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ports qu'il apperçoit clairement & diftinctement, La Methode conduit donc infailliblement notre efprit à la verité.

C'est ici le lieu de faire diftinguer la vraye Methode qu'on fuit dans les Mathematiques, qui vient d'être expliquée, d'avec la feule apparence de cette Methode,dont on peut abuser pour faire illusion aux fimples & à ceux qui n'y regardent pas de près. Ce n'eft pas affez pour traiter une matiere fuivant la Methode des Mathematiques, que de donner aux propofitions les noms d'Axiomes, de Définitions, deSuppofitions, de Theorêmes, de Lemmes, en un mot tous les noms femblables à ceux dont on fe fert dans les Mathematiques ; & de donner de même aux preuves le nom de Démonstrations. Ce n'est là que l'exterieur & l'apparence de la Methode des Mathematiques, & ce n'eft pas là la vraye Methode qui conduit infailliblement à la verité, quand on raifonne fur des matieres dont on n'a pas des idées claires & distinctes; quand les propofitions, qu'on nomme Axiomes, ou fuppofitions font obfcures, & ne fe font pas admettre leur évidence; quand dans les preuves à qui on donne le nom de Démonftrations, l'efprit n'apperçoit pas d'évidence dans les propofitions, ni dans les déductions par lesquelles elles font tirées les unes des autres.

par

De l'utilité des Mathematiques pour perfectionner

notre esprit.

On ne parlera pas ici de l'utilité des Mathematiques par rapport à toutes les commoditez qu'elles fourniffent aux befoins des hommes; par rapport à

ce qu'elles contribuent à la perfection des Arts, ni par rapport aux fecours qu'en tirent les Sciences, & fur tout la Phyfique, qu'on ne fçauroit apprendre à fond, ni traiter avec quelque exactitude fans les Mathematiques; on déduira fimplement comme un Corollaire de la Methode qu'on fuit dans les Mathematiques, les grands avantages qu'on peut tirer de ces Sciences pour perfectionner notre ef prit; c'eft le principal ufage qu'on doit faire des Mathematiques : c'eft auffi le principal motif qui doit porter les jeunes perfonnes à s'y appliquer.

La premiere qualité de l'efprit de l'homme, la plus neceffaire, celle qui s'étend à toutes ses actions, toutes fes applications, tous les emplois, toutes fes affaires, toutes fes entreprises, celle qui doit diriger toutes les autres qualitez, en un mot celle, qui étant jointe à la droiture du cœur qu'elle doit mettre en œuvre, & qu'elle doit conduire par la lumiere, fait toute la perfection de l'homme, c'eft la justeße d'efprit. C'est par elle qu'il diftingue en toutes chofes le vrai du faux, le jufte de l'injufte, le bon parti du mauvais; c'est par cette eftimable qualité que me juge de toutes chofes felon leur valeur, qu'il place toutes chofes dans le rang qui leur convient; c'eft par elle qu'il eft judicieux dans toute la conduite, en un mot c'est par elle qu'il eft raisonnable, & qu'il découvre en toutes chofes ce que prefcrit le bon fens ou la raifon.

l'hom

Il ne fuffit pas pour avoir cette jufteffe d'efprit, de fçavoir les Regles qui conduifent infailliblement à la verité, elle confifte dans l'habitude même de fuivre ces Regles en toutes rencontres, elle fuppofe

avant toutes chofes un vrai defir de n'être pas trompé, & un ardent amour de la verité; elle réunit en elle les habitudes fuivantes; 1°. une force d'efprit qui lui faffe apporter à tous les fujets fur lefquels il doit juger, toute l'attention qu'ils demandent pour en juger felon la verité, fans le rebuter de la peine qui s'y peut rencontrer; 2°. une grandeur ou une étendue d'efprit qui dans les questions compofées l'ait accoutumé à regarder d'une fimple vue la fuite de plufieurs principes qui conduisent tous ensemble à la verité qu'il cherche; 3o. une fermeté d'efprit qui l'empêche de fe laiffer emporter par les premieres vrai-femblances, qui ne lui permette pas de fe rendre aux feules apparences de la verité, qui lui fasse retenir & fufpendre fon jugement dans les chofes naturelles, & qui font du reffort de la raison, jufqu'à ce qu'il foit forcé de le porter par une évidence entiere, & qui enfuite l'attache conftammént à la verité clairement connue, & le retienne inébranlable; 4°. une netteté d'esprit ou une habitude à mettre un tel ordre dans toutes les penfées, un tel arrangement dans toutes les parties du fujet de fon application, qu'il puiffe aisément faire toutes les comparaifons neceffaires pour trouver la verité; 5o. une fagacité qui faffe découvrir dans les queftions les plus difficiles & les plus embaraffées, les moyens les plus fimples & les plus propres pour les refoudre, 6°. enfin une habitude qu'il doit fe faire de la connoiffance claire & diftincte des principes les plus fimples, les plus generaux, & les plus feconds fur chaque matiere qui peut être d'ufage dans la vie; de façon que ces principes foient toujours

