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HISTOIRE

GÉNÉRALE

DES HUN S

LIVRE SEPTIÉ M E.

LES TURCS HOE I-K E.

A ruine entiere des Huns dans la Tartarie loin d'anéantir cette nation, n'a fervi au contraire qu'à l'étendre d'avantage; difperfée dans ces vaftes pays & même dans l'Europe, elle devint la fource & l'origine de plufieurs autres peuples confidérables qui formerent de puiffans Empires. Nous avons vû que celui des Turcs avoit fait trembler la Chine & l'Europe. En voici un nouveau qui ne devint pas moins redoutable pour les Chinois. Les Hoei ke, tel eft le nom que portèrent les peuples qui le fonderent & qui Tome II.

A

tum-kao.

Lie-tai ki

Su.
Kam-mo.
Tam-chou.

fe rendirent les maîtres de prefque toute la Tartarie, tiroient immédiatement leur origine des anciens Huns. Comme toutes les autres nations Tartares, & même les nations policées, leur Histoire commence par des fables. Ven-bien- Un ancien Tanjou des Huns avoit deux filles d'une fi grande beauté qu'il ne pouvoit croire que le Ciel les eut fait naître pour les marier à des hommes ordinaires. Il s'imaginoit qu'il n'y avoit qu'un Dieu qui put devenir leur époux. Dans cette penfée, & pour les confacrer au ciel, il fit conftruire dans un pays qui étoit fitué au nord de fes Etats une tour élevée, où les deux Princeffes, victimes de leur beauté, furent enfermés trèsétroitement. Le père pria le ciel de venir s'unir à elles. Les Tartares paroiffent avoir une haute idée des loups, Cet animal eft fouvent le fujet de leurs fables; nous en avons déja rapporté quelques exemples, c'eft encore ici un loup qui devient le pere & le fondateur de la nouvelle nation. Un vieux, loup rodoit nuit & jour autour de la prifon des Princesses Tartares, il obfervoit cette tour en faifant des heurlemens épouvantables; enfin il établit sa taniere au pied. La plus jeune perfuadée que ce loup, qui examinoit depuis fi long-tems la tour, ne pouvoit être que la divinité à laquelle fon pere l'avoit confacrée, encouragea fa foeur à defcendre avec elle. Telle eft l'origine fabuleufe de cette nation, qui traine, à ce que l'on prétend, fa voix & imite en chantant les heurlemens des loups. Elle fe multiplia dans la Siberie, & devint une nation nombreuse, gouvernée pendant long-tems par plusieurs chefs qui commandoient chacun dans leur Horde.

Les Hoei-ke vivoient fous des tentes comme tous les autres Tartares dans les campagnes avec de nombreux troupeaux, ils fe nourriffoient de laitage & de la chairdes animaux; mais leurs tentes & leurs chariots étoient pofés fur des roues beaucoup plus hautes que celle des autres Tartares, ce qui leur a fait donner, par les Chinois, le nom de Kao-tché, c'eft-à-dire chariots élevés. Ils ont encore porté les noms de Hoei - hou & de Tche-le; de ce dernier on a fait pat corruption celui de Tie-le.

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Tous ces Kao-tche, après s'être multipliés, defcendirent vers le midi, & fe cantonnerent dans les environs d'un lac nommé Lou-hoen-hai, d'où ils firent des courfes fur les terres des Tartares Geou-gen & dans l'Empire que les Tartares Topa avoient fondé fur les frontieres Septentrionales de la Chine. Tao-vou-ti Empereur des Topa, passa le fleuve Jo-choui, qui fe rend dans le lac Sopou-nor, s'approcha de l'habitation des Kao-tche, battit ces peuples, remporta une feconde victoire à la montagne Lang-chan, pilla toutes leurs Hordes, fit plus de cinquante mille prifonnniers, leur enleva un million de beftiaux & deux cents mille chariots.

Dans la fuite Tai-vou - ti Empereur de la même Dy- L'an 429. naftie, après avoir battu les Tartares Geou-gen, envoya des Kam mo troupes contre plufieurs bandes des Kao-tche qui campoient du côté de l'orient & força un grand nombre de ces familles à fe foumettre, il les fit venir au midi du defert & les plaça dans le nord de la Chine, depuis Yumpim-fou dans le Petcheli jufqu'au nord d'Yen-gan-fou dans le Chenfi, elles y occupoient une espace de trois mille li; il leur donna des officiers pour les gouverner & les contenir dans le devoir & la foumiffion. Ces familles s'appliquerent à cultiver les terres, & à nourrir des troupeaux. Leur féjour fur ces frontières jetta un grand nombre de beftiaux chez les Chinois. Dans la fuite on voulut tranf porter plus loin quelques-unes de ces familles ; elles prirent alors les armes & fe révolterent contre les Empereurs Topa, qui furent obligés de faire marcher contre elles des troupes. Ces Tartares Topa vainqueurs des Kao-tche étoient alors très-puiffans & leur nom étoit refpecté jufques dans la Siberie dont ils étoient originaires; ils l'avoient quittée depuis long-tems pour venir s'établir à la Chine où ils regnoient fous le nom de Goei. Malgré leur éloignement ils ne laiffoient pas d'avoir des liaisons avec les habitans de ces pays qui leur envoyoient des Ambaffadeurs. Les tom- Kam-me. beaux de leurs ancêtres y fubfiftoient encore, ils y en Ven-hienvoyoient faire des facrifices, & depuis qu'ils s'étoient policés chez les Chinois, ils y avoient fait graver des infcrip

tions.

