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fa marque qui le diftingue de tous les autres, & quifoit tellement liée à cet objet clairement apperçu, que quand cette marque fe préfente, cet objet fe présente en même temps à notre esprit sous une vûe claire & diftincte. Ces marques font d'ellesmêmes des fignes arbitraires, mais elles deviennent des fignes propres aux objets, & elles fervent à les préfenter à l'efprit par l'union qu'on en a faite à ces objets, & par l'habitude qu'on a acquise de les unir ensemble. Les paroles dont on fe fert pour déterminer un mot où une autre marque à fignifier un objet dont on a une idée claire & diftincte s'appelle une définition: en voici une : Un nombre entier eft celui qui contient exactement l'unité plufieurs fois..

il en

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2°. Notre efprit après avoir confideré attentivement les objets fur lefquels il veut découvrir des veritez, il les compare les uns avec les autres, apperçoit par fon attention les rapports; c'est à dire il voit clairement s'ils font égaux les uns aux autres, s'ils font inégaux; fi les uns contiennent ou ne contiennent pas les autres, &c. Ce font ces rapports clairement apperçus entre les objets préfens à l'efprit & comparez enfemble, qu'on appelle des veritez. Car puifque ces rapports font clairement apperçus par l'efprit, ils font tels qu'ils font apperçus, puisque le neant ne sçauroit être apperçu. Les veritez font les rapports réels entre les objets. L'erreur ou la faufseté n'eft rien. La verité peut bien être apperçue, car elle eft, c'eft un rapport réel; mais l'erreur ou la fauffeté ne fçauroit être apperçue, car elle n'a aucune réalité, elle n'est rien, & le neant ne fçauroit être apperçu ; appercevoir

rien,

rien, & ne point appercevoir, c'est la même chose. Quand notre efprit acquiefce aux rapports qu'il apperçoit ou qu'il s'imagine appercevoir, en jugeant que ces rapports font tels qu'il les apperçoit, cet acquiefcement de notre efprit s'appelle un Jugement; par exemple, notre efprit apperçoit le rapport d'égalité qui eft entre 2 fois 2 & 4; il acquiefce à ce rapport, & il juge que ce rapport eft vrai, en affirmant que 2 fois 2 font 4. Ces Jugemens ou ces acquiefcemens de notre efprit aux rapports qu'il apperçoit, font les fecondes démarches que fait notre efprit dans la recherche de la verité.

Il eft bon de faire diftinguer deux choses dans les fecondes démarches de notre efprit : la premiere eft la perception des rapports fans acquiefcer encore à ces rapports, fans juger qu'ils font vrais. Cette perception doit préceder les jugemens, & elle est une pure perception; la feconde chose est l'acquiefcement à ces rapports. C'eft dans l'acquief cement aux rapports que confifte, à proprement parler, le jugement ou la feconde démarche de notre efprit dans la recherche de la verité. Cette remarque fera diftinguer la verité de l'erreur. Car ce qu'on apperçoit clairement, étant necessairement & réellement tel qu'il eft apperçu, il ne peut y avoir d'erreur dans les pures perceptions; on ne fçauroit appercevoir que la verité, que ce qui eft tel qu'il eft apperçu. On ne fçauroit donc fe tromper, c'eft à dire on ne fçauroit tomber dans l'erreur, quand on n'acquiesce qu'à ce qu'on apperçoit clairement. L'erreur ne peut donc venir que de ce qu'on juge qu'on apperçoit, ce qu'on n'apperçoit d

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point; de ce que le jugement fur un rapport précede la perception de ce rapport. Par exemple, si l'on juge qu'il y a un rapport d'égalité entre 2 fois 2 & 5, on tombe dans l'erreur, parceque ce jugement prévient la perception de l'efprit; l'efprit n'apperçoit point un rapport d'égalité entre 2 fois & 5. Si donc on ne jugeoit d'un rapport qu'après l'avoir clairement apperçu, on ne fe tromperoit point; & l'erreur ne vient que de ce qu'on juge d'un rapport qu'on n'a pas auparavant apperçu. C'est donc nous qui faifons l'erreur en jugeant de nous-mêmes qu'il y a de certains rapports que notre efprit n'a pas apperçu avant de porter notre jugement. Mais nous ne faisons pas la verité, nous ne faifons que l'appercevoir, & la découvrir telle qu'elle eft en elle-même.

