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Sa Majefté furprenoit aifément fa religion dans l'exercice de fon ministere. On ne fe donna pas même le temps d'examiner la foi des Religieufes. L'Abbeffe, qui étoit alors la Mere Agnès, foeur de la Mere Angélique, reçut avec un profond refpect les ordres du Roi; & fans faire la moindre plaintè de ce qu'on les condamnoit ainfi avant de les entendre, elle demanda feulement au Lieutenant Civil, fi elle ne pourroit pas donner le voile à fept de fes Poftulantes qui étoient déja au Noviciat, & que la Communauté avoit admifes à la vêture. Il n'en fit point difficulté; & fur la parole de ce Magiftrat, quatre de ces filles prirent l'habit le lendemain, qui étoit le jour de Quafimodo; & les trois autres le prirent auffi le furlendemain, qui étoit le jour de faint Marc.

Cette affaire fut rapportée au Roi d'une maniere fi odieufe, qu'il renvoya fur-le-champ le Lieutenant Civil pour faire ôter l'habit à ces Novices. L'Abbesse se trouva dans un grand embarras, ne croyant pas qu'ayant donné à ces filles le faint habit en face des Autels, il lui fût permis de le leur ôter

fans qu'elles fe fuffent attiré ce traitement par quelque faute. Elle écrivit au Roi une lettre très - refpectueufe pour lui expliquer fes raifons, & pour le fupplier auffi de vouloir bien confidérer fi Sa Majesté, fans aucun jugement canonique, pouvoit en confcience, en leur défendant de recevoir des Novices, fupprimer & éteindre un monaftere & un inftitut légitimement établi pour donner des fervantes à Jefus-Chrift dans la fuite de tous les fiecles.

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Pendant ce temps-là les ordres de la Cour touchant les Penfionnaires s'exécutoient. L'éloignement des parens de quelques-unes, à qui il avoit fallu écrire dans les Provinces, & dont il falloit attendre la réponse, retardoit leur fortie. Huit jours furent employés au départ de ces enfans, qui pleuroient, jour & nuit fans vouloir manger. La compaffion & l'attendriffement de leurs. maitreffes; la douleur des parens qui arrivoient pour emmener ces enfans; le faififfement des meres & des enfans, dont quelques-unes tomboient en foibleffe, lorfqu'il s'agiffoit de paffer pas de la porte pour s'en aller, formoient un fpectacle pitoyable. M. Her

le

mant, Chanoine de Beauvais, dit à ce fujet dans une lettre qu'il écrivoit à M. Arnauld fur cette lamentable scene: «Les Anges que Dieu a donnés pour »gardiens à ces brebis, font maintenant occupés à recueillir toutes les »larmes qui tombent des yeux & qui. »coulent des joues de ces pauvres in-. »nocentes, & les porteront fans doute »devant le trône de fa divine Majesté».

Le Roi avoit fort bien reçu la lettre. de l'Abbeffe touchant les fept Novices: il la lut avec attention. Etant entré chez la Reine mere à fon lever, il la lui montra & lui en fit des éloges. Cependant le vendredi, 13 Mai, le Lieutenant Civil vint à Port-Royal & préfenta à la Mere Abbeffe une feconde Lettre de Cachet pour ôter, fans différer, l'habit aux fept Novices & les rendre à leurs parens. Les Meres, malgré l'ordre du Roi, ne purent jamais fe réfoudre à ôter l'habit à ces Novices, qui, de leur côté, ne voulurent jamais le quitter. Ainfi, elles fortirent du monaftere avec l'habit de Religion, & le garderent plus de trois ans dans le monde, attendant toujours qu'il plût à Dieu de leur rouvrir les portes d'une maifon où elles penfoient

que leur falut étoit attaché. L'une de ces Novices étoit cette Mademoiselle Perrier qui avoit été guérie par la fainte Epine: Dieu a permis qu'elle foit refstée dans le monde jufqu'en 1733, afin que plus de perfonnes puffent apprendre de fa bouche ce miracle fi étonnant. Le nombre des Demoiselles qui fortirent de Port- Royal, tant Pensionnaires que Poftulantes & Novices, étoit de près de foixante.

Dans le même mois, le Lieutenant Civil alla encore au Chênai & aux Troux, pour diffiper les petites Ecoles qu'on y tenoit, & qu'on y avoit transférées de Port-Royal lors de la premiere expédition qui s'étoit faite en 1656. La petite Communauté qui étoit au Chênai confiftoit en deux Précepteurs & fept enfans, à qui on comniuniqua l'ordre du Roi. Et aux Troux, il ne s'y trouva que les deux enfans de M. de Bagnols, qui étoient les maîtres de la maison, & qui y demeuroient avec le Précepteur que leur pere leur avoit donné avant que de mourir. Ici le Lieutenant Civil laiffa les chofes ainfi qu'il les avoit trouvées.

Les Grands-Vicaires de Paris reçurent auffi un ordre de la Cour de

donner aux Religieufes un autre Supérieur à la place de M. Singlin. La bénédiction que Dieu donnoit à fa conduite, n'étoit vue qu'avec jaloufie des ennemis de cette maison. Le même ordre portoit que les Grands-Vicaires choifiroient un Supérieur parmi fept Docteurs qu'on leur nommoit. Ils choifirent M. Bail, Curé de Montmartre & Sous-Pénitencier, pour être leur Supérieur & leur Confeffeur. Celui-ci nomma deux Prêtres de faint Nicolasdu-Chardonnet pour être leurs Confeffeurs fous lui. On ne pouvoit guere choifir des gens plus prévenus contre Port Royal. M. Bail fur-tout, dont les cheveux fe hérifoient au feul nom de cette maison.

Le 12 Juin on fut encore à PortRoyal de la part de Sa Majefté, pour obliger tous les Eccléfiaftiques de la maison, Confeffeurs & autres, de fe retirer. Dans ce même temps, M. Bail, nouveau Supérieur, eut ordre de faire la vifite des deux maisons. M. de Contes, Doyen de Notre-Dame, & l'un des Grands-Vicaires du Cardinal de Retz, voulut bien, par affection pour la maifon de Port-Royal, préfider à cette vifite, & la faire conjoin

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