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ce traité fecret, le perfide Grec, bien loin de fe rendre dans l'armée Chrétienne, de la fournir de vivres, & de joindre fa flote à celle des Latins, comme il s'y étoit engagé par le traité de Conftantinople, il donna des ordres secrets aux Géneraux de fon armée, de cotoyer celle des Latins; & fes troupes de concert avec celles de Soliman, tailloient en pieces les foldats qui s'écartoient, foit pour chercher des vivres, foit pour aller au fourage.

Le Sultan ne fe fioit pas tellement au traité qu'il venoit de faire avec l'Empereur, qu'il ne fongeât en même tems à fe procurer des fecours plus affurez. Il eut recours aux Sultans d'Antioche, d'Alep, de Bagdat & de Perfe, tous Princes de fa Nation, de la même Maison, & intereffez comme voifins à empêcher fa ruine. Ces Princes mirent auffi-tôt de puiffantes armées fur pied : & fi la France entiere, pour ainfi dire, étoit paffée en Orient avec les Croifez, il fembloit d'un autre côté que la meilleure partie de l'Afie eût pris les armes dans cette occafion.

Unfigrand armement allarma le Calife d'Egypte, dont l'Empire's'étendoit en Syrie, & jufqu'à Laodicée. Ce Prince Arabe d'origine, & chef de la secte d'Ali, dans la crainte que les Turcomans qui reconnoiffoient pour le fpirituel le Calife de Bagdat, fous prétexte de s'opposer aux Chrétiens Latins, ne tournaffent contre lui leurs armes, envoya des Ambassadeurs aux Croisez pour leur propofer une ligue contre tous les Turcomans. Et comme il n'ignoroit pas que la conquête de Jerufalem étoit le prin

cipal objet de l'armée Chrétienne, on convint par Raimond un traité qu'il se déclareroit contre leurs ennemis d'Agil. communs; que chacun les attaqueroit de son côté; que la Capitale de la Judée demeureroit aux Chrétiens Latins avec toutes fes dépendances; qu'à fon égard il rentreroit en poffeffion des autres Places que les Turcomans lui avoient enlevées ; & que fi on étendoit les conquêtes jufques fur les terres des ennemis, on les partageroit également.

Les Princes Chrétiens ayant figné ce traité, le renvoyerent au Calife avec fes Ambaffadeurs, qu'ils firent accompagner par d'autres de leur part, pour affifter en leur nom à la ratification de ce traité.

Mais l'habile Calife, qui vouloit régler fa conduite par les évenemens, retint les Ambaffadeurs à la Cour fous differens prétextes, pour voir, avant que de se déclarer plus ouvertement, de quel côté la victoire fe tourneroit.

Par le traité que les Croisez avoient fait avec l'Empereur Alexis, ils s'étoient engagez, comme nous l'avons dit, de lui remettre toutes les Places de l'Empire qu'ils prendroient fur les Infideles, ou de les tenir de lui comme fes Vaffaux; & l'Empereur de son côté devoit envoyer ses troupes à la grande armée, & fournir aux Latins des vivres jufqu'à la conquête de Jerusalem.

Mais comme le Prince Grec viola ouvertement

fa parole, les Croisez prétendirent être quittes de leurs engagemens. Ces Princes, après la prise de Nicée, continuerent leur route & leurs conquêtes, & ils féparerent leurs troupes pour les faire subsister plus aifément. Ceux qui commandoient ces diffe

21 Octobre

rens Corps, s'emparerent de la plupart des Places de la Natolie. Toute la Cilicie plia fous l'effort de leurs armes ; Baudouin frere de Godefroy se rendit maître du Comté d'Edeffe, dont les peuples quoique foumis aux Turcomans, étoient la plûpart Chrétiens; & pour se fortifier contre les Înfideles, il fit alliance avec un Prince d'Armenie dont il époufa la niéce.

