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RAIMOND de tirer le Regent hors de fa Place par les ravaDUPUY. ges qu'ils faifoient dans la campagne. Et en effet

1119.

Roger qui de fon Palais voyoit avec douleur les Villages embrafez, ne put résister à son ressentiment, & emporté par fon courage, il fortit de la Ville, & contre l'avis de fes principaux Capitaines, marcha aux ennemis. Il n'avoit qu'environ fept cens chevaux, & trois mille hommes de pied; cependant avec un fi petit nombre de troupes, & fans daigner faire attention aux forces de fes ennemis, il ofa les attaquer. Les Turcomans pour entretenir fa confiance, plierent d'abord, fe battirent en retraite, l'attirerent infenfiblement dans une ambufcade. Il fe vit bien-tôt enveloppé; une foule de Barbares tomberent fur lui de tous côtez. Quelque effort que fit le Prince Chrétien pour s'ouvrir un paffage au travers des efcadrons des Infideles, fes troupes accablées par le nombre, furent taillées en pieces, & la précipitation du Regent lui coûta la vie, & à la plus grande partie de fa petite armée.

Les Infideles victorieux, fe flatant de triompher auffi facilement des troupes que le Roi conduifoit, fe mirent en marche pour le furprendre. Ils n'eurent pas de peine à rencontrer un ennemi qui les cherchoit ; l'une & l'autre armée se trouva en prefence, même plûtôt que leurs Chefs ne l'avoient crû; il falut en venir aux mains. Ce fut la premiere occafion où les Chevaliers de Saint Jean fignalerent leur zele contre les Infideles. Le combat fut long & fanglant; on fe battit de part & d'autre avec cette animofité qui fe rencontre en

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DUPUY.

tre des nations ennemies, & de differente religion. RAIMOND Baudouin, Prince plein de courage, à la tête de fa Nobleffe, & fuivi par Raimond & les Hospitaliers se jette au milieu des plus épais bataillons des ennemis; il pouffe, preffe & enfonce tout ce qui lui eft oppofé. Les foldats animez par fon exemple fuivent le chemin qu'il leur avoit ouvert; ils entrent l'épée à la main dans ces bataillons ébranlez, & malgré toute leur réfiftance les forcent de chercher leur falut dans la fuite. Quelques menaces que fiffent les Emirs pour les rallier, tout se débanda, & le foldat effrayé fit bien voir que dans une déroute il ne craint que l'ennemi & la

mort.

Le Roy de Jerusalem victorieux, entra enfuite dans Antioche; il y regla tout ce qui pouvoit regarder la défense de la Place, & le gouvernement civil: & après y avoir laiffé une forte garnison, il reprit le chemin de Jerufalem, où il fut reçu de Les fujets avec cet applaudiffement qui fuit toujours une fortune favorable.

Ce Prince ne fongeoit qu'à jouir d'un peu de repos, comme du plus doux fruit de fa victoire, lorfqu'il apprit que Joffelin de Courtenay, Comte d'Edeffe avoit été furpris dans une embuscade par Balac, un des plus puiffans Emirs des Turcomans, & qu'il étoit demeuré prifonnier de ce Prince infidele. Baudouin dans la crainte que l'Emir ne fe prévalût de la disgrace de Courtenay, pour affieger Edeffe, partit fur le champ avec ce qu'il avoit de troupes, marcha à grandes journées, paffa le Jourdain, & s'avança dans le pays. Mais ayant vou

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1122.

RAIMOND

lu aller lui-même reconnoître le camp des InfideDUPUY. les, foit qu'il eût été trahi, ou qu'il fe fût trop découvert, il fe vit tout d'un coup enveloppé par un parti fuperieur à fon escorte; & après l'avoir vûe taillée en pieces, il fut contraint avec Galeran fon coufin de fe rendre aux ennemis, & il éprouva le même fort que le Prince d'Edesse.

1123.

On ne peut exprimer la confternation des troupes de Baudouin en aprenant fa captivité. Un grand nombre de foldats, comme fi la guerre eût été finie, ou dans le defefpoir de pouvoir résister aux Infideles, fe débanderent. Les Hofpitaliers joints à ce qui reftoit de troupes, ne pouvant tenir la campagne pour arrêter les progrez des ennemis, fe jetterent dans Edeffe & dans les autres Places de ce Comté, qu'ils conferverent à Courtenay.

