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DE VILLE

le premier. Mais, ce n'eft pas en cela feul que PIERRE depuis long-tems les Templiers & les Hofpi- BRDE. » taliers ne font point scrupule de violer les statuts » de leur profeffion. D'où vient, par exemple, que » ces Chevaliers qui par leurs loix, ne doivent au plus abandonner pour leur rançon que leur ca→puce ou leur ceinture, nous offrent aujourd'hui de fi groffes fommes, fi ce n'eft pour se fortifier par leur nombre contre notre puiffance ? Mais allez leur dire que, puifque la juftice de Dieu » les a livrez entre mes mains, ils n'en fortiront jamais tant que je vivrai, & qu'à l'exemple de leurs prédeceffeurs, je ne fçai point distinguer » un Chevalier prisonnier, d'un Chevalier mort sur le champ de bataille.

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En vain les Miniftres du Sultan lui représenterent qu'il perdoit par cette conduite des fommes confiderables qu'il pouvoit retirer pour la liberté des Chevaliers. Ce Prince Infidele qui n'ignoroit pas les differends que l'Empereur avoit avec le Pape, ni à quel point les Chevaliers étoient dévouez au faint Siege, rejetta avec obftination & avec mépris toutes les offres qu'on lui put faire. Les Députez furent obligez de s'en retourner fans avoir pu rien obtenir; mais, comme avant de partir, ils fe plaignoient aux Miniftres de ce Prince de la grande dépense qu'ils avoient faite inutilement en préfens dont ils avoient profité, ces Miniftres, comme pour les en dédommager, leur dirent en fecret, qu'il n'y avoit qu'un feul moyen de retirer leurs prifonniers, c'eft que l'Empereur demandât au Sultan leur liberté, d'où il est aisé

BRIDE.

Ex cujus rei

Fredericum

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PIERRE de conclure, dit Mathieu Paris, l'étroite liaison qui DE VILLE- étoit entre Frederic & le Prince Mahometan. Mais comme ces Députez de leur côté n'ignoroient pas que l'Empereur étoit en guerre avec le Pape, & tenore colligi que leurs Superieurs ne pouvoient avoir de relapoteft quanta tion avec ce Prince qui étoit actuellement excomfamiliaritas munié, ils s'en retournerent avec la douleur de cum Sultanis laiffer leurs freres dans les fers des Infideles. copulavit. p. Le Roi faint Louis depuis qu'il eut pris la réfolution de paffer en Orient, employa deux années à regler le dedans de fon Royaume, & à assurer le dehors par une paix génerale avec fes voifins. Ce Prince, après avoir fatisfait à ces premiers devoirs les plus indispensables pour un Souverain, se rendit le 12 de Juin de l'année 1248 à saint Denis: il étoit accompagné de Robert Comte d'Artois & de Charles Comte d'Anjou fes freres, & y reçut d'Eudes de Chateauroux Legat du Pape, l'Oriflame, efpece d'étendart en forme de Banniere, avec l'Aumôniere & le Bourdon, fuivant ce qui fe pratiquoit à l'égard des Pelerins. Alphonfe Comte de Poitiers troifiéme frere du Roi, quoique croifé, refta encore pour quelque tems en France auprès de la Reine Blanche leur mere, à laquelle le Roi avoit laiffé la Regence de l'Etat en fon absence. Louis s'embarqua enfuite à Aiguemortes, port fameux alors, mais qui par la retraite de la mer qui s'eft éloignée de quatre lieues de cette côte, fe trouve aujourd'hui dans les terres. Le Prince mit à la voile le 28 d'Août : la navigation fut heureufe, & il arriva à la rade de Limiffo dans l'Ifle de Chypre le 17 Septembre de la même année. lly

fut

DE VILLE

BRIDE.

fut reçû par Henry de Lufignan Roi de cette Ifle, PIERRE auquel le Pape, pour se venger de l'Empereur & du Prince Conrard fils de ce Prince, venoit de conferer le titre de Roi de Jerufalem, en vertu des droits prétendus par la Reine Alix sa mere.