y

La grande armée des Latins avançant dans la Sy rie, vint jufqu'à Antioche, & en forma le fiege. Il avoit dans cette Place une armée entiere pour garnison, & differents corps de Turcs s'étant avancez au fecours de cette Place, tenoient les Chrétiens eux-mêmes affiegez. Le fiege d'Antioche, au bout de sept mois, n'étoit gueres plus avancé que le premier jour, & on auroit été contraint de le lever, fans l'adreffe de Boëmond, qui gagna un desprincipaux habitans. A la faveur de cette intelligence, il trouva une des portes ouverte. Ce Prince, à la tête des troupes qu'il commandoit, entra dans Antioche; & arbora le premier fes étendarts au haut des tours de cette Place. Les Croisez, en reconPREUVE III. noiffance, lui en cederent la fouveraineté, & il conferva depuis par fa valeur une Principauté qu'il avoit. acquife par fon habileté; Prince jeune, bien fait,, adroit, infinuant, auffi grand politique que grand Capitaine, & de qui la Princeffe Anne, dans l'hif toire de l'Empereur Alexis fon pere, dit tant de bien & tant de mal; l'un & l'autre peut-être pour avoir trouvé ce jeune Prince trop à fon gré. La prife d'Antioche, & une victoire fignalée que Boëmond remporta remporta fur Querbouca,, Général de

1098.

18 de Juin.

Berearuc

Berearuc, Sultan de Perfe, & fils de Gellaleden, laiffoit les chemins libres pour la conquête de Jerufalem. Mais le Calife d'Egypte les prévint & ce Prince infidele profitant du désordre où se trouvoient les Selgeucides, fe mit en campagne, & reprit la Capitale de la Judée, dont ces Turcomans s'étoient emparez depuis environ trente-huit

ans.

Le Calife d'Egypte voyant les Chrétiens & les Turcomans également affoiblis par tant de sieges & de combats, trouva que fes interefts avoient changé avec la fortune. Il renvoya aux Croisez leurs Ambaffadeurs fans vouloir ratifier le traité conclu avec ses Miniftres, & il chargea les Ambas fadeurs Chrétiens de dire à leurs maîtres, qu'ayant été affez heureux pour reprendre avec fes armes feules une Place dont fes prédeceffeurs étoient en poffeffion depuis plus de quatre cens ans, il fauroit bien la conferver fans aucun fecours étranger; cependant que les portes en feroient toujours ouvertes aux Pelerins Chrétiens, pourvû qu'ils ne s'y présentaffent qu'en petit nombre, & fans armes.

Les Croisez irritez de fon manque de parole & fans s'inquiéter beaucoup de fa puissance, lui firent dire qu'avec les mêmes clefs dont ils avoient ouvert les portes de Nicée, d'Antioche, de Tarfe & d'Edeffe, ils fçauroient bien ouvrir celles de Jerufalem. Ces Princes, après avoir laiffé repofer leurs troupes pendant l'hyver & une partie du printemps, marcherent droit à cette Capitale de la Judée, & y arriverent le feptiéme de Juin

1099. 7 Juin.

Provence

par

Bouche.

t. 1. P. 32.

la

de l'année 1099. De ce nombre infini de Croifez qui étoient partis de l'Europe, & qu'on fait monter à près de fept cens mille hommes, plûpart avoient péri, foit dans les combats, foit par

les maladies & par les défertions, fans compter les garnifons qu'il avoit fallu laiffer foit dans la Cilicie, foit dans le Comté d'Edeffe, & dans la Principauté d'Antioche; en forte qu'à peine restoitil aux Princes croisez vingt mille hommes d'infanterie, & quinze cens chevaux en état de combattre.

Le Calife, ou pour mieux dire, Aladin, Soudan & General de ce Calife, avoit fait entrer jusqu'à 40000 hommes de troupes reglées dans la Place, outre vingt mille habitans, Mahometans de religion, auxquels il avoit fait prendre les armes. Le Gouverneur de la Ville fit enfermer en même tems en differentes prisons les Chré tiens qui lui étoient fufpects, & entr'autres l'Administrateur de l'Hôpital de Saint Jean de Jerufalem.

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à

Hiftoire de C'étoit un François appellé GERARD, né, ce que rapportent quelques Hiftoriens, dans l'Ile de Martigues en Provence, que le défir PREUVE IV. de vifiter les Saints Lieux avoit conduit à Jerufalem, & qui après avoir été témoin de la charité qui s'éxerçoit dans l'Hôpital de Saint Jean, touché d'un fi grand exemple, s'étoit dévoué depuis long-tems au fervice des Pelerins, en même tems qu'une Dame Romaine d'une illuftre naiffance, nommée Agnés, gouvernoit la maison destinée à recevoir les perfonnes de fon fexe.

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