Imágenes de páginas
PDF
EPUB

foit que ce qu'elle étoit obligée de faire, & que ce qui étoit commandé par le Concile de Trente. «c Vraiment nous >>en tenons, dit le jeune homme; en » voici encore une qui cite les Canons » & les Conciles ».

M. Arnauld las d'attendre & de difputer, fit remettre les chevaux au carroffe pour s'en retourner. Cependant fa fille l'Abbeffe le preffa tant qu'il eut enfin la condefcendance d'entrer au parloir. Elle y entra de fon côté. Le pere, avec un vifage où la douleur étoit peinte, lui dit d'une voix toute faifie, que ce jufqu'ici elle avoit eu un "pere qui l'avoit aimée, mais que fa »conduite envers lui l'empêcheroit de >> lui donner à l'avenir les mêmes preuves » de l'amour qu'il conferveroit pour >>elle; & qu'en lui déclarant qu'il ne »la verroit plus, il lui faifoit une der»niere priere, qui étoit que pour l'a>>mour de lui elle voulût bien ne pas » ruiner fa fancé par des auftérités in>> difcretes >>.

כל

Jufqu'ici le courage de la Mere Angélique avoit foutenu tous les traits de colere qui étoient tombés fur elle. Mais ce témoignage inefpéré d'affection & de tendreffe, & ces adieux de fon

pere pour la vie, firent fur elle une fi vive impreffion, qu'elle tomba évanouie. Tout alors changea de face. M. Arnauld oubliant qu'il avoit été offenfé, fe fent pere; il creit fa fille morte, appelle au fecours. Personne n'ofe approcher. La compagnie court. à la porte du couvent, frappe avec grand bruit. Les Religieufes qui penfent qu'on veut enfoncer la porte, fuient au lieu d'approcher. Enfin M. d'Andilly heureufement fe fait entendre: il leur crie de toutes fes forces d'aller fecourir leur Abbeffe qui fe meurt dans le parloir. Les Religieufes y courent, & trouvent leur pauvre Abbeffe étendue par terre fans fentiment & fans connoiffance. Elle eut beaucoup de peine à revenir. La premiere chofe qui la frappa en ouvrant les yeux fut fon pere à la grille & tout tremblant. Elle lui dit feulement ces deux mots, qu'elle le prioit de ne s'en pas retourner ce jourlà. Le pere, qui ne fe fouvenoit plus que de l'accident de fa fille, lui promic de faire tout ce qu'elle voudroit. On emporta l'Abbeffe dans fa chambre & on la mit au lit. Mais on prépara un autre lit dans le parloir pour le moment où elle pourroit parler à fon pere.

On l'y transporta effectivement. Elle converfa tranquillement avec fon pere, lui expofa fes raifons, qu'il goûta; & dès ce moment l'affaire fut terminée. Les deux jeunes fœurs qui étoient for ties de la maifon y rentrerent; le pere s'en retourna pleinement réconcilié avec fa fille; & depuis, il n'entra plus dans le monaftere, excepté lorfqu'il s'agiffoit de donner de ordres pour les bâtimens ou les jardins. Pour Madame Arnauld, elle avoit juré dans fa colere qu'elle ne remettroit jamais les pieds à Port-Royal; & elle fe croyoit liée par fon ferment. Au bout d'un an, ayant entendu un Prédicateur à Paris qui dit que des fermens faits dans la colere pour quelque chofe de mauvais, n'obligeoient point, elle en fut ravie; & auffi tôt fon dîner elle monta en carroffe & courut à Port-Royal voir fa fille.

Cette journée, qui fut fi trifte, & dont les fuites furent très-heureuses 9 a toujours été appellée depuis, la journée du guichet. Depuis cette époque la jeune Abbeffe ne trouva plus d'oppofition à fa réforme. Mais cette réforme, la premiere qui ait été introduite dans l'Ordre de Cî

teaux, fir beaucoup de bruit; & elle eut la destinée des chofes les plus faintes; c'eft à-dire, qu'elle fut un fujet d'édification pour les uns, & une occafion de fcandale pour les autres. Un grand nombre de Moines, d'Abbés même, qui regardoient la bonne chere, l'oifiveté, la molleffe, & en un mot le plaifir comme d'anciennes coutumes de l'Ordre où il n'étoit pas permis de toucher, la défapprouverent, & déclamerent contre les Religieufes de PortRoyal avec emportement.

La. Mere Angélique alors fe livra toute entiere à l'exercice de toutes les vertus. On vit régner en elle l'amour de la priere, de la retraite, de la pauvreté, de la mortification, du filence, de l'humilité. Sa charité envers les ma lades fut extrême les petites véroles, les dyffenteries, les maladies contagieufes ne l'effrayoient pas, & elle fe regardoit comme la premiere infirmiere. Sa charité s'étendoit fur tout, tant dans l'enceinte de fa maison, qu'au dehors, & elle étoit véritablement la mere des pauvres pour le fpirituel & pour le temporel. Sa tendrefle &. fa libéralité fe fit fentir principalement aux perfonnes qui avec une vocation marquée,

n'avoient pas de quoi fe faire Reli gieufes elle les recevoit fans dot, & fourniffoit à tout leur néceffaire. Il eft à remarquer que toutes ces vertus qu'elle poffédoit dans un degré éminent, commencerent à briller en elle dans tout leur éclat, lorfqu'elle avoit à peine dix-fept ans.

Sa foeur Agnès, qui étoit nommée Abbeffe de Saint-Cyr pour jouir de fonAbbaye lorfqu'elle auroit vingt ans, devint auffi l'objet de fa follicitude & de fa charité. Cette jeune Abbeffe alloit fouvent à Port-Royal pour voir fa fœur Angélique qu'elle aimoit beaucoup. Celle-ci n'eut point de repos qu'elle n'eût infpiré à fa fœur Agnès le goût de la réforme; & elle en vint même jufqu'à la faire renoncer à fon Abbaye à laquelle elle tenoit beaucoup. Agnès remit donc au Roi fon Abbaye de SaintCyr; & elle fe fit fimple Religieufe dans le couvent de fa four à Port-Royal. La Mere Angélique l'éprouva pendant plus d'un an le tendre amour qu'elle avoit pour elle n'étoit point aveugle; elle la traita dans fon noviciat comme une novice qui lui auroit été étran la mortifiant en toutes chofes, & lui procurant fouvent des humilia

gere,

« AnteriorContinuar »