Le Roi de France ne fe fut pas plûtôt rafraîchi quelques jours, que dans l'impatience de signaler fon zele, il propofa de fe mettre en mer, & de partir pour l'Egypte. Il étoit foutenu dans ce fentiment par plufieurs Seigneurs qui avoient eu part aux dernieres Croisades, & qui lui reprefentoient que s'il reftoit plus long-tems dans l'Ifle de Chypre, il alloit exposer sa personne & son armée aux incommoditez d'un pays où les eaux & même l'air étoient également dangereux aux étrangers; au sanut liv.2. lieu que l'Egypte offroit tout à la fois des con- p. 2. c. 3. quêtes à faire, & tout ce qu'il y a de plus néceffaire pour la vie. Mais le Roi ne put fuivre fon inclination, parcequ'une partie de son armée n'étoit point encore arrivée, d'ailleurs le Roi de Chypre offroit de l'accompagner avec toute la Nobleffe de l'Ifle, s'il vouloit bien leur accorder le tems nécessaire pour se préparer à cette expedition: ainfi le terme du départ fut fixé au printems fuivant.

Le faint Roi employa utilement fon féjour à affoupir la divifion qu'un efprit de jaloufie entretenoit entre les Templiers & les Hofpitaliers, & il termina en même tems les differends qui étoient entre Hayton Roi de la petite Armenie, & Boëmond V. Prince d'Antioche & de Tripoli. Ce fut pendant le féjour que le Roi fit dans l'Ifle de Chy

BRIDE.

PREUVE
XI.

PIERRE pre, que le Grand Maître du Temple & le MaréDE VILLE- chal de l'Ordre des Hofpitaliers, dans l'impatience de retirer leurs Chevaliers des prisons des Infideles, écrivirent à ce Prince pour le pressentir s'il feroit dans la difpofition d'entrer dans quelque accommodement avec le Sultan d'Egypte. Le faint Roi tout brûlant de zele, rejetta avec hauteur ces propofitions; il défendit au Grand Maître, fous peine de fon indignation, de lui en faire jamais de femblables. Les ennemis du Grand Maître publioient qu'il y avoit une intelligence fecrete entre lui & le Prince Infidele, & que pour lier entr'eux une amitié plus étroite, ils s'étoient fait faigner dans la même palette, comme fi ce mélange de leur fang, cût dû unir leurs cœurs plus étroitement. Nous n'entrerons point dans la difcuffion de la verité de ce dernier fait, qui n'est gueres vraisemblable, sur-tout après la maniere pleine de dureté dont ce Prince avoit rejetté les Ambaffadeurs. Nous remarquerons feulement, après le Sire de Joinville, qu'en ce tems-là dans les traitez de paix & d'alliance qu'on faifoit avec les Barbares, ils exigeoient cette ceremonie de se faire faigner ensemble, de mêler leur fang avec du vin, & même d'en boire. C'est ce que pratiqua Baudouin II. avec un Roi des Corasmins, ainsi que le rapporta au Roi faint Louis, un Seigneur de Joinville p. Toucy témoin oculaire. Mais il n'y a pas d'apparence que le Sultan, qui venoit de refufer de traiter de la rançon des Chevaliers, eût auffi-tôt fait une nouvelle alliance avec le Grand Maître du Temple. Il est bien plus vraisemblable de penser que

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les Ordres militaires, chargez de la défense de PIERRE l'Etat, eussent bien voulu qu'on n'eût pas rompu BRIDE. la tréve, ni irrité un voifin & un ennemi puiffant fous prétexte d'une nouvelle Croisade, qui, comme la plupart des autres, après de legers efforts, abandonneroit l'Orient, retourneroit en France, & laifferoit le poids de la guerre à foutenir aux Chevaliers & aux malheureux reftes des Chrétiens Latins, qui habitoient la Palestine.

Le Roi ne fit pas grande attention aux reprefentations du Grand Maître : ainfi, après huit mois de féjour dans l'Ifle de Chypre, ce Prince s'embarqua avec la Reine fa femme, la Comteffe d'Anjou, le Roi de Chypre, les Princes Robert & Charles freres du Roi, le Legat & toutes les personnes de confideration, le jour de la Trinité de l'année 1249; toute la flotte mit à la voile, & le fixiéme jour arriva devant Damiette. Les deux Grands Maîtres s'y rendirent depuis avec l'élite de leurs Chevaliers. Louis trouva le rivage bordé des troupes. du Soudan, qui prétendoient s'opposer au débarquement de fon armée; mais ce Prince emporté par fon zele & par fon courage, fe jetta le premier Î'épée à la main dans l'eau, & fuivi de sa Noblesse, chargea les Infideles & les tourna en fuite. Les fuyards porterent la confternation dans la Ville, & quoique cette Place pafsât pour la plus forte de Egypte, la garnison l'abandonna, & fes propres habitans après s'être chargez de ce qu'ils y avoient de plus précieux, en fortirent la nuit après y avoir mis le feu, & chercherent un azyle dans les terres & plus avant dans la haute Egypte. On ne

fut pas

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