Le Calife d'Egypte, pour profiter de la difgrace du Roy de Jerufalem, fit entrer un de fes Genéraux dans la Judée du côté d'Afcalon : ce Genéral marcha à Jaffa, & il en forma le fiege, en mêmetems qu'une flotte de cette nation bloquoit le port de la Place.

Dans une fi fâcheufe conjoncture, il ne paroiffoit pas que les Latins puffent en même-tems réfifter aux Turcomans & aux Sarrazins, qui les attaquoient de differens côtez. Les Sarrazins avoient formé le fiege de Jaffa par terre & par

mer.

Eustache Garnier, Seigneur de Sydon ou Scyde, & de Cefarée, Connétable de la Palestine, quoique dans un âge très avancé, rassembla environ sept mille hommes qui faifoient les principales forces de ce petit Etat, & avec ce qu'il

fi

DUPUY

trouva de Chevaliers dans la Maifon de Jerufa- RAIMOND lem, il marcha droit aux ennemis. Il fit une grande diligence qu'il les furprit, força leurs lignes, & tailla en pieces ceux qui dans cette déroute ne purent regagner leurs vaisseaux, leur flotte ayant pris auffi-tôt le large & la route d'Alexandrie. Le General Chrétien, fur des avis qu'il reçut que la garnison d'Ascalon ravageoit la campagne, & fans donner de repos à fes foldats, les mena fur le champ de ce côté-là. Il trouva une partie des foldats de la garnison dispersez, & attachez au pillage. Le Connétable à la tête de fes troupes tomba fur ces pillards qui n'étoient point fur leurs gardes, tua tous ceux qui voulurent se rallier, fit un grand nombre de prifonniers, & il n'échapa que ceux qui furent affez heureux pour rentrer dans Afcalon.

Ces deux victoires furent fuivies depuis d'une troifiéme, & d'une nouvelle difgrace pour les Sarazins. Nous avons dit que leurs vaiffeaux, après la défaite de leur armée de terre, avoit mis à la voile. Ces vaiffeaux en fe retirant tomberent le long de la côte d'Afcalon dans une flotte des Venitiens, commandée par le noble Henry Michieli, Duc ou Doge de Venife, qui après un combat opiniâtré, en coula à fond une partie, & il se rendit maître des autres.

Guillaume des Barres, Seigneur de Tiberiade, venoit de fucceder dans le commandement de l'armée de terre au Comte Garnier, mort pendant cette expedition. Le nouveau General envoya féliciter le Duc de Venife fur l'heureux fuc

RAIMOND cès de fes armes, & lui proposa une entrevûe. DUPUY. La flotte Venitienne entra dans le port de Jaffa,

d'autres difent dans celui d'Acre ou de Ptolemaïde. Le Duc y fut reçu avec tous les honneurs & toutes les marques de reconnoiffance, qui étoient dûs à une victoire fi importante; on combla fes principaux Officiers de presens; la flotte reçut en abondance des rafraîchiffemens & des vivres, & le Doge, pour fatisfaire à sa dévotion, se rendit dans Jerusalem, où il passa les fêtes de Noel. Le Patriarche de cette Ville, Defbarres, & les principaux Seigneurs du Pays, fe prévalant de cette picufe difpofition, propoferent à Michieli de vouloir avec la flotte bloquer le port de Tyr pendant que l'armée de terre afliegeroit cette Place. L'entreprise étoit grande, & de difficile execution : cependant Defbarres lui fit gouter l'importance & l'utilité de fon projet.

Mais comme le Venitien ne se contentoit pas d'une gloire fterile, & qu'il faifoit monter fort haut les frais de cette entreprise, il déclara que fi le fuccès des armes leur étoit favorable, il prétendoit partager cette conquête avec le Roy de Jerufalem, & en avoir la moitié en toute fouveraineté. Il n'en demeura pas là, & comme il n'ignoroit pas qu'on ne fe pouvoit paffer de fa flotte, il demanda pour les Venitiens une Eglise, une rue, un four banal, des bains, & l'exercice particulier de la Justice dans Jerufalem, & dans toutes les Villes de la dépendance de ce Royaume : c'étoit en partager en quelque maniere la Souveraineté, Mais comme après tout, il étoit de la derniere

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