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DUPUY.

RAIMOND fi fainte entreprise, & remirent à S. Bernard qui se trouva à ce Concile, le foin de prescrire une regle & une forme d'Habit régulier à cet Ordre naissant. Nous avons encore cette regle, ou du moins un extrait, dans lequel, entre autres articles, S. Bernard leur prescrit pour Prieres & pour Offices de réciter chaque jour certain nombre de Pater: ce qui pouvoit faire préfumer que ces Guerriers en ce tems-là ne fçavoient pas lire. Un autre Statut porte que chaque femaine ils ne mangeroient de la viande que trois jours, mais que dans les jours d'abstinence on pourroit leur fervir jusqu'à trois plats. Le Solum au- S. Abbé par raport au Service Militaire, déclara que gerum fin- chaque Templier pourroit avoir un Ecuyer ou Frere Servant d'armes, & trois chevaux de monture. Mais il interdit dans leurs équipages toute dorure, & les ornemens fuperflus : il ordonna que leur Habit feroit de couleur blanche, & pour marque de leur profession, le Pape Eugene III. y ajouta depuis une croix rouge à l'endroit du cœur.

tem Armi

gulis Militi bus eâdem

caufâ conce

dimus.

1128,

Hugues & fes Compagnons ayant obtenu du Concile l'approbation de leur Inftitut & de cette regle, retournerent à Rome pour faire confirmer l'un & l'autre par le Pape; & l'ayant obtenu du Saint Pere, ils fe difpoferent à retourner en Orient, Mais avant leur départ, une foule de Gentilshommes des meilleures Maifons de France, d'Allemagne & d'Italie fe prefenterent pour entrer dans leur Ordre. Hugues, qui en étoit le Chef, leur donna l'Habit Religieux, qu'il avoit pris lui-même, & avec cette floriffante Jeunesse, il arriva dans la Palestine. Cette nouvelle Milice s'accrut conf

DUPUY.

dérablement en peu de tems; des Princes de Mai- RAIMONS fon fouveraine, des Seigneurs des plus illuftresFamilles de la Chrétienté voulurent combattre fous l'habit & l'enseigne des Templiers. Par une mauvaife délicateffe, & qui n'abandonne gueres les Grands jufques dans leur dévotion, on préferoit fouvent cette profession uniquement militaire aux fervices pénibles & humilians que les Hospitaliers, quoique Soldats, rendoient aux pauvres & aux malades. Ces Princes & ces Seigneurs, en entrant dans l'Ordre des Templiers, y apporterent des richeffes immenses; au bruit même de leurs exploits, on leur fit de magnifiques donations, & Brompton dont nous venons de parler, ajoute que cette Societé naiffante, & cette fille de la Maifon de Saint Jean devint en peu de tems fi riche & fi puiffante, que la fille, dit-il, faifoit ombre à sa mere, & fembloit la vouloir obscurcir. * Quoi qu'il en soit de ce qu'avance cet ancien Historien, il faut convenir que l'un & l'autre Ordre furent les plus fermes apuis de Jerufalem; que Baudouin & les Rois fes fucceffeurs, comme nous le verrons dans la fuite, n'entreprirent rien de confiderable fans le fecours de leurs armes ; que les Chefs même de cet Ordre eurent fouvent beaucoup de part dans le Gouvernement, en forte que c'eft en quelque maniere écrire l'hiftoire de ces deux Ordres, que de raporter les differens événemens de cette Monarchie.

* Hi namque, fecundùm quofdam,ex infimis Hofpitaliorum congregati, & ex reliquiis eorum, ex cibis & armis fuftentati, ad tantam rerum opulentiam devenerunt, ut filia ditata matrem fuffocare & fupergredi vidererur. Chronicon Joan. Brompton hift. Anglic, feript, pag. 1008, Edit, Lond. 1652,

RAIMOND
DUPUY.

Le Roi, au défaut d'une Croifade qu'il avoit demandée, voyoit avec plaifir arriver tous les jours de l'Europe comme des recrues de Nobleffe, qui venoient prendre parti dans l'une ou l'autre Compagnie, mais rien ne lui caufa plus de joie que le retour du Comte d'Anjou, qui après avoir donné ordre à l'établiffement de les enfans, & reglé leurs partages, revint en Orient à la tête d'un grand nombre de Gentilshommes fes Vaffaux, époufa la Princeffe Melifende fille aînée du Roi, & fut reconnu conjointement avec elle pour héritier préfomptif de la Couronne.

