perfon »ne ne lui peut donner d'autre fondement que celui qui y a été mis de la main de Jesus-Christ, qui en eft en même tems la pierre fondamentale >>&l'architecte..

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Quoiqu'on ne puiffe pas excufer l'aigreur dont cette Lettre eft remplie, il eft pourtant certain que les Papes fe fervirent fouvent de ce prétexte des Croifades, pour tenir les Princes & leurs fujets dans la dépendance de la Cour de Rome. Il n'eft pas moins vrai auffi que la plupart des Souverains de leur côté n'étoient pas fâchez de voir

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Sed aliud fundamentum nemo poteft ponere ; præter illud quod pofitum eft à Domino Jefuac ftabilitum, Matt Paris in Henr, III, ann. 1278. 2. 347.348.

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les Ducs, les Comtes & les autres grands Vaffaux de GUERIN leurs Couronnes, s'éloigner pour ces expeditions MONTAIGU. lointaines, & leur laiffer par leur abfence, fouvent fuivie de leur mort, une autorité plus abfolue dans leurs Etats; c'est ainfi que l'interêt & l'ambition tournoient à leur profit, une inftitution fainte, qui dans son origine, n'avoit eu pour objet que de délivrer les Eglifes de l'Orient de la tyrannie des Infideles.

Cependant Frere Guerin de Montaigu, Grand Maître des Hofpitaliers, celui des Templiers, & la plûpart des Prélats de la Palestine, écrivirent au Pape qu'ils étoient dans une défolation extrême de n'avoir point vû arriver l'Empereur au paffage du mois d'Août. Les Croisez, difent-ils, qui étoient venus en Syrie au nombre de près de quarante mille hommes, font repaffez en Occident fur les mêmes vaiffeaux qui les avoient amenez: il n'est resté qu'environ huit cens Chevaliers, qui tous de mandent leur congé, ou qu'on rompe la tréve. On a tenu Conseil à ce fujet, & le Duc de Limbourg, qui commande ici pour l'Empereur, étoit d'avis qu'on recommençât la guerre: mais on lui a reprefenté qu'avec des forces fi inferieures à celles des Sarrafins, il feroit dangereux de l'entreprendre, & encore moins honnête de violer un traité confir mé par des fermens folemnels. Ceux du Confeil qui étoient de l'avis du Duc, ont repliqué que lo Pape ayant géneralement excommunié tous les Croifez qui ne fe rendroient pas à la Terre Sainte, quoiqu'il n'ignorât pas que la tréve devoit durer encore deux ans, c'étoit une preuve que le Chef vifible de l'Eglife ne prétendoit pas qu'on la dût

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GUIRIN garder. Sur cela, on a réfolu de marcher à JerusaMONTAIGU. Tem; & pour en faciliter les approches & la con. quête, il a été arrêté qu'on s'affureroit de Cefarée & de Jaffa, dont il faudroit enfuite relever les fortifications.

1228.

23 Mars.

Cette Lettre finit par des inftances très-pref fantes pour obtenir de nouveaux fecours: le Pape infera une copie de cette Lettre dans une des fiennes qu'il adreffoit à toute la Chrétienté, en datte du 23 Decembre 1227: d'où il n'est pas difficile de conclure que fon intention étoit qu'on rompît la tréve faire avec les Infideles.

Cependant il continuoit à fulminer contre l'Em pereur avec plus d'animofité que de zele : il l'excommunia même de nouveau le jour du Jeudi Saint. Mais les Barons Romains & tout le peuple fcandalifez de la paffion de ce Pontife, & qu'il traitât fi indignement un Empereur Chrétien & un Roi des Romains, prirent les armes en fa faveur. Le Pape qui vit avec douleur qu'il n'étoit pas le plus fort dans la Capitale du monde chrétien, fut obligé de se retirer à Perouse avec toute fa Cour. L'Empereur ne se contenta pas de l'avoir chaffé de Rome. Ce Prince naturellement cruel & vindicatif, maltraita tous ceux qu'il foupçonna d'être attachez au fouverain Pontife, les Hofpitafiers & les Templiers dévouez aux interêts du faint Siege, éprouverent dans les Etats que l'Empereur poffedoit en Italie, de cruelles perfecutions de la part de fes Officiers; * on chaffa ces Cheva

Tum etiam quia Templarios & Hospitalarios bonis mobilibus & im mmobilibus quæ habebant in regno, temerè fpoliavit, Rain. ad ann, 1228%.

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liers, fous differens prétextes, des terres qu'ils pof- GUERIN fedoient; on leur enleva jufqu'à leurs efclaves, & MONTAIGU. l'on pilla leurs maisons. L'Empereur ne s'en tint pas là, & pour faire fentir au Pape combien il s'en tenoit offenfé, il envoya des troupes dans fes Etats qui ravagerent la Marche d'Ancone & le Patrimoine de faint Pierre: & comme s'il eût voulu infulter à la puiffance des Clefs, il se servit pour cette expedition de foldats Sarrafins fes fujets en Sicile, que leur incredulité mettoit hors d'atteinte de l'excommunication.

C'est ce que nous apprenons d'une Lettre du Pape adreffée aux Evêques de la Pouille. » Afin, » dit ce Pontife, de ne point paroître ménager les hommes au préjudice des interêts de l'Eglife, "nous avons excommunié folemnellement Fre» deric Empereur pour n'avoir pas paffé à la Terre Sainte, ni fourni les troupes & l'argent qu'il avoit promis, & pour avoir dépouillé les Hofpitaliers & » les Templiers des biens qu'ils poffedoient dans le Royaume de Sicile. Nous avons ajouté à l'ex ́» communication, un interdit géneral fur toutes >> les Eglifes où il se presentera pour affifter au fer» více divin; & fi malgré nos justes défenses, il y

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affifte, nous procederons de nouveau contre lui, » comme contre un'heretique declaré. Enfin, s'il » continue de méprifer les foudres de l'Eglife, nous abfoudrons de leur ferment, tous ceux qui lui »ont juré fidelité, particulierement ses sujets du Royaume de Sicile, parceque, fuivant le fenti>>ment du Pape Urbain II. On n'eft point obligé de » garder la foi à ceux qui s'opposent à Dieu & à fes

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