Les paroles dont on fe fert pour exprimer chacun de nos jugemens, s'appellent une Propofition. En voici une. 12 contient 3 pris quatre fois.

3°. Après que notre efprit a comparé les objets de fes perceptions les uns avec les autres, qu'il en a apperçu les rapports, & qu'il en a porté fon jugement; pour avancer dans la recherche de la verité, il compare ces rapports mêmes les uns avec les autres, & en s'appliquant avec attention à ces comparaifons des rapports, il apperçoit clairement les liaisons qu'ils ont entr'eux : il voit que les uns fe déduifent neceffairement des autres; & en suivant la perception qu'il en a, il déduit les rapports les uns des autres. Cette troifiéme démarche de l'ef prit, par laquelle il déduit une verité d'une ou de plufieurs autres dont il apperçoit qu'elle doit suivre

necessairement, s'appelle un raisonnement; en voici un. 3 pris quatre fois est égal à 12; 6 pris deux fois est aussi égal à 12. Par confequent 6 pris deux fois eft égal à 3 pris quatre fois. La déduction que fait notre efprit de la troifiéme verité des deux autres dont elle est une fuite neceffaire, est un raisonne

ment.

On doit faire diftinguer dans cette troifiéme démarche de l'efprit, comme on a fait dans la seconde, la pure perception de la fuite necessaire qui fe trouve entre un rapport & d'autres rapports dont il se déduit, d'avec la déduction que fait notre efprit de ce rapport en le tirant des autres, & en acquiefçant à cette déduction. Car notre efprit ne fçauroit fe tromper en appercevant clairement les liaifons qui font entre les rapports, & qu'on peut les déduire les uns des autres; puifque fi cette liaison neceffaire eft apperçue clairement, elle eft telle qu'elle eft apperçue, elle eft vraye; le neant ne sçauroit être apperçu. On ne tombe donc dans l'erreur en faifant des raisonnemens dans la recherche de la verité, que lorsque l'on déduit un rapport d'autres rapports avant d'avoir vû clairement que cette déduction eft neceffaire. L'action de l'efprit, par laquelle il fait cette déduction, & y acquiefce fans l'avoir apperçue clairement, eft la caufe de l'erreur, qui confifte en ce qu'il croit qu'un certain rapport est une fuite neceffaire d'autres rapports; & cependant dans la verité cette fuite n'eft point, & elle ne fçauroit être apperçue.

Pour rendre fenfibles aux Commençans ces trois démarches de notre esprit dans la recherche de la

verité, on en va faire voir l'application à un exemple fur le mouvement des corps. On fuppofera qu'on veut découvrir comment on peut faire que deux boules fur un plan horizontal poli en allant en ligne droite l'une contre l'autre, fe rencontrent avec des forces égales, ou avec des forces qui foient en tel rapport qu'on voudra.

1. Notre efprit doit confiderer avec attention l'idée des deux corps, en quoi confifte leur mouvement lorsqu'ils vont l'un contre l'autre; qu'est-ce qui fait la quantité de leur mouvement; comment un mouvement peut augmenter ou diminuer, être plus fort ou plus foible. Les connoiffances de toutes ces chofes conduiront à la refolution de la

ftion.

que

On voit d'abord que chaque boule est un corps compofé de parties de même nature, qu'on nomme à caufe de cela homogenes; & l'affemblage ou le nombre de ces parties qui fe meuvent toutes ensemble, fe nomme la maffe du corps.

Pendant qu'un corps ne change point de place, & qu'il conferve les mêmes rapports de proximité & de distance avec les corps qui l'environnent, l'efprit n'y voit aucun mouvement: Mais s'il change fans ceffe de place, s'il change fucceffivement les rapports de distance qu'il a avec les corps qui l'environnent, en un mot s'il eft tranfporté d'un lieu en un autre en paffant fucceffivement par les milieux qui font entre deux, l'efprit voit clairement que ce corps eft en mouvement. Ainfi dans un corps en mouvement notre efprit n'y apperçoit que du tranfport, en ne faisant attention qu'à ce qui est dans un

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