prefens, & fervent de lumiere à l'efprit dans toutes les occafions qui peuvent fe prefenter, & qu'il n'ait plus qu'à en tirer les confequences, pour juger sainement de la plufpart des chofes qui fe rencontrent le plus ordinairement. C'est le concours de toutes ces habitudes qui forme celle qu'on nomme justesse de l'esprit.

Cette excellente habitude s'acquiert comme les autres, par la pratique continuelle des actes qui la produisent. Et il est évident par l'explication qu'on a faite de la Methode qu'on fuit toujours dans les Mathematiques, que l'on y pratique continuellement les actes qui forment cette habitude. D'où suit évidemment l'utilité des Mathematiques pour former le jugement & perfectionner l'efprit.

Car la feule qualité de l'efprit neceffaire pour apprendre les Mathematiques, eft d'être capable d'attention. Un efprit attentif y fera un progrès prodigieux. C'est par la feule attention qu'il découvrira toutes les veritez que ces Sciences contiennent, & qu'il fe fera jour au travers des obfcuritez dont elles paroiffent environnées aux efprits incapables d'attention, dans tout ce qu'elles femblent avoir de plus caché & de plus fecret. Ainfi l'étude de ces Sciences eft le moyen le plus propre à ac querir la force d'efprit, & à le rendre maître de fon attention. Il n'y en a pas auffi de plus capable de lui donner l'étendue dont il a befoin lorsqu'il faut qu'il s'applique à dés questions fort compofées, & où il doit envisager d'une feule vûe un grand nombre de principes d'où dépend la resolution. Car les veritez que ces Sciences expliquent font

que

toutes liées les unes aux autres, & un feul principe répand une telle lumiere fur toutes les veritez qu'il renferme, que l'efprit voit d'une fimple vûe toute la fuite qu'elles ont entr'elles jufqu'à la derniere, pour ainsi dire, qui les suppose toutes. C'est dans ces Sciences fe forme le goût de l'efprit pour la verité; qu'il s'accoutume & fe familiarife, pour ainfi parler, avec elle; qu'il la distingue, dans les chofes qui font du reffort de la raison, par fon propre caractere qui eft la lumiere & l'évidence. Le bel ordre que mettent ces Sciences entre toutes les veritez qu'elles enfeignent, qui en fait une des plus grandes beautez, & en quoi confifte le principal de leur excellente Methode, fert à former la netteté de l'efprit, & à l'accoutumer à arranger ses pensées. dans tous les fujets de fes applications, de la maniere la plus naturelle & la plus propre tant à découvrir la verité qu'à l'expliquer aux autres. L'artifice ingenieux qu'elles employent fans ceffe pour resoudre les queftions les plus embaraffées par les moyens les plus fimples & les plus naturels, eft ce qu'il y a de plus propre à donner à l'efprit la fagacité qui lui eft de fi grand ufage dans toutes les occafions où il doit s'appliquer à des queftions difficiles, & trouver de lui-même les moyens les plus propres à les refoudre. Enfin les Mathematiques dépendent d'un très petit nombre de principes generaux qu'on ne fait, pour ainfi dire, que developer dans toutes ces Sciences, & elles font très propres à faire acquerir à l'efprit l'habitude de la connoiffance des principes les plus feconds fur les matieres les plus d'ufage dans la vie, & d'en juger folidement en fuivant leur lumiere. AVER

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