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mais fi tous les Peuples de l'Italie s'étoient réunis, Rome ne feroit jamais devenue ce qu'elle a été. Plus elle éten- Après J.C. doit fa domination, plus elle accéleroit fa ruine. Quels ennemis n'eut-elle pas à combattre lorfqu'elle voulut faire des conquêtes au-delà des bornes de l'Italie ? Carthage, République puiffante par l'étendue de fon commerce, fa force, fes richeffes, & plutôt vaincue par fes divifions domeftiques que par les armes des Romains ; dans la Macédoine, la Grecè & la Syrie, des Rois dont les fujets étoient plus policés que les Romains qui n'étoient que guerriers. Tous ces Peuples n'afpiroient qu'à recouvrer leur liberté & rentrer fous la domination de leurs anciens Rois : un peu de foibleffe dans Rome ranimoit leur courage abbattu & on reprenoit les armes pour fe délivrer de l'efclavage fous lequel on gémiffoit. L'Empire Romain devenu immenfe fut accablé fous fon propre poids, parce que tous ces Peuples n'étoient pas guidés par un même efprit. Ils étoient en quelque forte comme autant de prifonniers renfermés dans un même lieu, & qui font continuellement attentifs fur les actions de leur maître pour tromper fa vigilance & fortir des fers. Lorfque les Barbares du nord vinrent fe jetter dans cet Empire, ils y trouverent des Peuples affujettis aux loix d'un premier vainqueur, & qui par conféquent n'avoient pas pour ces loix cet attachement que toute Nation doit avoir pour les fiennes propres ; ces Barbares n'eurent à combattre que des

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troupes Romaines que l'on avoit chargées de deffendre un pays qui n'étoit point leur Patrie. La conquête en fut plus aifée & les Peuples accoutumés fous un joug étranger fe foumirent plus facilement à une nouvelle domination.

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Voyons à préfent quel a été l'Empire Chinois. Dans les premiers fiècles du monde, après le Déluge, une troud'hommes fe retire dans le nord de la Chine, s'y établit & apporte avec elle des loix & la fémence des arts & des fciences. Ces hommes ne font point animés par un efprit de conquête, l'union qu'ils s'efforcent d'entretenir parmi eux, par des loix qui ne refpirent que le bien public, en fait un Peuple pacifique & religieux; les premiers

Après J. C.

Monarques de la Chine, élus par la Nation, fe regardent
comme des peres obligés par devoir d'aimer, de nour-
rir & de protéger en tout leurs enfants, même au péril de
la vie. Cet efprit fe tranfmet de génération en génération
dans les Rois, & fi quelques-uns s'en font écartés, ce n'a
été
que pour le faire reparoître avec plus d'éclat dans leurs
fucceffeurs. Les Chinois ont un attachement fingulier
pour leurs anciens ufages; ils font ennemis de toute in-
novation, même avantageuse. Nous les regardons com-
me petits à cet égard. Ños peres répondent-ils ont tou-
jours fubfifté avec ces défauts, nous fubfifterons de même.
Un changement peu confidérable dans la Conftitution de
l'Empire, même pour un plus grand bien, peut devenir
d'un exemple dangereux; une main plus hardie entrepren-
dra davantage & tout fera ruiné. Nous avons vu dans ces
derniers tems combien un toupet de cheveux que le Mo-
narque Tartare vouloit faire couper, fit verfer de fang.
Plus de cent mille hommes périrent pour une coutume
de fi peu de conféquence. Que n'auroit-on pas eu à crain-
dre fi l'on eût voulu changer la conftitution fondamenta-
le de l'Empire. La Chine dans fon origine ne s'étendoit
pas au-delà du Kiang; les Peuples qui demeuroient au
midi de ce grand fleuve étoient des fauvages comme nous
en voyons encore dans plufieurs ifles de l'Inde. Plufieurs
Chinois font venus s'établir parmi eux les ont raffem-
blés en fociété, & les ont animés de leur même efprit. In-
fenfiblement tous ces fauvages font devenus Chinois, &.
comme ils n'avoient point de loix auparavant, celles
de la Chine leur font devenues propres ; tous ont pris
le caractère de la Nation Chinoife, ils fe font identifiés
avec elle, & n'ont plus formé qu'un grand corps. Autour
de ce vafte Empire, il y a d'un côté des montagnes in-
acceffibles, de l'autre des déferts affreux dans lefquels on
ne pouvoit faire des établissemens. La Nation s'eft trou-
vée renfermée dans des bornes naturelles, & fortifiée
jufqu'à un certain point contre les étrangers. D'ailleur S
ces étrangers ont toujours été barbares: ainfi lorfque que
quefois ils ont été affez puissans pour pénétrer dans La

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Chine & s'emparer de cet Empire, l'attachement inviolable des Chinois à leurs anciens ufages a forcé les vain- Après J. C. queurs d'adopter les loix des vaincus. L'Empire a changé de maître fans changer de loix. Lorfqu'un jour les Tartares qui le poffedent à préfent feront chaffés par une famille Chinoise, il n'y aura que le nom de Tartare d'aboli, le gouvernement fera toujours le même, & la Nation fe retrouvera dans l'état où elle étoit il y a deux mille ans. Dans le tems où cet Empire a été divifé en différens Royaumes, comme ils avoient tous les mêmes loix, la Conftitution générale n'a point été altérée. D'ailleurs les Chinois avoient toujours l'idée qu'ils ne devoient être gouvernés que par un feul Monarque ; ils fe font attachés à détruire ces petites Dynafties pour ramener l'Empire à l'ancienne forme de gouvernement, & ils ont quelquefois mieux aimé le voir réuni fous un Monarque étranger qui auroit adopté leurs loix, que de le voir démembré les naturels du C'est ainfi pays. que l'Empire Chinois s'eft confervé, & que malgré de grandes revolutions il est toujours revenu à fon premier état.

par

Après J. C.