A ij

L'an 443.

tum-kao.

L'an 471.

Kam-mo.

Cette grande puiffance des Topa n'empêchoit pas cependant que la Tartarie n'eut fes Khans particuliers qui étoient alors de la race des Geou-gen & les Kao-tche euxmêmes,quoique foumis à ces Geou-gen, ne redoutoient pas tellement les To-pa, qu'ils ne priffent quelquefois les armes contre eux, & ne les battiffent. Mais les cruautés du Khan des Geou-gen nommé Fou-mim-tun, 'contribuerent encore davantage à augmenter la puiffance des Kao-tche. A-foutchi-lo chef des Kao-tche se mit à la tête de cent mille familles, fe retira vers l'Irtisch où il prit le titre de Roi, & battit en plusieurs rencontres les Geou-gen. Il revint enfuite dans les pays plus orientaux, fit alliance avec les ToL'an 508. pa ou Goei; battit enfuite & tua le Khan des Geou-gen nommé To-han, au bord du lac de Lop dans le defert. L'an 516. Quelques-tems après, les Geou-gen eurent leur revanche, & tuerent Mi-gno-to qui étoit alors chef des Kao - tche. L'an 521. Y-fou fon frere, fut mis à la tête de la nation, & il défit L'an 522. Po-lo-muen Khan des Geou- gen. L'année fuivante il fut tué lui-même par fon frère Yue-kiu, qui fe déclara chef des Kao-tche.

L'an 491.

L'an 606.

Kam-mo.

Pendant ce tems-là il y avoit toujours dans le nord de la Chine un grand nombre de familles des Kao-tche qui étoient foumifes aux Goei; elles étoient employées communement dans les armées des Goei, & fouvent elles alloient faire des courfes fur les terres des Tartares Geougen; fouvent auffi elles fe revoltoient contre les Empereurs des Goei qui étoient obligés d'envoyer contre elles des troupes, & d'entretenir des garnifons. Ces fortes de mouvemens qui n'intéreffent point le refte de la Nation ne m'ont pas paru affez importans pour que je me fois attaché à les faire connoître. Tous ces peuples de même que ceux qui habitoient dans la Tartarie, continuerent d'être foumis les uns aux Goei, les autres aux Geougen; & après la deftruction de ces Tartares aux Turcs.

Les Kao-tche furent vaincus par le Khan des Turcs occidentaux nommé Tchou lo, & lui payerent tribut; ce Prince qui appréhendoit que ces peuples ne fe revoltaftum kao. fent, fit affembler leurs chefs, & les fit mourir tous; aussi

Tam-chou.
Ven-bien

tôt les Kao-tche prirent les armes & choifirent un Khan nommé Ko-leng, à qui ils donnerent le titre de Mo-ho- Après J. C. khan; ils remporterent plufieurs victoires fur Tchou-lokhan & s'emparerent des pays de Hami, d'Igour & d'Harafchar. Un des chefs des Sie-yen-to prit le titre de second Khan.

fu.

Tous ces peuples fe difperferent de plus en plus dans Lie-tai-k la Tartarie & devinrent très-puiffans. Ils fecouerent le joug Kam-me. des Turcs & jetterent alors les fondemens d'un Empire Ven-bienqui occupa depuis, prefque toute la grande Tartarie. Ils tum-ka. étoient divifés en un grand nombre de Hordes qui avoient toutes leurs chefs.

La premiére & celle qui donna dans la fuite fon nom à toute la Nation étoit appellée Hoei-ke ou Goei-ke ; elle étoit très - nombreuse & très-brave. Dans le commencement elle n'avoit point de chef. Ces peuples comme tous les Tartares cherchoient les bords des rivieres & fe tranfportoient de côtés & d'autres avec leurs troupeaux. Ils demeuroient au-deffus de la riviere So-ling-choui ou de Selinga au nord de la Horde des Sie-yen-to.

La feconde Horde étoit nommée Sie-yen-to; elle s'étoit déja revoltée autrefois contre les Turcs, elle étoit devenue très - puiffante & avoit poffedé l'Empire de la Tartarie, Mo-ko-khan étoit de cette Horde; elle étoit compofée d'une ancienne bande de Huns appellé Sie qui demeuroient au nord du défert: ces Sie dans la fuite défirent les Yento, autre Horde de Huns, & depuis ce tems ces deux bandes réunies ont été connues fous le nom de Sie-yen-to. La troifiéme Horde appellée Ki-pi- yu demeuroit au nord-ouest d'Harafchar, au midi des Tou-lan-ko: ces peuples étoient très-braves.

La quatrième étoit appellée Tou- po, elle demeuroit dans la Siberie vers le lac Paikal. Les Peuples de cette Horde étoient beaucoup plus barbares que les autres, ils ne s'appliquoient point à la culture des terres & n'avoient point de bœufs ni de moutons; ils vivoient de racines où des animaux qu'ils prenoient à la chaffe, ou des poiffons que les rivieres leur fourniffoient. Ils s'habilloient de peaux;

Tamchou:

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