DU CALCUL DES GRANDEURS EN GENERAL, ou LES ELEMENS Par l'Auteur de l'Analyse Démontrée. A PARIS, aux Armes de l'Université. PREFACE, OÙ L'ON DONNE UNE NOTION GENERALE DES MATHEMATIQUES: On explique la mechode qu'on y observe, qui conduit toujours à la verité ; & l'on fait voir leur usage pour la perfection de l'esprit. Notion generale des Mathematiques. N comprend sous le nom des Mathématiques toutes les Sciences qui ont pour objet les rapports des grandeurs. On appelle Grandeur tout ce qui est capable du plus & du moins, c'est à dire d'augmentation & de diminution , tout ce qui pouvant être comparé à d'autres choses de même nature peut leur être égal, ou inégal, c'est à dire, plus grand ou plus petit , & qu'on peut leur égaler , quand il leur est inégal, en le diminuant de ce qu'il a de surplus, s'il est plus grand; ou en l'au a a gmentant de ce qui lui manque, s'il est plus petit. Ainsi tout ce qui a des parties est une grandeur. Par exemple, les trois dimensions de l'étendue, c'est à dire , les Longueurs, les Surfaces, les Soliditez des corps sont des grandeurs : le Mouvement, la Vîtese, le Temps, les Poids, &c. sont des grandeurs. Les comparaisons que l'on peut faire des grandeurs d'une même nature les unes avec les autres, en considerant combien de fois l'une contient l'autre, ou quelque partie déterminée de l'autre; ou en prenant garde de combien l’une surpasse l'autre; ces comparaisons, dis-je, s'appellent les rapports des grandeurs. Par exemple, si le Soleil contient la Terre un million de fois, le rapport du Soleil à la Terre est celui d'un million à l'unité. Dans les Mathematiques on ne considere pas ordinairement les grandeurs en elles-inêmes; on sçait évidemment qu'elles sont composées d'une infinité de parties qu'on ne sçauroit épuiser. On cherche à découvrir les rapports des unes aux autres. Par exemple, dans la Geometrie on ne s'arrête pas à examiner le nombre infini des petites parties dans lesquelles une figure peut être divisée ; on y cherche les rapports des lignes qu'on peut concevoir dans cette figure, les rapports qu'ont entr'elles & avec la figure entiere les differentes parties dont elle est composée ; enfin les rapports tant des parties de la figure que de la figure même avec les autres figures & grandeurs auxquelles elle peut être comparée. On peut considerer les rapports des grandeurs i me ou dans les grandeurs particulieres & sensibles dans lesquelles ils se trouvent, ou en general en regardant ces rapports sans faire attention aux grandeurs particulieres dans lesquelles sont ces rapports. Par exemple, les rapports qui forment les accords de la Musique s'expliquent dans cette science par les rapports qui sont entre les longueurs de deux cordes égales en grosseur, & qui font également tendues sur un Instrument. Si on les pince, ou si on les touche avec l'archet ; quand le rapport des longueurs est égal, lcurs sons formeront l'unisson; si le rapport des longueurs est celui de 1 à 2, elles feront entendre l’očtave; si ce rapport est comme 2 à 3, on entendra la quinte ; si ce rapport est comelles feront entendre la quarte ; & ainsi des autres accords. On peut aussi considerer ces rapports détachez, pour ainsi dire, par l'esprit de toute grandeur particuliere & sensible ; c'est à dire, fans penser à aucune grandeur particuliere. Il est évident que ces rapports des grandeurs regardez ainsi en general peuvent être appliquez à toutes les grandeurs particulieres. Ces deux manieres de considerer les rapports des grandeurs font distinguer les Mathematiques en deux classes. La premiere, contient les Sciences Mathematiques qui ont pour objet les rapports des grandeurs en general, & il y en a trois, la Geometrie, Arithmetique et l'Algebre . Nous comprenons les deux dernieres sous le nom de la Science du Calcul des grandeurs en general : Elles sont les Sciences generales des Mathematiques, & elles en contiennent les éle à 4, mens. |