Kam-mo,
Lie-tai-ki-
Su.
Van-fim-
tum-pou,

LES TURCS CHA-T O.

I I.

DYNASTIE IMPERIALE DES HAN.

CH

HE-KIM-TAM, plus connu dans l'hiftoire fous le titre de Kao-tçou, ne poffeda l'Empire de la Chine que pendant huit ans. Les Kitans qui lui avoient mis la Couronne fur la tête, devinrent prefque auffi-tôt fes ennemis; il leur avoit abandonné une trop grande étendue de pays; c'étoit une tache pour la Chine & un fujet pour les Tartares d'y étendre de plus en plus leur domination. L'Empereur fut bientôt dans la néceffité de les repouffer. Ces barbares avoient déja pénétré jusques dans le Honan. On nomme parmi les différens Généraux dont Kao - tçou fe L'an944. fervit dans la guerre contre les Kitans. (a) Lieou-tchiyuen; c'étoit un Turc de la Horde des Cha-to: ce Général battit les barbares en plufieurs rencontres, & campa fur les frontiéres pour arrêter leurs courfes. Son crédit s'accrut à proportion de fes fervices fous le regne de Tchouti qui fuccéda à Kao tçou. Il fut fait Roi de Tai-yuen : on ne le combloit de titres que parce qu'on le craignoit; mais ce que l'on faifoit pour le contenir dans le devoir ne fervit qu'à favorifer les deffeins ambitieux que l'on appercevoit en lui. Dans un état plus tranquile on eût arrêté le progrès de fon ambition, mais le Prince étoit trop foible pour s'oppofer à un fujet puiffant & dont il

L'an 946.

'avoit befoin.

Les Kitans qui étoient ennemis de l'Empereur des Tcin firent un dernier effort & mirent fur pied une grande ar

(4) Il étoit fils de Tien, fils de Tfun, fils de Gang, fils de Tuon,

mée; la plupart des Généraux de l'Empire fur la fidélité
defquels l'Empereur ne pouvoit compter, accelerent, plus Après J. C.
que les Kitans, la ruine des Tçin; tous allerent fe ren-
dre aux barbares qui entrerent dans Ta-leam, & firent
prifonnier l'Empereur. Les Chinois furent effrayés de voir L'an 947
les Kitans dans le centre de l'Empire & dans la Capitale,
mais le Roi de ces Barbares les fit raffurer par fes Offi-
ciers on punit plufieurs Généraux, & le Peuple ou-
bliant l'esclavage dont il étoit ménacé fe joignit aux Bar-
bares, arracha le cœur de quelques-uns de ces Officiers
difgraciés, & mangea leur chair. On renferma l'Empe-
reur dans un endroit avec une forte garde, on le dépouilla
de fa dignité, pour ne lui donner que le fimple titre de
Heou. Les Kitans paroiffoient paifibles poffeffeurs de
l'Empire, tout étoit foumis & Lieou-tchi-yuen qui avoit
cinquante mille hommes fous fes ordres, apprenant la
ruine des Tcin, fe foumit lui-même. Mais la plû - part
de fes Officiers lui ayant représenté enfuite que les Ki-
tans fe rendoient odieux à tous les Chinois
par leur avidité
& qu'ils ne garderoient pas long-tems l'Empire; ils l'exhor-
terent à raffembler toutes fes forces pour s'en rendre maî-
tre. Lieou - tchi-yuen refolut d'attendre que les Kitans
se retiraffent d'eux-mêmes,après qu'ils auroient ruiné l'Em-
pire, & ne voulut point confentir à prendre le titre d'Em-
pereur que tous fes Officiers lui offroient, fous prétexte
qu'il n'y avoit plus d'Empereur; ils revinrent à la char-
ge & l'affurerent que c'étoit la volonté du Ciel. Leurs
follicitations, les vexations que les Officiers Kitans exer-
çoient fur le Peuple, & la revolte de quelques-uns qui tue-
rent ces Officiers le déterminerent enfin à fe faire déclarer
Empereur; les Hiftoriens lui donnent le titre de Kao-tçou, Kao-tçou,
il ne voulut point que l'Empire changeât de nom, & il
conferva celui de Tcin qui lui avoit été donné par la Dy-
naftie qui venoit d'être détruite. Il ordonna que l'on cou-
rût fur tous les Kitans qui fe trouveroient dans l'Empire
& qu'on les tuât; enfuite il fe mit à la tête de fes troupes
& marcha du côté de l'Orient, dans le deffein de rejoin-
dre l'ancien Empereur & de le tirer des mains de ces

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