Pendant que la Cour n'étoit occupée que de fêtes & de plaifirs, le Roi apprit avec beaucoup de furprise & de douleur que le jeune Boëmond fon autre gendre avoit été tué dans un combat contre les Infideles, & qu'il étoit à craindre que la capitale de la Principauté, deftituée de fon Souverain, ne fût affiegée par ces Barbares. Boëmond n'avoit laiffé de fon mariage avec Alix, qu'une Princesse, apellée Conftance, encore à la mamelle.

a

Le Roi fon ayeul partit en diligence pour prendre la regence de fes Etats; mais en arrivant à Antioche, il fut bien furpris d'en trouver les portes fermées, & fur tout d'aprendre que c'étoit par ordre de la Princeffe douairiere fa fille. Cette Princeffe fiere & ambitieufe; d'ailleurs chagrine & jalou

fe

que le Roi fon pere eût difpofé en faveur de fa fœur feule de la Couronne de Jerufalem, sans lui en faire part; vouloit établir fon autorité dans la Ville d'Antioche, en qualité de mere & de tutrice

DUPUY.

de la jeune Conftance, & peut-être s'emparer de RAIMOND cet Etat, pour se remarier dans la fuite plus avantageufement pour elle, & au préjudice de fa fille. Mais les Habitans les plus fenfez connoissant le befoin qu'ils avoient du secours du Roi contre les entreprises continuelles des Turcomans, à l'insçû de la Princeffe Douairiere, introduifirent de nuit le Roi fon pere dans la Place. Baudouin y fit reconnoître fon autorité, mit dans la Place un Gouverneur, de la fidelité duquel il étoit bien assuré; obligea la Princesse douairiere, quoique fa fille, de fortir de la Place & de fe retirer à Laodicée, qui lui avoit été affignée pour fon douaire; & après avoir établi un bon ordre dans toute la Principauté, il s'en retourna dans ses Etats.

Il ne fut pas plûtôt arrivé à Jerufalem, qu'il fut furpris d'une maladie violente, caufée apparemment par le chagrin que lui avoient donné les deffeins ambitieux de fa fille; & comme il ne put ignorer que fa fin étoit proche, il reconnut de nouveau le Comte d'Anjou, & la Princeffe Melisende fa fille aînée, pour ses succeffeurs à la Couronne de Jerufalem. Il leur recommanda les interêts de la jeune Constance, & la confervation de fa Principauté, qui du côté de la Syrie fervoit de boulevard au Royaume de Jerufalem. Ce Prince expira peu de tems après, & la douleur fincere & les larmes de fes Sujets firent connoître combien il en étoit aimé, & la grandeur de la perte qu'ils venoient de faire.

Le Comte & la Comteffe d'Anjou furent couronnez folemnellement, & ils reçûrent enfuite des Let

113 1. rienfis, L13.

Williel. Ty

DUPUY.

RAIMOND tres du Pape Innocent II. qui après les avoir felicitez fur leur avenement à la Couronne, les exhortoit dans les termes les plus touchans à veiller à la défense de la Terre Sainte, & à la confervation d'un Etat qui intereffoit toute la Chrétienté. Ce Saint Pontife, qui n'ignoroit pas que les Hofpitaliers étoit le plus ferme appui du Trône de Jerufalem, avoit publié peu de tems auparavant une Bulle en forme de Conftitution, adreffée aux Archevêques, Evêques, & à tous les Prelats de l'Eglise universelle, dans laquelle, entre autres articles, après avoir exalté la charité que les Hospitaliers exerçoient à leurs dépens en faveur des Pelerins & des malades, il paffe aux fervices importans qu'ils rendoient à la Chrétienté les armes à la main: » Ce font les Hospitaliers, dit ce Pape, qui ne font point » de difficulté d'expofer tous les jours leurs vies pour défendre celles de leurs freres, qui font les plus fermes foutiens de l'Eglife Chrétienne en Orient, » & qui combattent tous les jours avec tant de courage contre les Infideles. Mais comme leurs facul» tez ne fuffifent pas pour foutenir une guerre pref» que continuelle, nous vous exhortons de les fe» courir de votre fuperflu, & de les recommander à la charité des peuples qui font commis à votre vigilance Pastorale. Du furplus, nous vous décla» rons que nous avons pris la Maison hofpitaliere » de Saint Jean, & tout l'Ordre fous la protection » de faint Pierre & la nôtre.

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Mais cette protection & les Privileges particuliers que ce Pape & fes prédeceffeurs avoient accordez aux Hofpitaliers, exciterent depuis la ja

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